L’œuvre théâtrale de B.-M. Koltès illustre plusieurs aspects de la crise de l’ordre symbolique, qui caractérise notre modernité en relation à la scène adolescente. Dans l’œuvre de cet auteur, nous assistons à l’essor du pubertaire vécu comme un traumatisme majeur par la famille, régie notamment par la confusion des générations et par la filiation narcissique. Pris dans une impasse développementale et sans soutien narcissique de la part des parents, le jeune koltésien s’illusionne de pouvoir fonder une communauté a-généalogique avec d’autres “ frères ”, et échapper par là au questionnement de la filiation. Mais à l’extérieur de sa famille il ne trouve que la haine et la violence. Au total, le corps à corps social ne fait que reproduire, en miroir, la violence de la scène pubertaire et celle de la famille incestueuse.
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Michelle Cadoret: contexte et culture. Violence de la scène adolescente
Chaque adolescent est, à chaque génération, violemment pris dans un contexte social et impliqué dans une problématique de transmission et de filiation, de dette et d’héritage. Seuls ou en groupe, les adolescents sont des acteurs/témoins qui introduisent leurs objets, discours et conduites dans leurs lieux de passage. L’adolescence est une catégorie instable, sans véritable place, qui peut s’approprier le lien social ou le mélancoliser. La scène adolescente, vulnérable, interpelle les institutions et demande que soit aménagé un espace potentiel qui permette la transformation des registres du psychique et du social impliqués dans ce passage. Elle est un point nodal où se condensent des enjeux individuels et collectifs, où se précipitent et se cristallisent des violences. La scène adolescente se présente comme une violente dramaturgie à la croisée du psychique et du social.
Adolescence, 1998, T. 16 n°1, pp. 291-303.