La prise en charge thérapeutique d’une adolescente dont l’histoire est marquée par l’attaque du corps que ce soit du côté de la somatisation ou de celui des acting out autodestructeurs a permis d’approfondir la compréhension des pratiques morbides des scarifications au-delà du modèle classique de l’attaque du corps pubère en tant que porteur du sexuel génital. L’attaque du corps, qu’elle agisse en interne ou en surface signe la dérégulation de la circulation psychique allant de pair avec un Moi-peau pathologique à double feuillet : le premier, trop poreux, signant le défaut de pare-excitations, le second, carapace protectrice visant à « tout garder » face aux angoisses de vidage, menant à l’intoxication. Enrichies du modèle topographique, les effractions cutanées sont à entendre dans leur dimension d’expulsion hors de soi à visée détoxicante : véritables « trous d’aération psychique » face au psychisme menacé d’asphyxie, elles ouvrent à un mouvement de projection détoxicant, prenant des allures phobiques et persécutives nécessaires à la constitution d’une frontière contenante susceptible alors seulement d’accueillir l’Éros pubertaire détoxiqué de sa trop vive « folie pulsionnelle ».
La psychothérapie d’une adolescente pratiquant des attaques de corps met en lumière les processus archaïques à l’œuvre en termes de résistance par corps à l’investissement d’objet et refus de l’altérité. La situation duelle réactualise une altérité interne mise à mal par l’aliénation adhésive, antipulsionnelle à des objets tyranniques indifférenciés. La vigilance aux éléments perceptibles, sensori-moteurs, comme effet de l’autre ainsi qu’au contre-transfert travaille, à l’aide d’un style psychodramatique, à résintaurer une transionnalité mise en défaut chez cette adolescente narcissique.
Fanny Dargent et Catherine Matha nous offrent une réflexion basée sur leurs expériences cliniques auprès d’adolescents qui se scarifient. L’objet de ce livre n’est d’ailleurs pas les scarifications, mais plutôt la rencontre avec des adolescentes qui utilisent la blessure corporelle comme principal recours contre la souffrance narcissique-identitaire.
Adolescence, 2012, T. 30, n°2, pp. 455-462.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7