Cet article porte sur des adolescents incarcérés issus de la migration. L’analyse de leur discours a mis en exergue leur sentiment de rejet par la société, leur honte à être soi et leur souffrance identitaire. La légitimation de leur parole au sein d’un groupe d’expression a ouvert la voie à une rencontre et leur a permis d’avancer dans la mise en sens de leurs transgressions et de leur histoire. Ils ont ainsi pu opérer des réaménagements psychiques afin d’élaborer leur compromis culturel, susceptible de les réconcilier avec leurs multiples affiliations.
Dans le cadre d’un suivi en deux temps (familial pendant l’enfance, individuel à l’adolescence), nous analyserons le cas de Julien, seul enfant de la fratrie à avoir été contaminé in utero par le VIH de sa mère. Nous nous attacherons à cerner la génèse d’une haine entravée, ainsi que le processus de mélancolisation de la transmission, témoin de la destructivité qui occupe la place de la haine.
À partir de plusieurs terrains en Afrique de l’Ouest et Asie du Sud-Est, cet article vise à étager les affects de honte et de haine qui ne manquent pas de s’exaspérer lorsque le sujet, naguère mis en dehors du lien social par des violences sociales et politiques, se retrouve convié à retrouver assise dans les fils d’un dialogue possible au sein duquel se reconfigurent les logiques des légitimités, des affiliations et des filiations.
Le terme conversion, proposé très tôt par Freud, désigne le passage d’une expression psychique à sa manifestation somatique. L’auteur rappelle pourquoi il en propose une conception élargie, faisant de la capacité de conversion une potentialité intrinsèque au symptôme comme structure. Il pose ensuite la question du statut de cette notion à l’adolescence. Non seulement on y assiste souvent à des conversions au sens restreint, mais le long cheminement qui s’impose alors reprend souvent tel ou tel trait de la conversion entendue au sens large. Ce parcours est commenté à partir d’un cas de soliloquie transitoire, déjà proposé dans un article sur la honte, qui s’apparente à une conversion de type philosophique ou religieuse. C’est l’occasion de signaler le rôle joué successivement par les idéaux, l’affect, le fantasme, « l’autre étranger », et surtout de préciser en quoi consiste la capacité de conversion. Il s’agit du ressort qui assure l’encaissement des séductions précoces ainsi que la réaction qui s’ensuit, ce qui donne au sujet la capacité à régresser et à rebondir, à s’enfermer et à s’ouvrir, indispensable à son ancrage dans l’univers où il est appelé à vivre.
La loi paternelle fondée sur l’interdit cède à une présence maternelle axée plutôt sur la confiance et propice à l’hédonisme. L’adolescence contemporaine est un monde marqué par la mère, par l’absence de limites, régressif. Le souci de perdre la face, d’éprouver honte ou responsabilité face à ses comportements n’est plus à l’ordre du jour. Au contraire, les adeptes de Jackass ou du happy slapping sont de parfaites illustrations de l’individualisme contemporain et de l’indifférence à l’autre. Leur moi est sans autrui auquel il pourrait rendre des comptes.
Le masochisme est étudié ici dans sa visée identitaire, donc sexuée. Envisagés comme autres façons d’être un homme ou d’être une femme, le masochisme masculin(isant) de la femme et le masochisme féminin(isant) de l’homme sortent du paradoxe et se repèrent dans la dynamique des périodes critiques : ainsi à l’adolescence, le masochisme est souvent le passage obligé de la sexuation, parfois sur le mode initiatique, sauvage ou culturel.
Les craintes dysmorphophobiques renvoient aux appréhensions de ce qu’une position sexuée du côté féminin ou masculin peut évoquer d’un engagement impossible à tenir au devant du regard des autres. C’est à partir d’une conviction de contenir en un creux imaginaire du corps une négativité honteuse que l’adolescent, ou l’adolescente, se ressent exclu(e) du jeu social et de tout registre de la séduction, et se fait un refuge de cette condition de proscrit(e) en se mettant en vacance de l’épreuve de sexuation. Aussi, toute une problématique du voilement situera l’adolescent vers ce que nous pouvons nommer sa « revisagéification » nécessaire comme réponse à son questionnement dans le champ de l’échange des regards.
Dans cet article, nous définirons un parcours qui pourrait se dessiner selon un cercle dont les deux bords ne se rejoignent pas, formant une spirale ascendante : le point de départ est le réel du corps, l’évidement initial du pubertaire, ressentis comme Autre sexe (le Féminin), puis l’éprouvé de la honte, la dysmorphophobie et la création de l’objet esthétique de recouvrement de cet éprouvé du vide.
Adolescence, 2011, T. 29 n°4, pp. 801-818.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7