Suite à l’effondrement des utopies révolutionnaires, les adolescents iraniens développent à travers leur rôle actif en tant qu’engagés volontaires dans la guerre Iran-Irak, une “ culture de mort ” où la recherche d’une identité de martyr se substitue à un processus de subjectivation.
L’idéologie islamiste et le fanatisme de guerre induisent des comportementsde repli narcissique qui empêchent ces jeunes d’accéder à la dimension de sexualité adulte et par là de s’approprier un discours au sein d’une société répressive.
À travers le cas clinique d’un ancien adolescent-soldat iranien, cet article tente de montrer comment cette guerre est devenue la seule réponse sous forme d’impasse au processus d’adolescence pour des milliers de jeunes Iraniens.
De notre point de vue, la résurgence des processus d’adolescence dans la cure d’adulte ne serait pas simplement une modalité de fonctionnement régressif, défensif, mais plutôt une modalité de fonctionnement toujours active pouvant être issue de fonctionnements hautement secondarisés. L’hypothèse étant qu’on ne répète jamais, au sens propre du terme, à l’identique, mais qu’on conjugue avec notre modalité d’être actuelle. Ce qui se modifie vraiment c’est ce passage du grandir à vieillir. Le fonctionnement adulte doit passer par le filtre de l’adolescence mais pas seulement en ce qu’il implique le filtre de la sexualisation génitalisée, mais aussi une organisation temporelle incluant la mort.
La question du genre revient à l’avant de la scène politique et serait même affaire de culture, voire de civilisation. Il est stimulant d’opposer deux types d’attitudes extrêmes vis-à-vis de la différence anatomique des sexes : celle de J. Butler, étendant le déni de la différence anatomique, et celles de rituels d’excision et de circoncision, qui visent à accroître cette différence en créant une « réalité augmentée ». Les psychothérapies montrent comment les problématiques de l’adolescent peuvent retrouver ces mêmes dénis pour des raisons internes et non plus purement culturelles.
Dans le contexte du néo-libéralisme et de l’effondrement des métacadres sociaux, le déni de la différence générationnelle met en crise la transmission culturelle à l’école par l’évitement des conflictualités identificatoires œdipiennes et l’attaque des organisateurs psychiques et culturels. Les souffrances, les violences et transgressions adolescentes sont à comprendre comme les symptômes et les conséquences de l’idéalisation politique de la perversion et de la régression à l’infantile dans le social-historique.
L’auteur à la suite de Michel Foucault montre que l’art de gouverner suppose que la raison d’État s’impose toujours plus à la population dans la gestion des existences et des intimités. Pour ce faire, le Pouvoir installe des dispositifs sécuritaires en manipulant l’opinion et en instrumentalisant les sciences. Les « experts » deviennent les scribes de ces nouvelles servitudes des économies de marché qui normalisent en douceur et insidieusement les individus et les populations. La médecine, la psychiatrie et la psychologie sont, dans cet article, considérées comme des pratiques sociales et l’auteur montre que la recomposition de leurs savoirs et de leurs pratiques relève davantage d’un dispositif idéologique que scientifique.
Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 271-295.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7