Ce travail propose à partir de la question « en quoi existe-t-il une crise adolescente du corps ? », de faire jouer les notions d’espace, de regard, de création du nom. Si Internet comme miroir et circulation des profils et images traduit une traversée de cette épreuve à inscrire le dessin des nouvelles figures du Nom du Père, cela ne va pas sans le risque d’un mouvement de contre-culture et du devenir du Père du Nom : les effets de création adolescente.
Comment aborder le lien entre les travaux de J. Lacan et la prise en charge des adolescents alors même que l’adolescence est une thématique absente de son œuvre ? Une réponse consiste à substituer au principe du développement celui de structure. Cette substitution, riche d’effets, déplace les interrogations sur le corps – et surtout la puberté et le pubertaire dans le phénomène adolescent – et le langage, utilisé par J. Lacan pour en spécifier les effets sans les nommer.
Je propose l’hypothèse d’une instance, le corps, qui se situerait entre le somatique et la psyché. Il serait un lieu de représentation tout autant qu’un concept limite, à la manière de la pulsion dont il fait le lit. Je le pense, avant tout, comme un instrument générateur de figurabilité. Grâce à son articulation avec le préconscient, il apporterait une potentialité transformatrice de l’excitation somatique. Cette potentialité, créée à l’intérieur de la relation narcissique avec l’objet primaire, subit des remaniements considérables avec l’avènement du pubertaire.
Une clinique de l’automutilation à l’adolescence est possible à la condition de situer l’adolescent comme étant dans une crise phénoménale entre deux corps. Non seulement le corps enfantin et le corps adulte, mais surtout entre le corps des pulsions partielles et le corps phallicisé. La scène des origines du corps humain est psychiquement retrouvée, recréée à ce moment-là. L’auteur fait le pari que la lecture des échanges entre Caillois et Bataille permet d’entrevoir ce qu’est la tension adolescente dans sa subjectivation du corporel.
La clinique d’adolescents présentant de graves déficiences intellectuelles suscite de nombreuses questions sur les possibilités du travail de l’adolescence dans sa double trajectoire d’accès à la sexualité génitale et de nouvelle donne temporelle dans la mesure où l’accès à la symbolisation semble “ barré ” par des insuffisances instrumentales durables entravant l’ensemble du développement. Réduit le plus souvent à l’espace du tout petit, l’espace-temps du jeune déficient reste, effectivement, marqué par des modalités très archaïques du fonctionnement psychique qui tendent à figer tout déroulement temporel et toute altérité. Pour autant, la sexualité pubertaire n’est pas absente, mais son élaboration prend des chemins décentrés par rapport au paradigme habituel du théâtre névrotique. L’apport de théorisations issues de l’autisme infantile et des travaux contemporains sur la psychosomatique propose un champ de recherche sur l’hétérogénéité des modes de symbolisation que l’on rencontre dans certaines formes de pathologies déficitaires et ouvre l’impasse du seul déficit sur la complexité de ces modes d’organisation, singulièrement au moment de l’adolescence où l’investissement du corps dans ses dimensions pulsionnelle et sensorielle est au premier plan au carrefour du temps de l’autre.
S’il n’est pas possible pour un adolescent de se défendre au niveau de son Moi en tolérant la dépression et si les voies du comportement moteur ne s’ouvrent pas, il ne lui reste guère comme solution que la voie de la déliaison somatique signalant des expériences de désubjectivation dues à l’effraction d’excitations pulsionnelles dans un Moi immature. C’est le cas des adolescents trop sages, trop conformistes, chez qui la voie du passage à l’acte est inhibée.
Dans le face à face d’un adolescent et d’un psychanalyste, le corps est un élément du discours mais aussi une donnée sensible et immédiate offerte au regard de l’autre, a fortiori lorsqu’il est question de tatouage, de piercing ou d’automutilation. Dans ces conditions, rester un psychanalyste-sujet implique une réponse indissociable de la construction d’une théorie sur le Corps.
Orlan, carnal art, film de Stephan Oriach, met en scène les transformations du corps même de l’artiste. Discours de l’art en lieu et place de celui de la science. Le but est de se servir de la technologie pour réduire l’écart entre ce que l’on est et ce que l’on a. Le corps est un outil pour dire ce que l’on veut. Il s’agit de subvertir, dans une dimension de transgression des critères et des stéréotypes sociaux, la notion d’apparence pour la laisser choir. La violence de cette exhibition interroge la place des spectateurs conviés à assister en direct à l’acte
Corps du destin et destin du corps sont des problématiques importantes à l’adolescence qui met en lumière le « destin » de l’héritage absolu, fondamental et unique légué par les parents. En ce sens, il existe selon nous, un après-coup intergénérationnel du traumatique que l’on définit par l’excès du « trop » comme par celui du « pas assez ». De la sorte, le « mauvais » est implanté dans la vie psychique de l’enfant qui à l’adolescence se sent encombré par l’histoire « corporelle » de ses parents. Aussi, au-delà des assauts pulsionnels de l’adolescence, le corps à cet âge du développement révèle comme un « défaut d’origine ». C’est pourquoi le jeune sujet n’arrive pas à se défaire du « problème du corps » qui met en jeu la séduction et la sexualité, du « problème » finalement du corps.
En adoptant le regard particulier qu’offre la sociologie du corps, cet article replace les attitudes et comportements anorexiques dans l’espace social des représentations et usages du corps. L’étude des « variations corporelles » (selon les époques de l’histoire, les classes sociales, les classes d’âge et le sexe) permet de voir se profiler, derrière le corps anorexique, un modèle corporel situé historiquement et socialement, qui est tout à la fois contemporain, adolescent, féminin, et d’origine sociale moyenne ou supérieure. En outre, le processus de transformation corporelle qui se joue au cours de la carrière anorexique entre en résonance avec des représentations contemporaines de la malléabilité corporelle. Il en manifeste notamment deux figures pourtant opposées, celle d’un corps « mou », perçu comme labile et modifiable à l’envi, et celle d’un corps « dur », qui tend à « persévérer dans son être » et à résister à toute injonction au changement.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7