Archives par mot-clé : Traumatisme

Lippe Didier : Devenir adulte : « Trauma, ma non troppo… »

Le premier rapport sexuel de l’adolescent constitue un moment particulier de changement de son être au monde (de son rapport au monde) inscrivant ses traces dans son corps comme dans sa psyché ; pleinement constitutif de son devenir adulte il ne fait pourtant pas non plus forcément de lui un adulte. Au regard de la charge d’excitation qu’il porte, on peut le considérer comme un traumatisme à la fois nécessaire et constructif dans l’évolution du sujet, ici vivement confronté à la question fondamentale de son désir et de sa jouissance.
En s’étayant sur une certaine lecture de la question du traumatisme, de la répétition et de la pulsion de mort chez Freud, je proposerai de voir ce « traumatisme » du premier rapport sexuel de l’adolescent comme une sorte « d’objet de perspective » pour la psyché, mettant en jeu une « répétition anticipatrice » ; celle-ci permet de déjouer les aspects déstructurants pour la psyché de ce « traumatisme » ; notamment elle en en atténue sa charge d’excitation, en élaborant « partiellement » et préalablement par la ou les répétition(s) incluse(s) dans cet acte, l’effet traumatique du surgissement inattendu de l’Autre en soi, l’Autre soi-même qui se révèle dans le moment aigu de la jouissance et avec lequel l’adolescent, pour son « devenir adulte » va avoir à faire. Cette question sera illustrée par le cas d’un adolescent où les symptômes obsessionnels et leur déploiement fantasmatique dans la psychothérapie pourraient être entendus rétroactivement comme pris dans cette « répétition anticipatrice ».

Philippe Bessoles : état post-traumatique et facteurs de résilience

La notion de résilience apparaît heuristique pour l’étude des pathologies post-traumatiques. Dans un emprunt à l’épistémologie des sciences physiques comme qualifiant la résistance des métaux aux chocs, nous proposons de penser les processus résilients en psychopathologie clinique comme des organisateurs psychiques capables de promouvoir la représentabilité du traumatisme. En cela, la capacité résiliente d’une personne victime s’appréhende en logique d’économie placée à la convergence des réinvestissements objectaux, des enveloppements psychiques primaires et de l’inscription psychosensorielle des données de l’expérience traumatogène. La promotion de la pérennité de l’organisation sensorielle semble la forme basale des processus résilients avant la scénarisation fantasmatique. Le trauma psychique peut se penser alors comme un équivalent de scène originaire où la douleur ne fait pas seulement signe d’anéantissement mais d’une réparation – certes douloureuse – des enveloppes formelles du lien objet/sujet. La caducité de l’expérience traumatogène, au travers du scénario fantasmatique, supplante l’excès de réel qui sidère la personne victime. Cette nécessaire traversée du sensible traduit un lestage du trajet psychique préalable à un travail de la pensée du traumatisme.

 

Maja Perret-Catipovic : l’apport de la clinique psychanalytique aux adolescents victimes de guerre

Est-ce que la clinique psychanalytique peut être pertinente pour aider les adolescents victimes de guerre ? Que reste-t-il d’une spécificité de l’adolescence après des traumatismes graves ? L’auteur tente de répondre à ces questions au travers de trois exemples cliniques d’adolescents dont le fonctionnement psychique était gravement compromis suite à des vécus traumatiques lors de la guerre en Bosnie.

Serge Lesourd, Eric Bidaud : un enfant chef de guerre : le meuretre du père “ réelisé ”

À partir d’un travail avec un adolescent pris dans la violence des luttes inter-ethniques, devenu guerrier à l’âge de dix ans, à la suite de l’assassinat de sa famille par l’autre clan, les auteurs interrogent cette mise en acte dans la réalité du meurtre du père et ses effets sur la place du sujet dans le lien social, ouvrant alors aux questions que pose la violence des jeunes de notre modernité comme “ réelisation ” du meurtre du père.

Yassaman Montazami-Ramade : les noces de sang. adolescents, soldats et martyrs en iran

Suite à l’effondrement des utopies révolutionnaires, les adolescents iraniens développent à travers leur rôle actif en tant qu’engagés volontaires dans la guerre Iran-Irak, une “ culture de mort ” où la recherche d’une identité de martyr se substitue à un processus de subjectivation.

L’idéologie islamiste et le fanatisme de guerre induisent des comportements de repli narcissique qui empêchent ces jeunes d’accéder à la dimension de sexualité adulte et par là de s’approprier un discours au sein d’une société répressive.

À travers le cas clinique d’un ancien adolescent-soldat iranien, cet article tente de montrer comment cette guerre est devenue la seule réponse sous forme d’impasse au processus d’adolescence pour des milliers de jeunes Iraniens.

 

Khapta Akhmedova : le futur brisé

L’auteur aborde à propos d’adolescents en camps de réfugiés leur principale difficulté : l’incapacité de se projeter dans le futur.

“ Lorsque nous avons commencé à travailler avec les adolescents qui ont vécu la guerre, nous avons constaté “ que leur passé ” se limitait à la période du vécu de cette guerre. Nous avons également remarqué que leur imagination concernant le futur était, soit complètement absente, soit traumatisante. ”

Plusieurs observations cliniques argumentent ce constat et permettent trois conclusions :

– ne pas aller trop vite avec les adolescents pour modifier leur image du futur,

–  ne pas créer les images à leur place,

–  ne pas craindre leurs images terribles.

Linda Slama : les liaisons dangereuses

Les expériences traumatiques de l’enfance peuvent avoir pour conséquence la mise en place par la psyché de stratégies défensives primitives pour faire face à la dangerosité des liens.

Nous verrons à travers l’histoire de Diane comment une dynamique paradoxale peut s’installer à l’adolescence entre la recherche de liens érotiques et l’attaque contre ces liens, dans le but d’éliminer tout besoin des autres.

La clinique des « liaisons dangereuses » consiste en une recherche par les adolescents, de partenaires dont la particularité serait d’entretenir et de répéter les carences et traumatismes liés à l’environnement primaire. Paradoxalement, ces liaisons ont pour fonction défensive de protéger les adolescents contre de véritables liens amoureux pressentis comme beaucoup plus dangereux en raison de la menace de dépendance qu’ils sous-tendent.

Bernard Duez : l’enfermement et les issues de l’indécidabilité

 

Après un bref rappel ethnologique et historique l’auteur met en évidence le travail de l’enfermement psychique en montrant comment cet enfermement suppose une mise en scène. À partir d’un exemple clinique, en insistant sur la dimension de scène et sur la notion des groupes internes, il montre comment les moments de renfermement à l’adolescence s’inscrivent dans un contrat inconscient entre l’adolescent et le monde adulte. Il apparaît que l’enfermement se situe dans une problématique de l’intrusion qui renvoie à l’insuffisance originaire du sujet humain. Le travail des groupes internes, qui oscille entre lien vers l’autre, appropriation de soi et enfermement a pour fonction de transformer l’état traumatique que l’auteur définit comme une état subjectif ambigu qui affronte le sujet à l’indécidabilité, à l’impossibilité à destiner ses pulsions. L’invention du lien d’incompatibilité  est une tentative de se dégager de cet état et engage le travail des groupes internes.