Avec la puberté, le vécu temporel se conflictualise et sort de la linéarité infantile. Ce processus se voit entravé par la survenue d’une phobie scolaire à l’adolescence, sans signe annonciateur antérieur. La pulsionalité y semble aussi gelée que le temps figé. S’y retrouve une quête d’immuabilité propre aux syndromes autistiques. Ici l’effet d’après-coup au lieu d’ouvrir à la temporalité réveille une faille des origines.
L’exercice clinique dans des lieux de placement judiciaire, auprès d’adolescents en proie à la destructivité et aux actes délinquants, confronte rapidement les thérapeutes à des enjeux temporels particuliers. L’immédiateté des réponses institutionnelles face à « l’urgence à se subjectiver » enferme parfois ces adolescents dans la répétition mortifère du passage à l’acte. La créativité du clinicien devient alors une nécessité de premier soin pour faire de ces lieux des espaces transitionnels possibles.
Ce travail expose une théorie de la filiation pensée comme forme dynamique, et fait le diagnostic d’une souffrance contemporaine à habiter la temporalité. Le rapport actuel au temps est saisi à travers le prisme des théories transhumanistes, afin d’illustrer l’idée d’un présent qui ne se déploie pas, et d’un futur peu investi par l’élan vital, quand bien même la mémoire serait « parfaite ». Une vignette clinique donne à comprendre l’impasse subjective d’une mémoire « totale ».
À travers le cas d’Arthur, joueur addict aux jeux vidéo, est évoquée la réécriture du fantasme à l’adolescence utilisant, dans l’après-coup du stade du miroir, l’écran comme surface projective et réflexive. Un stade du jeu vidéo conçu comme répétition générale du rapport à l’Autre, à l’Autre sexe, où le jeu, comme espace transitionnel, simulateur de liens aux objets et aux sujets, ne saurait cependant se substituer à la rencontre (tuchê) avec l’extérieur, à la relation physique, concrète.
À partir de la clinique d’une adolescente reçue en consultation pour symptômes hallucinatoires, nous proposons une lecture de ses expressions subjectives selon une perspective temporelle. Nous axerons notre réflexion sur l’actualisation de liens primaires où la sensorialité peut devenir une voie de conquête vers la subjectivation. De ce fait, nous interrogerons la place de l’environnement actuel de l’adolescente comme étayage dans ce travail.
On peut penser que les difficultés, voire les impossibilités que les jeunes psychotiques rencontrent pour mettre en place leur vie d’adulte découlent du fait que des moments-clé du développement psychique ont échoué. Chez eux, la temporalité devient alors une étendue sans fin, plutôt qu’une trame où viendraient s’inscrire des étapes vivantes, structurantes, qui permettent de grandir.
Une prise en charge psychothérapique, au sein de soins institutionnels intenses, pourra-t-elle remobiliser les éléments nécessaires à cette maturation/maturité ?
Fantasio et Léonce, les deux héros adolescents des comédies éponymes de Musset et Büchner, sont aux prises avec une temporalité immobile, synonyme d’ennui, de ressassement et de vide. Cette temporalité ouvre sur la mort, envisagée comme seule réalité dès lors qu’ils quittent le hors-temps édénique d’une enfance dont le fantasme de l’enfant mort serait le symptôme. Ce rapport désespéré au temps serait le signe du traumatisme que représente, à l’adolescence, la rencontre de l’objet génital. La mort serait mise en avant pour se protéger du sexuel, et la suspension du temps serait la stratégie dramatique mise au point pour “ retarder ” la rencontre amoureuse redoutée.
Après avoir mentionné des modèles sociologiques et anthropologiques l’auteur discute, à la suite des travaux de Gutton et Rassial, et à partir de ses élaborations cliniques, la pertinence de l’application du modèle du temps logique pour comprendre les diverses étapes de la temporalité adolescente.
Dans cet entretien, répondant aux questions posées par François Richard, André Green revient sur ses travaux désormais classiques sur la temporalité (La diachronie en psychanalyse, Le temps éclaté). Il les replace dans le contexte intellectuel et psychanalytique de l’époque, précise ses positions sur les relations entre structure et développement et sa conception du Moi-Sujet. Ceci l’amène à approfondir ses conceptions concernant les relations entre cas-limite et psychose à partir des propositions de Freud sur la mélancolie, et du même coup à discuter la technique et l’éthique des prises en charge cliniques.
La question des relations entre psychanalyse et temporalité définit l’adolescence comme exemplaire d’une potentialité psychotique dont André Green cherche à théoriser la spécificité tout en prenant en compte la dimension sociale et culturelle.
L’auteur aborde à propos d’adolescents en camps de réfugiés leur principale difficulté : l’incapacité de se projeter dans le futur.
“ Lorsque nous avons commencé à travailler avec les adolescents qui ont vécu la guerre, nous avons constaté “ que leur passé ” se limitait à la période du vécu de cette guerre. Nous avons également remarqué que leur imagination concernant le futur était, soit complètement absente, soit traumatisante. ”
Plusieurs observations cliniques argumentent ce constat et permettent trois conclusions :
– ne pas aller trop vite avec les adolescents pour modifier leur image du futur,
– ne pas créer les images à leur place,
– ne pas craindre leurs images terribles.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7