Les jeux vidéo sont reconnus par de nombreux cliniciens comme des outils de médiations thérapeutiques pertinents. Cet article a pour objectif de s’inscrire dans la continuité de ces travaux, en cherchant à se focaliser sur l’intérêt de l’avatar numérique comme support de verbalisation, à travers la présentation de deux jeunes adolescentes accueillies en Hôpital de Jour pour enfants et adolescents et participant toutes les deux à un atelier groupal à médiation numérique.
À travers le cas d’Arthur, joueur addict aux jeux vidéo, est évoquée la réécriture du fantasme à l’adolescence utilisant, dans l’après-coup du stade du miroir, l’écran comme surface projective et réflexive. Un stade du jeu vidéo conçu comme répétition générale du rapport à l’Autre, à l’Autre sexe, où le jeu, comme espace transitionnel, simulateur de liens aux objets et aux sujets, ne saurait cependant se substituer à la rencontre (tuchê) avec l’extérieur, à la relation physique, concrète.
Les auteurs tentent de montrer en quoi la création d’une multiplicité d’avatars dans les jeux vidéo, en particulier dans les MMORPG, procède de fonctions psychologiques différentes. Les avatars sont soit des représentants fractionnés du soi où chacun vient recomposer une partie de la personnalité du joueur, soit cette représentance est différée au profit d’une recherche brute de sensations et d’excitations motrices. Ces aspects relationnels distincts d’avec l’avatar seront illustrés à partir de vignettes cliniques d’adolescents.
Les témoignages des joueurs abusifs de jeux vidéo invitent à s’interroger sur la condition humaine : comment se forger une identité et construire un itinéraire dans les « sociétés de l’instant », caractérisées par l’incertitude et l’indétermination ? Le désir de reconnaissance s’accomplit dans de nouvelles structures intersubjectives qui commandent jusqu’au processus d’autonomisation des individus. Point d’orgue de la culture de l’image et de l’interactivité où le corps occupe une position toute particulière – disparu en chair mais aux commandes de l’avatar, corps de pixels – les jeux vidéo, en offrant la possibilité de vivre des expériences avec les autres, apparaissent comme un lieu propice à la fabrique d’identité.
L’univers du populaire jeu en réseau World of Warcraft, se caractérise par l’originalité des références culturelles qu’il emploie et recompose, mais aussi par l’utilisation virtuelle de la pensée animique. Ces composantes anthropologiques de mana, d’animal totem, de démons étaient jadis vecteurs de crainte et de distance sociale comme tenait à le démontrer Freud dans Totem et tabou. Elles sont à présent l’objet d’un usage courant pour l’avatar du joueur, dans l’espace virtuel. De même la science et la technique y occupent un statut particulier qui s’apparente aux usages antiques de la métaphysique présocratique. L’analyse de ces dimensions symboliques et des considérations éthiques en jeu donne des clefs pour mieux comprendre ce qui retient l’intérêt du joueur quant à son avatar, et qui sont autant d’outils pour l’adulte et le thérapeute.
Les jeunes tueurs des établissements scolaires sont loin de répondre à un style psychologique commun, les uns sont décrits comme sociables, d’autres comme solitaires. Certains vivent dans des familles unies, d’autres dans des familles divorcées ou séparées. Un ensemble de traits sociologiques les rassemble : l’accomplissement d’un rite de virilité quand plus rien d’autre ne les valorise, l’impossibilité de s’identifier aux autres, une haine farouche qui leur tient lieu d’affiliation au monde.
L’auteur reprend la distinction établie par D. W. Winnicott entre trois formes d’activité représentative (rêvasser, rêver et imaginer) et montre qu’elle permet d’établir une typologie des façons de jouer aux jeux vidéo. Ces trois façons de jouer s’opposent à la fois par le mode d’investissement des objets présents sur l’écran et par le mode de relation du joueur à ses objets internes. Ce modèle rompt avec celui de l’addiction tout en fondant une approche clinique et thérapeutique des différentes catégories de joueurs.
L’auteur reconnaît l’action comme donnée fondamentale de la psychologie du joueur. D’une part, parce que le joueur se projette dynamiquement par l’action dans un personnage en mouvement. D’autre part, parce que le joueur va devoir se représenter ces actions comme siennes. En partie seulement, puisque la dimension ludique tiendrait justement à ce que le joueur s’amuse à voir représenter des actions impossibles de son propre corps. Le personnage virtuel est alors décrit comme un autre soi-même, à la fois double de soi et nécessairement différent de soi.
Le texte part de la distinction faite par D. Arsenault et M. Picard entre une immersion sensorielle, systémique et fictionnelle pour en donner un point de vue métapsychologique. Cette immersion peut être provoquée par la saturation des sens, la maîtrise des processus de jeu ou par l’identification au protagoniste. La régression, la négation et l’objet attracteur rendent compte des différents types d’immersion. Comme régression, l’immersion vidéo ludique correspond à un fantasme de régression utérine et à différents stades de construction de la réalité ; comme négation, elle s’appuie sur la suspension du jugement d’existence et un fonctionnement prévalent du moi-plaisir ; comme objet attracteur, elle organise la vie psychique autour d’un objet esthétique. Les différents types d’immersions vidéo ludiques correspondent également à des manières de s’approprier le monde et correspondent à ses symbolisations en corps, en images ou en mots.
Compte tenu de la place importante qu’ils occupent dans les loisirs des adolescents, les jeux vidéo et leurs usages sont devenus des objets d’étude incontournables. Parmi les questions posées par ces recherches, deux s’avèrent tout particulièrement sensibles par leurs implications idéologiques et politiques. La première concerne le surinvestissement dont les jeux vidéo peuvent faire l’objet, appelé parfois « cyberdépendance » ou « passion obsessive ». La seconde, ravivée à chaque fait divers impliquant des mineurs, porte sur la possible exportation « In Real Life » du contenu violent de certains d’entre eux. C’est dans ce contexte que, à la demande de la Ministre wallonne de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des Chances (Belgique), l’Institut Wallon pour la Santé Mentale a réalisé un état des lieux de la connaissance sur ces deux questions. L’article propose un résumé de ce travail.
Adolescence, 2012, T. 30, n°1, pp. 89-99.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7