À travers la rencontre avec une adolescente passée à l’acte violemment au visage, nous pensons la place du visage puis celle du mouvement de défiguration dans le processus de sexuation de l’adolescente. Dans la continuité du corps, le visage est soumis à la violence du pubertaire et à l’exigence du travail de féminin. L’empêchement à intégrer un visage sexué peut entraîner des angoisses de défiguration et des défenses attachées au visage ou encore des violences agies dans la défiguration.
Because the Ego can only be projected image of the subject through its multiple representation, its various “ garments ” it can only be imaginarily sustained by the Other, the Other’s gaze. Clothing and its problematization in adolescence are a way of grasping oneself back from the Other’s gaze, in a renewed quest (like an after effect of the mirror stage) for approval and confirmation of one’s image from the Other. In this way the adolescent’s relationship with clothing may be perceived as a necessary phase when gazes are recombined in order to construct what we call a visage, within the difficult meeting of these gazes. Thus we propose that clothing be thought of as the place of a process of visage-ification affecting subject and object, a process through which the meeting of gazes is played out again and put into dialectical form.
Parce que le Moi ne peut être qu’une image projetée du sujet à travers ses multiples représentations, ses diverses “ vêtures ”, il ne peut se soutenir imaginairement que par l’Autre, le regard de l’Autre. Le vêtement et sa problématisation à l’adolescence sont une manière de se ressaisir du regard de l’Autre, à la recherche renouvelée (comme un après-coup du stade du miroir) de l’assentiment, de la confirmation de son image du côté de l’Autre. C’est ainsi que le rapport de l’adolescent au vêtement peut être conçu comme un temps nécessaire de recombinaison des regards, afin de construire ce que nous nommons du visage, au cœur de la difficile rencontre des regards. Aussi proposons-nous de penser le vêtement comme le lieu d’un processus de “ visagéification ” qui affecte sujet et objet, processus par lequel se rejoue et se dialectise le croisement des regards.
Nous nous proposons d’analyser la catégorie de l’“ obscène ” en le définissant comme une fonction, jouant dans l’espace de la relation à l’Autre et de la rencontre des regards un rôle de régulation et de parade en son double sens : exhibition et évitement d’une attaque.
L’adolescent, dans son rapport à la scène pornographique, questionne en même temps qu’il voile le corps de l’Autre, ressenti comme pôle d’attraction mais aussi de menace.
Les relations entre le processus adolescent et le rapport au langage se jouent en particulier par un certain « remodelage » du langage au travers des inventions graphiques des adolescents et un nouvel investissement des formes écrites. C’est dans l’invention de sa signature que nous situons un acte essentiel de la ré-écriture de l’adolescent par lui-même, pour le dire autrement, dans l’acquisition d’un style. Il s’agirait d’interroger le statut en mutation du sujet dans son rapport à la signature articulée au nom propre. Cela implique sans doute de préciser la fonction monstrative de la signature et les effets de ses déplacements. Nous pourrions indiquer comme ligne de recherche l’étude de la valeur de signature des marques du sujet au travers de ses formations actuelles : les inscriptions sur le corps propre.
Dysmorphophobic fears refer to apprehensions about what a position sexually differentiated as either masculine or feminine can evoke regarding a commitment that cannot be maintained in others’ eyes. Starting with the conviction that a shameful negativity is contained within an imaginary hole in the body, the adolescent boy or girl feels excluded from social interplay and from all registers of seduction, and takes refuge in this outcast condition, thus « taking a vacation » from the trials of sexual difference. Also, the whole problematic of veiling situates the adolescent towards what we could call his « re-visagification », a necessary response to his questioning within the field of the exchange of gazes.
In this article, we will define a path which may be traced along a circle whose two ends do not come together, but which form an ascending spiral: the starting point is the real of the body, the initial evidence of the pubertary process, experiences as the Other sex (the Feminine), then the experience of shame, of dysmorphophobia, and of the creation of the aesthetic object for covering up that experience of emptiness.
Les craintes dysmorphophobiques renvoient aux appréhensions de ce qu’une position sexuée du côté féminin ou masculin peut évoquer d’un engagement impossible à tenir au devant du regard des autres. C’est à partir d’une conviction de contenir en un creux imaginaire du corps une négativité honteuse que l’adolescent, ou l’adolescente, se ressent exclu(e) du jeu social et de tout registre de la séduction, et se fait un refuge de cette condition de proscrit(e) en se mettant en vacance de l’épreuve de sexuation. Aussi, toute une problématique du voilement situera l’adolescent vers ce que nous pouvons nommer sa « revisagéification » nécessaire comme réponse à son questionnement dans le champ de l’échange des regards.
Dans cet article, nous définirons un parcours qui pourrait se dessiner selon un cercle dont les deux bords ne se rejoignent pas, formant une spirale ascendante : le point de départ est le réel du corps, l’évidement initial du pubertaire, ressentis comme Autre sexe (le Féminin), puis l’éprouvé de la honte, la dysmorphophobie et la création de l’objet esthétique de recouvrement de cet éprouvé du vide.
Adolescence, 2011, T. 29 n°4, pp. 801-818.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7