Archives par mot-clé : Automutilation

Pablo Votadoro : Entre coupure et rupture

Considérant la valeur signifiante des symboles mobilisés dans les blessures auto-infligées des adolescents, leur fonction anthropologique permet d’accéder à ce qui, derrière la purification et le sacrifice, renvoie à la perte. Or, à l’adolescence, les mouvements autour de la désaffiliation peuvent se trouver aux prises d’angoisses de Rien, conjuguant perte et déréliction. En les figurant sur la scène clinique par des lésions, l’imploration en acte s’associe à l’emprise pour produire une catharsis.

Adolescence, 2017, 35, 2, 345-360.

Valérie Boucherat-Hue : automutilation pubertaire

Chez une grande adolescente psychosomatique, le symptôme auto-sadique de trichotillomanie condense les carences du Moi-corps et ses tentatives d’appropriation auto-érotiques. Ces blessures traumatophiliques répétées entretiennent, à des fins de survie, l’excitation d’une absence maternelle déniée dont les traces mnémoniques colonisent la mémoire du corps malade. L’enjeu thérapeutique est la reprise transféro-contre-transférentielle de la fonction homo- et auto-réflexive primitive.

Adolescence, 2016, 34, 3, 587-596.

Gérard Bonnet : le trouvère. Quand la rivalité des doubles tourne à l’atteinte du corps propre

 

L’adolescent qui s’en prend à son propre corps est souvent enfermé dans une logique des doubles dont il cherche à se protéger et à émerger. Celle-ci présente l’avantage de maintenir l’illusion de toute-puissance éprouvée quand il était enfant, de la projeter en l’autre avec la violence qui l’accompagne, et de fixer cette dernière en la retournant sur soi de façon ciblée et limitée. Les automutilations qu’il s’inflige constituent ainsi des témoins réels de l’illusion dont il a besoin pour se construire. L’intérêt d’une œuvre comme Le Trouvère de Verdi est de nous faire accéder au scénario mythique sous-jacent à ce type de comportement et d’ouvrir la voie à son analyse. On y découvre en particulier comment l’automutilation constitue chez certains adolescents un rite de passage grâce auquel ils s’affrontent à un double mythique, d’abord à leurs dépens, mais en gardant aussi la possibilité de le démasquer.

Philippe Gutton : souffrir… pour se croire

 

L’automutilation serait un appareil de croyance venant panser la grande difficulté à croire en sa propre construction subjectale. Appareil simple s’il vise à monter des scenari sadomasochistes au modèle hystérique. Plus complexe lorsqu’il remplit une mission fétichique transitoire. Dramatique sont ces conduites dans les effondrements narcissiques pubertaires.

Jacques Laget : coupure, peinture au sang, regard du thérapeute

Au cours d’une séance de psychothérapie, Benoît, quinze ans, demande s’il peut faire une peinture de son sang – peinture qu’il réalise ensuite chez lui et décrit à la séance suivante : les yeux d’Horus, qu’il a trouvé sur Internet. Il présente une dépression sévère et des projets de suicide, il se scarifie, la fragilité narcissique est massive et la problématique identitaire au premier plan. Benoît revendique sa dépression, dit sa fascination pour ses cicatrices et ses scarifications, il assimile son besoin de voir couler son sang à une dépendance à une drogue. Il veut se couper, il en a besoin, il se sent exister. Les liens du sang, devenus sanglants ici, l’unissent étroitement à sa sœur jumelle. Il dit qu’il ne souffre pas quand il se coupe, Il subit dans l’adversité, il s’éprouve et paradoxalement s’endurcit… La douleur le renforce et par là même renforce les limites du Moi et le Moi. Il traite ainsi sa trop grande sensibilité, trait rapporté de son enfance, signe pour lui de faiblesse et de passivité… qu’on oppose à la violence, la puissance et la force qu’il ressent dans ses comportements auto-agressifs.

Regards : le sien sur son sang et sa peinture… La place du regard, des regards, les yeux d’Horus, regard intérieur de Benoît sur son sang qui coule, ses cicatrices, cherchant à s’approprier un corps et un psychisme qui changent et le menacent. Regard de ses parents qui souffrent, il le sait, sidérés, ils paniquent au début, mais leurs regards évoluent. Regard du thérapeute sur sa peinture, sa création « adolescente », et reprise du mythe dans la thérapie. Le thérapeute, la psychothérapie des attaques du corps rétablissent du visuel, en répondant à la sollicitation du regard, dans le cadre d’un échange associant création et représentation, ouverture au sens.

Adolescence, 2011, 29, 2, 339-353.