Dans cet article est faite l’hypothèse que le processus de subjectivation, en particulier à l’adolescence, recourt à la fermeté d’un style, qu’il soit de posture personnelle ou artistique, lorsque le sujet est menacé par des attaques psychotiques. On le voit alors intensifier son travail de pensée et de représentation, mais on distingue alors difficilement l’excès de conscience mélancolique, l’angoisse psychotique et un type de sublimation fasciné par le chaos pulsionnel. Une seconde hypothèse est faite concernant, à l’inverse, l’utilité d’une certaine solitude et de compromis masochistes avec l’objet et la réalité.
Un moment de crise d’allure psychotique chez une adolescente relevant d’une problématique névrotique est présenté dans la mesure où la quête de la singularité d’un style y endigue la décompensation.
Le théâtre de l’auteur dramatique S. Kane est ensuite analysé en détail, en effet on y trouve de façon exemplaire le paradoxe d’un suicide succédant à une maîtrise représentationnelle réussie.
Sont enfin discutées les propositions de Freud sur la destructivité masochiste et celles de D. W. Winnicott sur le noyau du vrai Self comme non-communication.
Dans cet article, l’auteur se propose de définir et de distinguer les notions de morale, de déontologie et d’éthique appliquées au domaine médical. Déontologie et éthique sont ensuite interrogées dans le cadre d’une pratique de soins psychiatriques auprès d’adolescents suicidants. Ce type de situation thérapeutique confronte répétitivement et violemment les soignants aux questions déontologiques et éthiques.
Une vignette clinique permet la mise en évidence des modalités du questionnement éthique, questionnement indispensable à l’élaboration d’une action soignante.
It is standard practice to attribute the human acts of excessive violence that occur regularly in private and in public to an unleashing of aggressive drives : one speaks of the weakness of instances of the superego which have not fulfilled their role. Freud regularly refers to this schema, starting with his establishment of the second topic, and he is the inspiration behind most of the educational models now in force. However, the very ideals that are supposed to control drives can sometimes lead to violent passages to the act. In such cases, there is idealization without sublimation, and the ideal which is at the heart of the idealization is invested for its own sake. Instead of being the vector for desires, opening the way for sublimation, it bottles up drive energy and liberates it in an explosive way. This is why a deeper analysis of ideals is needed if one is to discover the components of the explosion and the way of dealing with it.
Il est classique d’attribuer les actes humains violents excessifs qui se produisent régulièrement sur la scène privée ou publique au déchaînement de pulsions agressives : on invoque alors la faiblesse des instances surmoïques qui n’ont pas joué leur rôle. Freud se réfère régulièrement à ce schéma à partir de la mise en place de la seconde topique, et il inspire la plupart des modèles éducatifs en vigueur. Pourtant, il arrive que les idéaux censés contrôler les pulsions donnent eux-mêmes naissance à un passage à l’acte violent. Dans ces cas-là, il y a idéalisation sans sublimation, et l’idéal qui est au cœur de l’idéalisation est investi pour lui-même. Au lieu d’être le vecteur du désir, ouvrant à la sublimation, il concentre l’énergie pulsionnelle et la libère d’une façon explosive. C’est pourquoi une analyse approfondie des idéaux s’impose pour dégager les composants de cette explosion et la façon de la désamorcer.
Un suicide est un acte énigmatique. C’est un acte hors sens, in-sensé. Qu’est-ce qui fait qu’un sujet ne peut sortir de l’aporie de l’alternative : « la bourse ou la vie » ?Comment dépasser la question de ce choix impossible ? L’être ou le sens ? É. Levé s’est suicidé après avoir écrit un livre qui s’est intitulé Suicide et qui relatait le suicide d’un de ses amis d’adolescence. À travers son livre iltente d’éclairer le mystère même de l’existence et du double qui rejaillit comme un écho imaginaire. Ne serait-ce pas d’ailleurs l’une des questions du suicide ?
Young school shooters are far from fitting a common psychological style: some are described as sociable, others as loners. Some live in intact families, others in divorced or separated families. A set of sociological features unites them : the fulfillment of a virility rite when nothing else gives them a sense of self-worth, the impossibility of identifying with others, the wild hatred which in them takes the place of membership the world.
Les jeunes tueurs des établissements scolaires sont loin de répondre à un style psychologique commun, les uns sont décrits comme sociables, d’autres comme solitaires. Certains vivent dans des familles unies, d’autres dans des familles divorcées ou séparées. Un ensemble de traits sociologiques les rassemble : l’accomplissement d’un rite de virilité quand plus rien d’autre ne les valorise, l’impossibilité de s’identifier aux autres, une haine farouche qui leur tient lieu d’affiliation au monde.
Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 325-337.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7