Homère privilégie deux types de héros : celui d’Achille dans l’Iliade, qui magnifie le combat à mort et a fait bien des émules au cours de l’histoire, et puis celui qu’incarne Ulysse dans l’Odyssée où le héros s’illustre en déjouant les obstacles qu’il rencontre sur la route du retour vers son lieu d’origine. D’un côté nous avons une lutte duelle qui certes entraîne la notoriété, mais provoque la destruction de l’une des deux parties en présence, et de l’autre, un combat de tous les instants du héros pour sauver sa vie et retrouver sa place dans la cité. Le premier privilégie le regard et se soumet aux exigences du paraître, le second au contraire s’en prend d’abord à l’œil qui le domine et en démonte les rouages pour se donner un nom. Le processus adolescent participe de ces deux parcours à la fois, et suppose le dégagement progressif de l’emprise du voir qui fait miroiter l’idéal. En se référant à diverses œuvres littéraires, l’auteur montre à quelles conditions cette évolution est possible.
Est-ce que le rite doit obligatoirement s’exhiber, au risque de provoquer ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions et d’entraîner des violences ? Avant de répondre à la question, il faut d’abord rappeler que le rite est une pratique sexuelle au sens où la psychanalyse entend la sexualité. Il est à la sexualité idéale, ce que le coït est à la sexualité génitale, et le plaisir de type oral ou anal à la sexualité prégénitale ou pulsionnelle. C’est pourquoi la pratique symptomatique qui se rapproche le plus du rite collectif et qui est le plus à même de l’éclairer en profondeur, ce n’est pas la pratique obsessionnelle, ou le comportement des masses, c’est la pratique perverse. Les analogies entre elle et le rite sont en effet frappantes, et bien des excès rituels équivalent à des formes de perversion : c’est le cas pour l’exhibitionnisme dont il est tant question aujourd’hui. La façon la plus sûre d’éviter de tels débordements, c’est de pousser à bout la comparaison entre les deux pratiques, et de rendre le rite à sa signification propre qui est d’être une parole enchâssée dans une pratique codifiée.
Comment un adolescent parvient-il à entrer en politique au sens propre du terme ? L’amour des idéaux, qui se manifeste parfois bruyamment à cette période de l’existence, en est probablement le ressort le plus déterminant. Encore faut-il préciser les composantes de cet amour, et les différentes catégories d’idéaux concernées, ce que Freud n’a fait qu’esquisser dans la seconde partie de son œuvre. On s’aperçoit alors que l’accès au politique suppose à la fois l’adhésion aux idéaux les plus universels, et le respect des idéaux narcissiques, partiels ou sociaux qu’impose l’existence. C’est donc la source de conflits permanents, et l’adolescent ne peut les gérer au niveau collectif qu’en entrant dans le discours politique au sens le plus large, et donc en appelant les idéaux par leur nom sans se leurrer sur leurs limites. C’est par là qu’il les reprend à son compte et se comporte en sujet, un sujet nécessairement écartelé entre des impératifs souvent contradictoires, mais prenant le risque de se prononcer à partir de ses propres convictions.
Violence is one of the most feared forms of human violence and also offers privileged ground for studying this violence in itself. For psychoanalysis, perversion is the psychical organization which most clearly illustrates how this desire for vengeance originates in the human psyche. Its aim is nonetheless paradoxical, as I tried to show in one of my recent books with the title : Perversion, vengeance as a means of survival (Bonnet, 2008). For if the perverse person has such an investment in vengeance, it is paradoxically in order to survive and to counterbalance another, deadly violence, fearsome in another way, which threatens him relentlessly from within. The perverse person counterbalances this death violence by investing every facet of vengeance and it is important to identify these in order to defuse the immediate dangers. Then we see that he invests this survival violence in two ways : either by taking them out on others, whom he transforms into survival objects, in the most serious perversions, when the subject is entirely steered by the dialectic of violence ; or else by investing against his will some facet of the violence in such a way that it is limited to its consequences for the other : this runs the gamut from Don Juanism to masochism and fetishism, and includes all the varieties of narcissism and voyeurism that are rampant today.
Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 281-291.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7