La sexualité des adolescents est devenue l’objet de toutes les attentions : il paraît essentiel, aujourd’hui, d’en prévenir les conséquences fâcheuses, au rang desquelles la grossesse occupe une place de choix. Or la métamorphose des adolescents en virtuels procréateurs et la maternité sont justement des sujets de prédilection dans les séries américaines qui leur sont destinées. La fonction procréatrice féminine y est présentée comme un phénomène parasitaire potentiellement mortel, force démoniaque qui menace l’humanité. Le héros rédempteur est féminin et sa trajectoire est comparable à un rite d’initiation.
Depuis la parution du roman de Nabokov en 1955, de très jeunes filles “ au physique attrayant, aux manières aguicheuses, à l’air faussement candide ” (Petit Robert) sont désignées indifféremment par les termes lolita ou nymphette : ce sont des femmes en puissance dont le corps n’a pas encore subi les bouleversements associés à la fonction maternelle. Une nymphe désigne aussi la chrysalide de certains insectes dont la larve est en train de se transformer en reproductrice mais qui conserve encore des traits juvéniles. À quoi peut donc renvoyer ce lien entre une féminité “ innocente ” prépubère et un animal inférieur tel qu’un insecte ? L’analyse de certaines œuvres de fiction peut nous en révéler la clé.
À l’heure de la contraception banalisée et de l’allongement des études, les grossesses à l’adolescence apparaissent comme un défi au temps socialement prescrit en matière de fécondité et suscitent généralement inquiétude et incompréhension. L’objectif de cet article est de montrer comment le discours savant contribue à conforter l’âge socialement requis à la première grossesse. À contre-pied d’une littérature médicalisée et normative, il s’agira également, sur la base d’investigations de terrain, de remettre en question quelques idées reçues en la matière, et d’esquisser d’autres pistes explicatives de ces grossesses « culturellement » précoces
Afin de problématiser la coïncidence de ces deux formes de crise d’identité, adolescence et maternité, sont proposées deux hypothèses : l’une qui aborde le facteur culturel dans l’évitement ou la facilitation des troubles psychopathologiques et la deuxième qui considère la grossesse et la maternité comme antinomiques par rapport aux processus adolescents. Trois parties développent ces fils de réflexions. La première, composée à partir de l’entretien d’Inès, jeune mère d’origine gitane, permet de comprendre comment l’espace culturel, partagé avec le monde social extérieur, se prête au portage du monde psychique interne. Dans la deuxième, les résistances de la grossesse à l’égard des processus adolescents sont abordées à travers les nouveautés pubertaires et les enjeux narcissiques. Dans la troisième partie, est présenté le suivi d’une adolescente enceinte et de sa famille dans le cadre d’un réseau multidisciplinaire de soutien à la parentalité.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7