Après une ouverture générale pour le colloque du 5 octobre 2012 au Collège de France, l’auteur propose le concept de situation anthropologique fondamentale de l’adolescence. Deux formants processuels de sa création : le pubertaire et l’infantile. Les processus d’adultité sont la répétition, remémoration et élaboration de la névrose infantile. Au plan anthropologique, ils représentent l’ordre institué. La situation est examinée sous l’angle de la rencontre critique et peut-être constructive et instituante entre le pubertaire en cours de sublimation et l’adultité.
La séance et son continuum dans la vie quotidienne est à réfléchir bien sûr comme une relation tierce ; « deux personnes se regardant » s’y trouvent réunies et compromises sous un même regard autre ; un groupe se constitue, confiance (ou illusion) partagée. Le phare d’abord inconnu (étranger) inspire des échanges de plus en plus familiers : parler remplace être regardé. Les interactions qui définissent le site pourraient grâce à cette construction tierce être dès lors interprétées ou « reconstruites ».
Développer le thème de la culture entre amis est mettre l’accent sur les idéaux communs se construisant en cette occasion. Dans un premier chapitre “ cette culture adolescens ou intersubjectale ” est différenciée de “ la psychologie des pères et des mères ” intergénérationnelle. Elle contribue à construire les communautés adolescentes de référentiel a-familial.
Il convient de distinguer groupes de pairs et communautés d’amis. Les premiers sont en dialectique de classe avec les institutions. Les secondes ont des relations intercommunautaires inter et intragénérationnelles. Ces points de vue théoriques se terminent sur l’analyse de l’amitié adolescente de Paul Cézanne et Émile Zola et son devenir.
La construction identitaire est mobile et présente ; le qualitatif important d’être sexuelle. Infantile phallique d’abord ; à la puberté des remaniements majeurs s’opèrent du fait des expériences pubertaires. L’auteur décrit cette “ métamorphose ” dans de nombreux travaux ici rappelés et résumés. Il met l’accent aujourd’hui sur l’organisation que constitue l’autre ; quel autre ? L’inconscient de l’autre dans la séduction amoureuse.
Article théorique. La solitude est définie comme un affect qui exprime l’écart, ou la limite, entre les objets externes et les objets internes suffisamment bon pour permettre l’activité créatrice d’un sujet. Cet écart est justement critique à l’adolescence. La désolation est le vide interne de la psyché ne trouvant pas dans l’environnement de traces pour sa créativité ; la désolation serait la base des processus psychotiques de modalités dépressive, hallucinatoire et paranoïaque.
L’opposition dialectique est travaillée entre deux dynamiques : la créativité adolescente qui se veut partagée et les institutions socio-politiques. Les secondes peuvent encadrer les premières harmonieusement ou une rupture de développement se déclare.
L’article propose de distinguer dans l’expérience amoureuse à l’adolescence trois modèles. Le premier, le plus classique, met en avant la problématique narcissico-pulsionnelle avec la capacité régressive dans la relation avec l’objet. Le second, sensible à la mise en scène condensée dans la séquence d’amour des histoires adolescentes, donc retrouvées différemment. Le troisième développe l’idée que l’amour adolescent s’épanouit par rapport à un tiers fictif toujours parental. Chaque expérience construit une tiercité nouvelle dont la mission est d’auto-interpréter les adolescences en cours.
La pensée ou le fonctionnement paranoïaque a une certaine spécificité au sein des processus d’adolescence. Elle serait une limite ordinaire ou pathologique imposée à leur créativité, limite inscrite dès le pictogramme pubertaire dont le déroulement ne se fait pas avec l’Autre mais contre l’Autre. La base sur laquelle s’effectue la création adolescente est l’état d’illusion pubertaire au sens winnicottien au sein duquel le « moi infantile » et le « non encore-moi pubertaire » sont en paradoxalité. La paranoia serait l’effet d’une injonction paradoxale venue du sujet et de son environnement attaquant l’état d’illusion fondamental. À partir de cette thèse sont compris les traits de la paranoia adolescente : pensée causaliste, couple déni-projection, accusation du corps génital.
Le dernier chapitre cherche les corollaires possibles de cette thèse pour la cure adolescente afin de contourner l’obstacle paranoïaque : travail dans la mesure du possible de l’ordre de la pensée associative, refus de l’opposition dedans-dehors au bénéfice d’une mutualité à l’intérieur de la séance prise comme observatoire des événements extérieurs régulièrement relatés par l’adolescent, importance du contre-transfert provocateur du transfert positif.
Le tableau d’Antiochus de Jean-Auguste-Dominique Ingres montre un renversement dans la relation père-fils amenant le premier, roi de Syrie, à donner sa jeune épouse au second. Il est réfléchi sur cette décision qui se révéla heureuse malgré sa signification prométhéenne dans le champ de la conflictualité familiale et sa tradition instituée.
Adolescence, 2008, T. 26, n°2, pp. 508-516.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7