L’hypothèse centrale de cet article porte sur l’idée que le conflit central de Lisa, une jeune femme boulimique, mue par des fantasmes omnipotents. Le fonctionnement boulimique de Lisa implique une perte des limites soi/non-soi provoquant des franchissements de la loi. Sa complicité incestuelle avec sa mère nous amène à explorer la problématique de personnalisation-différenciation caractérisant le travail de subjectivation d’une adolescente et ses incidences sur la construction de sa féminité.
À travers le cas d’une patiente boulimique, l’auteur se donne pour objectif de repérer la présence de cryptes, tant dans la lignée maternelle que paternelle. Le recours à un objet externe fétichisé était nécessaire afin d’empêcher la dérive narcissique : déjà ébauchée dans les stades infantiles précoces, elle était, en effet, provoquée par la médiocrité de la constitution du lien objectal.
En développant largement le cas d’une jeune patiente boulimique autour de moments mutatifs de la relation transférentielle et des aléas fructueux d’un transfert latéral dans sa cure, j’essaie de mettre en évidence les aspects particuliers et spécifiques de sa relation d’objet Je propose de voir dans la problématique d’addiction et de dépendance à l’objet alimentaire des failles dans les processus précoces d’identification liées au fait que l’objet originel d’investissement serait « mal identifié » ou se serait « mal fait identifier ». L’objet ne pourrait alors être introjecté mais seulement incorporé. I1 en résulterait la quête sans fin (dépendance), non pas tant de l’objet lui-même, que d’une tentative d’identification « de » cet objet pour s’y identifier et s’en désaliéner.
Le traitement psychanalytique d’adolescentes et de jeunes femmes présentant de graves troubles des conduites alimentaires et notamment des conduites boulimiques permet de dégager un certain nombre de problématiques dont la singularité appelle des élaborations métapsychologiques : l’articulation du masochisme et du narcissisme permet de souligner la prédominance du masochisme moral qui soutend une culpabilité violente associée à une construction particulière des fantasmes de séduction. Le sujet en effet y occupe une place active, ce qui entretient la conviction d’avoir séduit le père. Le « crime » détermine le recours à des conduites autopunitives par l’attaque du corps dans un mouvement d’allure mélancolique.
Adolescence, 1997, T. 15 n°2, pp. 306-322.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7