À partir de fragments cliniques et de réflexions métapsychologiques, sont avancées des hypothèses de travail tendant à mettre en évidence comment, à l’adolescence, les symptomatologies compulsives visent l’arrêt du temps par un contre-investissement majeur de la passivité. En refusant activement les effets de l’absence et de la perte d’une part, et ceux de la castration inhérente aux processus identificatoires d’autre part, ces adolescents tentent d’annuler le passage du temps et les changements qui en témoignent.
Archives par mot-clé : Temporalité
François Richard : temporalité, psychose et mélancolie à l’adolescence
Dans cet article, l’auteur montre comment le concept de subjectivation est issu de la clinique des états psychotiques à l’adolescence. Ceux-ci sont reliés à un noyau mélancolique parfois difficile à repérer sous le conflit pulsionnel pubertaire. À partir d’un cas clinique d’entrée dans la psychose à l’adolescence, la relation fondamentale entre psychose, temporalité et mélancolie est reproblématisée d’une façon susceptible de rendre compte des symptomatologies d’allure “ cas-limite ” dans une théorisation post-freudienne tenant compte de certains apports de Green et Racamier.
François Richard : un remords de proust. contribution à la théorie psychanalytique de la création
Dans cet article est faite l’hypothèse que l’on trouve dans l’ensemble de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust les traces d’une censure portant sur l’émergence de la sexualité pubertaire. Explicitement évoqué dans Contre Sainte-Beuve, le moment de découverte de la nouveauté pubertaire ne réapparaît ensuite que de façon voilée dans La Recherche. De cette censure et de ce remords, l’œuvre cherche à en réparer les effets destructeurs par une esthétique spécifique dont l’économie libidinale est ici analysée (en particulier le fantasme d’“ homme-lesbien ”, un certain fétichisme, et la métaphorisation permanente de l’angoisse de castration). Un regard nouveau peut alors être porté sur les apories proustiennes bien connues concernant la temporalité.
Claire-Marine, François-Poncet : le temps à l’épreuve de la clinique de l’adolescence
L’investissement de la dimension temporelle par les adolescents en thérapie interroge notre modèle de l’adolescence et de sa durée comme s’il revenait en partie au psychologue ou au thérapeute de répondre à ces questions. À l’extrême, certains adolescents viendraient en thérapie pour faire « leur crise d’adolescence » ; l’immaturité psychique se soignerait-elle et dans quel cadre ? Ces questions sont sans doute liées à la culture psychologique à la source des modèles actuels de l’adolescence.
Lorsque l’encadrement familial ou scolaire délimite l’espace-temps de l’adolescence selon les modèles hérités du début du siècle, le thérapeute travaillera avec ces repères s’attachant à en interpréter la valeur psychique. Mais lorsque cet encadrement devient incertain ou inexistant le cadre clinique peut devenir le seul modèle du temps de passage de l’enfance à l’âge adulte ; pour éviter l’écueil de thérapies interminables ou à valeur pédagogique, le thérapeute sera confronté à la tâche difficile d’inviter l’adolescent, à peine sorti de l’enfance, à intérioriser les limites du cadre et les élaborer en limites intérieures entre l’enfant et l’adulte. L’affaiblissement des modèles culturels se traduirait par un alourdissement du travail psychique à l’adolescence.
Jean-Marc Dupuy : l’intervention de l’éducateur P.J.J. de milieu ouvert auprès du mineur incarcéré
Les nouvelles dispositions législatives traitant de la prise en charge des mineurs délinquants et les dispositifs qui en découlent, constituent une rupture et une régression par rapport à l’histoire de cette prise en charge depuis 1945, à l’apport théorique des sciences humaines sur ce sujet, à l’expérience professionnelle accumulée par les intervenants de terrain.
Le mode d’intervention de la Protection Judiciaire de la Jeunesse mis en place auprès des mineurs incarcérés illustre bien cette rupture et cette régression. L’éducateur en milieu ouvert et, à travers lui, l’institution Protection Judiciaire de la Jeunesse, doit y occuper une position complexe de tiers extérieur à l’institution pénitentiaire. Continuité de l’action éducative et extériorité du positionnement institutionnel sont inséparables et conditionnent la validité de cette intervention. Le retour de la notion de rééducation en opposition avec le souci de la prise en compte du sujet dans sa réalité psychique, son corollaire le retour de la Protection Judiciaire de la Jeunesse comme co-gérante de l’univers carcéral pour les mineurs, vont invalider ce positionnement et ses potentialités.
Patrick Alecian, Anne-Marie Royer, Catherine Jousselme : achoppement des processus de liaison à l’adolescence et paradoxes culturels
Notre expérience au sein de Maisons des adolescents (MDA) permet de penser une théorie de la pratique, sur site pluridisciplinaire. Celle-ci désignée par le « prendre soin », décline différents paradoxes, compris comme des risques d’achoppements, dont les administrations, les services et les professionnels doivent pourtant se saisir pour aider les adolescents les plus en difficultés.
Adolescence, 2014, 32, 1, 111-127.
Jocelyn Lachance, Sébastien Dupont : La temporalité dans les conduites à risque : l’exemple du film Fight Club
En 1999, David Fincher signait le film Fight Club, souvent analysé comme une critique à l’égard du capitalisme financier. Mais au-delà de ce discours, ce film est une illustration saisissante des conduites à risque des jeunes, telles que l’anthropologie et la psychologie peuvent les interpréter. Nous proposons ici une re-lecture de l’œuvre de David Fincher, devenu un véritable film culte auprès des jeunes générations d’aujourd’hui. Nous verrons plus spécifiquement comment l’axe temporel occupe une place prédominante dans les expériences du risque auxquelles s’adonnent les protagonistes. Ces conduites à risque apparaissant alors comme des rites de passage, créés par des personnages en perte de repères, destinés à les ré-inscrire dans le temps individuel et social, dans l’histoire individuelle (celle de l’enfance) et la grande Histoire.
Silke Schauder : du temps de l’œuvre à l’œuvre du temps. quelques notes sur camille claudel (1864-1943)
L’article présente une discussion du processus créatif chez Camille Claudel et des relations complexes qu’entretiennent ses œuvres avec le temps. Dans un premier temps, l’auteur souligne la sensibilité toute particulière de cette artiste au temps. Dans un deuxième temps, huit de ses œuvres sont présentées et analysées en fonction de leur rapport spécifique au temps.
Adolescence, 2008, T. 26, n°2, pp. 389-421.
Vincent Cornalba : je, net et tchatche
Le statut de la parole, à l’orée de l’adolescence, traduit le mouvement identitaire contradictoire à partir duquel se construit le Je. L’identité idem et l’identité ipse constituent les deux pôles à partir desquels s’énonce la certitude d’une définition subjectale. Un Je que l’adolescent interroge en bousculant les règles du langage, mais aussi en se choisissant des procédures particulières auxquelles les nouveaux modes de communication lui permettent de donner forme.
À partir d’une séquence clinique, l’auteur parcourt les conditions de ce travail identitaire à l’adolescence. Il est, par essence, autoconstruction. L’auteur insiste finalement sur l’importance d’un « aller sans but » psychique dont la thérapie analytique apparaît comme la matrice naturelle.
Adolescence, 2009, T. 27, n°4, pp. 971-982.
Ludovic Gadeau : le rapport à la loi et l’exercice de l’autorité : acte éducatif et temps transitionnel
L’auteur met en discussion une forme de dérive dans le rapport à la loi et l’exercice de l’autorité en opposant acte éducatif et réaction éducative. Cette opposition est utile pour élaborer les situations éducatives se situant au voisinage de la perversion. La réaction éducative opérerait dans le registre de la réalité contingente, répondant à une temporalité du registre de l’immédiateté. L’acte éducatif tirerait son pouvoir structurant de ce qu’il se situe essentiellement dans le registre symbolique, gouverné par une temporalité transitionnelle. L’auteur montre que certaines expériences intersubjectives lorsqu’elles sont soumises à une temporalité transitionnelle donnent à l’acte éducatif sa portée structurante.
Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 689-697.