À partir d’une enquête épidémiologique en population générale scolaire, 450 jeunes de l’enseignement public secondaire qui se décrivent comme fugueurs ont été comparés à 11 734 jeunes qui n’avaient pas fugué.
La fugue est associée à du “ mal-être psychologique ” et à des violences subies et agies ; le fugueur est aussi suicidant, violent, délinquant et il abuse de produits licites comme illicites. Le fugueur cherche de l’aide et consulte, il reste à trouver les prises en charge multifocales face à la diversité des manifestations exprimées : fugue, tentative de suicide, délinquance et abus de produits licites comme illicites.
Les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse, les fugues et les scarifications sont des conduites d’agir fréquentes à l’adolescence. Au même titre que d’autres conduites de rupture, nous les envisageons comme des figurabilités corporelles qui s’ancrent, tant dans la forme que dans le fond, bien davantage du côté des productions psychiques que des passages à l’acte réputés court-circuiter la pensée. Ces conduites relèvent pour une part d’une intentionnalité consciente, incarnant l’effacement ou l’évacuation hors de soi des tensions internes, leur « reprise en main » synonyme de maîtrise, la transposition de la souffrance psychique en percepts sensibles et visibles et la recherche d’effets sur l’entourage dans l’attente d’une reconnaissance et de remaniements favorables. Elles sont aussi inconscientes et très condensées, réalisant des tentatives de figuration qui donnent forme et consistance aux représentations psychiques que le sujet en souffrance identitaire tente ainsi d’éviter ou d’escamoter.
Dans la mesure où la plupart des adolescents concernés ne peuvent mettre en mots cette souffrance, et pour les préparer à s’engager dans un travail psychique, nous pensons nécessaire d’allier progressivement l’affect à la représentation et l’acte à la parole par l’intermédiaire d’actesthérapeutiques s’offrant comme autant de supports de figuration pouvant favoriser la reliaison. Nous en fournissons des exemples à partir de l’expérience de notre équipe qui, depuis quinze ans, aménage de brefs séjours hospitaliers pour les jeunes suicidaires au sein d’une unité spécialisée.
Les auteurs abordent la problématique de la tentative de suicide d’une adolescente en lien à « une mère » défaillante dans sa qualité d’investissement, avec pour conséquence la constitution d’un trou dans la relation d’objet. La tension conflictuelle entre l’attrait objectal et la préservation narcissique a trouvé à s’exprimer par l’acte et le corps chez cette adolescente en grande souffrance identitaire.
Dans une tentative de colmater les brèches narcissiques provoquées par les défaillances de l’objet précoce, le recours à un objet d’addiction (violon) – entre accordage et accrochage –, a permis à cette adolescente d’éviter de se confronter à la perte, au vide en soi, et de mettre à distance tout autre investissement qui pouvait être menaçant pour son intégrité psychique. Les auteurs montrent comment une psychothérapie à médiation va favoriser l’engagement de cette adolescente dans un travail de troc et de deuil en appui sur la sublimation.
L’adolescence, transition à la dynamique habituellement constructive depuis le monde de l’enfance à celui de l’âge adulte, est parfois source de fragilités de par les remaniements pubertaires inhérents et la réactualisation d’une émergence pulsionnelle mise auparavant en sommeil. Ce mouvement n’est pas toujours porteur de la vitalité attendue, en confrontant certains sujets à une impossible maturation, ouvrant la perspective du suicide comme issue à cette impasse évolutive. Un éclairage original de ce que Freud a pu développer au sujet des mécanismes sous-jacents de certaines conduites suicidaires est proposé ici à travers l’histoire d’une patiente dont la répétition des gestes suicidaires inscrira l’adolescence dans une tension entre un processus mortifère visant à sa destruction et une tentative de survie dans l’ultime réappropriation d’elle-même.
Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 315-319.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7