Cet article est une réflexion sur la prise en charge des adolescents en institution mais essentiellement sur la place des adultes qui y sont impliqués. C’est ma pratique de thérapeute en institution avec des adolescents qui a servi d’ancrage mais surtout ce sont les difficultés que nous avons rencontrées avec l’un des adolescents qui ont déterminé cette amorce de travail. En effet, cet adolescent, par sa problématique, a pointé les failles institutionnelles qui n’ont pas manqué de renvoyer aux difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux dans leur pratique et à leur propre positionnement au sein de l’institution. Que font-ils en institution et quelle place occupent-ils auprès de ces jeunes ? À peine soulevée, cette question n’a pas manqué de créer des inquiétudes voire même quelque agressivité. En effet, bien souvent il s’agit de « redresser » et de « corriger » les comportements déviants après une demande massive au corps médico-psychologique d’« abraser » les symptômes car « ce n’est pas vous qui avez à faire à eux toute la journée ». Cette réponse qui se doit d’être rapide et massive est également une position prise par le politique dans le champ de la santé mentale et c’est ce par quoi nous avons amorcé notre propos.
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Fanny Dargent : scarifications rituelles
L’adolescence, catégorie récente propre au monde occidental, tend à se désolidariser de la puberté comme événement physiologique universel. Ce n’est pas tant la disparition des rites qui est en jeu mais le relâchement du lien de solidarité entre le phénomène de la puberté et la désignation – mais aussi le traitement – social(e) de l’adolescence. À partir de l’exemple des pratiques de scarifications à l’adolescence, je voudrais proposer l’hypothèse d’une augmentation d’actes-symptômes qui s’alimentent de cet écart et tendent paradoxalement à la fois à le réduire – c’est-à-dire à réinscrire une reconnaissance identitaire intime et sociale des formes d’altérité engagées par la puberté – mais aussi, conjointement à rejeter ces mêmes formes d’altérité.
Adolescence, 2014, 32, 1, 47-56.
Mario Speranza : psychotropes et institution
L’objectif de cet article est de proposer quelques réflexions concernant la place de la prescription pharmacologique dans le cadre de la prise en charge institutionnelle d’enfants et d’adolescents présentant des troubles psychologiques sévères. Bien au-delà d’une approche simplement technique, la prescription en institution d’un médicament à l’adolescence correspond à la construction d’un espace transitionnel qui est le fruit de la rencontre entre l’adolescent et l’équipe. Il s’agit d’inscrire l’action des psychotropes dans l’économie psychique globale du sujet en tenant compte du rapport que le médicament entretient avec la question de la dépendance et avec les inévitables enjeux de maîtrise et d’emprise qu’elle génère à l’adolescence amplifiés par le cadre institutionnel. Il est important de souligner enfin que cette problématique ne doit pas se limiter seulement à l’institution spécifique qui accueille l’adolescent mais bien plus largement au niveau des différentes institutions et référents qui s’occupent de l’adolescent dans une perspective de prise en charge pluri-focale entre institutions et une conception longitudinale et en parallèle des soins.
Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 769-777.
Stephan Wenger, Fulvia Raiola : cheval de troie
François et son père, portant le même prénom, forment un duo au fonctionnement paranoïaque. Avec l’arrivée du pubertaire, ce système a décompensé. François a été traité en Centre Thérapeutique de Jour. La psychothérapie psychanalytique institutionnelle offre une souplesse indispensable offrant notamment des opportunités d’adaptation de cadre salutaires. Ce travail en équipe a permis de développer une approche particulière de cette famille.
Adolescence, 2010, T. 28, n°1, pp. 171-178.
Jacques Vargioni : une grève de la faim en blanc et noir
À la suite d’une anorexie post-traumatique sévère, Imane, dix-sept ans, entama une psychothérapie analytique en institution dont les débuts furent chaotiques. Un rêve, dans lequel figurait un fantasme d’ingestion de lait noir maternel, permit d’engager une mutation. Le transfert servit de support à la mise en mouvement et à l’élaboration d’une série complexe d’identifications à l’agresseur.
Adolescence, 2010, T. 28, n°1, pp. 159-169.
Gilles Raveneau : contribution des rites à la suppléance familiale
Partant d’une recherche ethnographique dans deux Maisons d’enfants à caractère social (MECS), cet article interroge la manière dont le rite et la ritualisation peuvent contribuer à la suppléance familiale. On examine les conditions favorables à l’apparition et à l’utilisation des rites et l’on observe comment ils peuvent être des outils possibles d’inclusion et de participation sociale, associés à la production d’une culture morale et éducative. On fait l’hypothèse que la psychologisation « sauvage » des problèmes par les professionnels et le recours quasi exclusif aux psychologues cliniciens comme régulateurs des difficultés dans ces institutions tendent à sous-évaluer l’intérêt et l’efficacité des rituels, au profit de la seule « clinique de la parole ».
Adolescence, T. 31 n°1, pp. 169-179.
Eric Chauvier : l’inconscient de l’enquête, une expérience de savoir
L’observation de la souffrance humaine se fait souvent au moyen d’une distance obtenue par le déni d’états émotionnels qui, pourtant, apparaissent souvent déterminants à l’observateur. Cette contribution cherchera à vérifier cette hypothèse en prenant pour exemple une mission de recherche-action effectuée dans une institution accueillant des adolescents en rupture familiale. Fortement troublé par la voix étrangement désaffectée d’une adolescente, l’observateur se trouve contraint de renoncer au caractère distancié d’un régime habituel d’expertise. Ce n’est pas l’histoire de cette adolescente qui le trouble, mais ce qu’elle lui renvoie de son propre vécu familial, lequel se confond avec une démarche scientifique d’observation. Le retour vers cet « inconscient de l’enquête » constitue la base de ce que nous pourrions nommer une initiation.
Adolescence, T. 31 n°1, pp. 145-152.
Pierre Poitou, Benoît Maillet, Lynda Brugallet-Collet, Bruno Burban, Patrick Cottin, Georges Picherot : « va à la mda ». ou confrontation sécure
L’orientation d’un adolescent vers un lieu spécifique de soin n’est jamais simple. Les Maisons des Adolescents possèdent des atouts qui sont développés à travers les modalités même du travail mené par les accompagnants sociaux. Nous proposons de souligner ici la manière dont ces derniers, dans leur accueil, appellent à un transfert tant sur l’institution que sur ses membres. L’accent est également mis sur un temps institutionnel fort, celui de la réunion clinique, qui permet la co-élaboration de l’expérience clinique originale de ces professionnels, ainsi que la mise au travail de chacun des membres de l’équipe auprès des adolescents accueillis.
Adolescence, 2012, T. 30, n°2, pp. 349-357.
Marie Jejcic : abord clinique donc social d’un crime
D’une part, les institutions d’adolescents accueillent tout type de demandes ; de l’autre, l’extension de la délinquance a pour effet de socialiser le crime. En conséquence, le thérapeute peut accueillir des situations au carrefour du pénal, de la clinique et du social, comme ce fut le cas pour un jeune criminel que nous avons reçu. Du bousculement de la pratique clinique, le praticien se devant de pouvoir répondre d’une éventuelle récidive, nous rendons compte de l’option clinique prise, qui privilégia le fantasme plutôt que les pulsions, façon qui nous sembla la plus honnête pour assumer notre responsabilité sociale.
Adolescence, 2013, 30, 4, 945-956.
Herminie Bracq-Leca, Marie-Anouck Pitel-Buttez : Construire et proposer un espace-temps de soin dans un établissement pénitentiaire pour mineurs.
Depuis juin 2007, une équipe médico-psychologique (UCSA-SMPR) intervient au sein de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de la région Rhône-Alpes. Psychiatre et psychologue proposent de revenir sur cette expérience en questionnant la temporalité du soin et les enjeux spécifiques à ce cadre institutionnel. Quels sont les objectifs du soin ? Comment penser la place des soignants dans une structure d’enfermement où le soin serait souhaité comme « auxiliaire » du système répressif-éducatif ? Comment permettre une élaboration des agirs du sujet et de l’institution ? Voici une réflexion en cheminement qui est au cœur d’une pratique où l’identité professionnelle est souvent malmenée.
Adolescence, 2013, 30, 4, 869-879.