La rapidité des changements sociaux actuels nous obligent à nous interroger sur ce qui fonde l’entrée dans la vie adulte. Etre adulte apparaît davantage comme une modalité de fonctionnement psychique, sujette à des fluctuations, que comme un état. Ce mode de fonctionnement ne réfère pas tant à un idéal absolu qu’aux potentialités d’un sujet donné dans un contexte donné. Il résiderait dans cette capacité du Moi d’accueillir et d’être en contact avec ce qui demeure en chacun d’infantile sans en être submergé et menacé.
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Philippe Jeammet : les liens , fondement du sujet. de la contrainte au plaisir
Il est travaillé ici le lien objectal infra-représentationnel distingué au niveau des représentations différenciées d’objet (relations d’objet) : comment être soi, si pour être soi il faut à la fois être comme l’autre et se différencier de l’autre ? Cette contradiction inhérente au développement qui fait violence à l’adolescent ne peut être pensée qu’après-coup. C’est parce qu’il a pu accepter de se nourrir des autres qu’il peut s’en détacher et se sentir davantage soi-même. Travaillant la qualité des assises narcissiques, l’auteur utilisera les modèles de l’attachement de l’auto-érotisme dans sa fonction de réinvestissement libidinal de l’emprise. La dialectique est celle des ressources internes et du recours au monde externe perceptivo-moteur dont la mission développementale, en particulier par le contre-investissement de la réalité interne.
Philippe Jeammet : réflexions sur la parentalité
Les êtres humains ont une compétence naturelle à élever des enfants, sinon l’humanité n’existerait plus. Il est vrai cependant que l’évolution sociale récente rend cette fonction plus complexe sinon plus difficile. La libéralisation de la société occidentale a fait perdre en partie un certain consensus sur les règles éducatives qui s’interposait en tiers entre les désirs des parents et ceux des enfants. Cette perte, bénéfique à bien des égards, a l’inconvénient de susciter un rapproché de type incestuel entre les partenaires et de favoriser un investissement narcissique entre eux, brouillant les limites. Ce qui différencie l’enfant et l’adolescent est alors ce qui échappe au désir des parents c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre de l’opposition, de l’insatisfaction, de la provocation et potentiellement de la destructivité. « Ça c’est moi » peut dire le jeune parce que cela met l’adulte en échec et dans l’impuissance et permet au jeune d’échapper à l’angoisse d’abandon parce qu’il inquiète et à l’angoisse de fusion et d’intrusion que pourrait susciter le plaisir partagé.
Il ne faudrait pas cependant que cette invitation faite aux parents à « comprendre » leurs relations émotionnelles avec leurs enfants les paralyse dans leur action et dans leur spontanéité et renforce une situation d’attente à l’égard des enfants auxquels il serait demandé de dicter leur éducation à leurs parents, dont ils prendraient en quelque sorte la place. Il apparaît plus favorable de libérer leur confiance en leur capacité d’être parent tout en les dissuadant de vouloir tout contrôler et de se culpabiliser dès qu’une difficulté surgit ; Par contre toute difficulté durable qui empêche le jeune de se nourrir de ce qui est nécessaire à son développement et renforce ainsi une dépendance pathogène à l’adulte et la nécessité de s’opposer pour se différencier au détriment du développement de ses compétences appelle à la fois une limite ferme posée par les parents au comportement destructeur et une ouverture à des tiers pour sortir de la confrontation stérile.
Philippe Jeammet : la violence à l’ adolescence. Défense identitaire et processus de figuration
La violence comporte une dimension meurtrière. Elle nie la subjectivité de celui qui la subit, mais elle reflète en miroir une menace sur la subjectivité de celui qui l’agit. Elle peut être vue ainsi comme une réaction primaire de défense d’une identité menacée. L’expérience de la vie institutionnelle en psychiatrie, comme les psychothérapies des sujets ayant des troubles du comportement, sont un terrain d’observation privilégiée.
L’adolescence est une étape de la vie propice aux expressions de la violence du fait de la nature des changements psychiques imposés par la puberté.
La relation de soin doit tenir compte de ces particularités du fonctionnement psychique des patients violents. L’espace de soin peut être vu comme une figuration de l’espace psychique interne du patient et son aménagement comme un moyen de rendre tolérables les relations dont ils ont besoin. Les médiations et la concrétisation d’une fonction tierce occupent une place essentielle dans cet aménagement.
Adolescence, 1997, T. 15 n°2, pp. 305-321.
Philippe Jeammet : les rites à l’adolescence
Les rites d’initiation sont caractéristiques de l’adolescence et parmi les plus fortement organisés qui soient, mettant en jeu le corps et tout ce qui tourne autour de la sexualité. Les rites correspondent à un aménagement des menaces qui pèsent sur le sujet et sur le groupe. Ils sont faits pour soutenir le sujet et l’intégrer dans le monde des adultes. Ils doivent par leur ambiguïté même répondre à cette situation paradoxale, d’être soi-même demandeur de ce que les autres en fait imposent. Ils permettent une co-création par le groupe et l’individu d’un espace commun de médiation. Ils évitent ainsi la violence potentielle de la confrontation narcissique des territoires. Ils s’expriment par l’agir mais ouvrent la voie à une confiance partagée, fondement de la symbolisation.
Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 645-653.