L’étonnement et la surprise sont des moteurs de reliaison psychique. Par la prime de plaisir que ces outils techniques suscitent, ils permettent de proposer une nouvelle narration de ce qui fait problème. Ces concepts sont d’autant plus utiles qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la puberté. Le psychothérapeute a avantage à conserver une grande capacité d’étonnement et de surprise au bénéfice de nouvelles possibilités de liaison psychique et à l’écart du risque toujours présent de l’effroi.
Partant de deux cas cliniques contrastés, cet article propose une exploration anthropologique des conceptions contemporaines de la jeunesse. Celles-ci sont liées à l’ouverture des lieux d’enfermement et à la valorisation de l’autonomie individuelle. Elles se distribuent de façon inégale selon le milieu social et le genre. Face au péril environnemental, le rabattement des capacités individuelles sur la consommation des ressources et le dualisme entre culture et nature deviennent problématiques.
Cet article, comme extension à la théorie sur l’environnement de D. W. Winnicott, analyse dans notre hypermodernité l’opposition entre les expressions individuelles et les expressions collectives de la tendance antisociale, dont les deux aspects centraux sont l’affairisme et la destruction de la nature. Nous montrons ainsi comment le processus de subjectivation adolescent impose de survivre à une planète perdue, par la création de planètes libres. Un récit clinique rencontre notre propos.
L’Homme a rêvé la maîtrise de son environnement psychique, écologique et virtuel, au travers d’une course effrénée contre toute forme de limites du temps, de l’espace, de ses ressources et de son corps. La situation actuelle met en crise ce récit de l’Homme comme centre des cosmogonies, alors qu’il est forcé de constater son statut périphérique face à ce qu’il avait la présomption de dominer. La génération parentale ferait-elle ainsi payer en tribut à l’adolescence la sauvegarde de son humiliation ? Alors, comment « habiter » son corps et sa psyché, si l’avenir promis est l’écran d’une fin ?
La menace extérieure de disparition de la nature révèlerait une autre menace interne de la perte de l’objet à l’adolescence. En l’absence du support de l’objet externe alimentant l’investissement de l’objet interne, surgit l’irreprésentable que produit l’objet au sein du Moi. La mobilisation des processus sous-jacents pour une préservation, en permettant le réinvestissement de l’objet sexuel, aboutit à l’indispensable maintien narcissique d’un « sentiment d’existence » d’adolescence.
Une jeunesse militante aspire à combattre le déni politique face à l’urgence écologique. Cris solidaires ou maux solitaires viennent rappeler cette inaction lourde de conséquences, dont l’actuelle crise sanitaire en situe l’ampleur. Dans ce climat, quel soin psychique éco-responsable doit-on défendre ? Accueillir la diversité du vivant, prendre soin du milieu, écouter la singularité, s’engager sur la durée, jardiner des possibles. Une veille ardente à l’encontre des politiques de santé.
Les auteurs envisagent l’engagement de certains adolescents dans la lutte contre les mutations écosystémiques et leur nécessaire reconnaissance par les adultes comme l’expression d’un travail psychique de démocratisation. La situation de Jonathan, adolescent tourmenté élevant des fourmis, illustre une modalité de rencontre possible avec l’environnement non humain, source de gratification tant pour le narcissisme que pour les idéaux, mais révélant une angoisse d’extinction prononcée.
Dans cet article est abordée la manière dont les adolescents imaginent l’avenir en regard du présent, et s’approprient le temps à travers les problèmes actuels liés à l’environnement. À partir de deux vignettes cliniques, les auteurs cherchent à montrer comment les adolescents appréhendent la fin d’un monde : un rapprochement est opéré entre planète et institution. Quelles sont leurs capacités à se projeter, en fonction des transmissions et de leurs possibilités de les transformer ?
Le souci écologique des adolescents d’aujourd’hui est éclairé par la réflexion contemporaine philosophique et sociologique sur la dépendance de l’homme à l’environnement. Si elle est déniée par la modernité, elle est soulignée par la psychanalyse. Il se comprend aussi sur un plan intra-psychique au travers de la dette envers les ascendants, et de la culpabilité afférente. L’engagement dans la cause écologique pourrait leur permettre de renouer les liens interrompus, en un véritable « retour aux sources ».
Le réel n’est pas seulement le trop qui nous envahit ou nous déborde, c’est aussi ce qui n’est pas perçu de ne pas avoir été suffisamment donné et qui toujours échappe. Le réel à l’échelon individuel ou collectif, c’est le rationnel économique et son positivisme irréaliste.
Pour parer au tranchant de l’économisme ambiant qui désenchante notre réalité, l’Art en tant que falsification du réel est d’un utile recours voire secours pour se réinventer soi et le monde. Mais il verse dans l’absurde et la destructivité s’il ne reste pas tangentiel aux limites tant internes qu’externes du réel. La psychanalyse pourrait aujourd’hui n’avoir plus qu’une seule indication : le désenchantement face au réel. L’aventure qu’elle propose au sujet qui veut goûter à la vitalité de la vérité et à la liberté libre de se confronter à la douleur, et de la dépasser pour éviter d’en avoir « réellement » peur.
Adolescence, 2021, 39, 1, 69-94.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7