Peu d’études ont été consacrées jusqu’ici aux fonctions du père lors de l’adolescence de la fille. L’une de ces fonctions, celle du regard et des paroles du père pour le devenir féminin, est étudiée ici. Ce regard du père renouvelle l’opération du regard de la mère lors du stade du miroir, mais du côté de l’identité. Il prend sens dans la mesure où le père ne s’approprie pas sa fille comme objet sexuel et établit avec elle une relation marquée par la fonction paternelle.
Le voile islamique a pour fonction de soustraire le corps de la femme au regard des hommes comme il veut soustraire les hommes au regard des femmes, ces dernières étant suspectées de voyance et de pénétration mortifère. L’auteur essaie de montrer comment la conception traditionnelle du féminin en pays d’Islam structure et organise la psyché de la fille et de la femme, la rendant soumise à l’ordre masculin au sein de l’enclos familial, souvent incestuel. La cacher c’est autant s’en méfier que se l’approprier.
À partir d’une définition dynamique de la pudeur, mouvement psychique faisant alterner voilement, dévoilement et revoilement, l’auteur tente de montrer en quoi le revoilement actuel de femmes musulmanes ne répond pas, comme prétendu, à un mouvement pudique. Il s’y opposerait même, à la fois parce qu’il sous-entend une fixité du regard et parce qu’au lieu de faire en sorte que le désir féminin puisse s’annoncer sans s’exhiber, il le nie tout entier, voire tente de l’éradiquer.
La question du voile est abordée à partir de quelques-uns de ses éléments structuraux qui font que sa “ logique ” retrouve celle du désir inconscient référé au féminin : le montage de la pulsion, la construction de l’imaginaire corporel qui fait appel aux concepts de Chose, d’objet a lacanien. Est évoqué en quoi les métaphores du voile ouvriraient sur des champs philosophiques et esthétiques interrogés à partir de la problématique de la castration. C’est à travers ces repérages psychanalytiques que l’on peut apporter un éclairage sur les conséquences sociales aliénantes du phénomène du port du voile par les femmes.
Le face à face est un des sites psychothérapiques les plus pertinents à l’adolescence. Parce que celle-ci est avant tout une crise narcissique et identitaire, la vue du psychothérapeute et ce qu’il voit de l’adolescent en favorisent l’élaboration et le travail. Deux exemples cliniques illustrent la vision flottante : une attitude possible pour le psychanalyste qui veut introduire du visuel, du regard dans le processus psychothérapique.
On peut travailler psychanalytiquement avec le divan ou en face à face, l’important est que l’analyste sache se servir des conditions les plus aptes à permettre au patient d’amorcer et de mener aussi loin qu’il le souhaite une démarche d’appropriation subjective de son existence.
L’auteur précise alors ce qui fonde l’indication possible d’un début de cure psychanalytique en face à face : plus que les pathologies du narcissisme ou la nécessité du regard bienveillant du thérapeute, ce sont les cas où un trouble de la fonction subjectivante est en jeu.
Ainsi dans le travail de face à face, le patient sera plus à même de percevoir (de visu) la charge pulsionnelle des réactions du psychanalyste et la tâche de celui-ci sera de reprendre les conditions premières de l’appropriation subjective qui ont été entravées.
L’adolescence, en tant que seuil de subjectivation obligée, se prête tout particulièrement à ce dispositif.
C’est seulement depuis un demi-siècle environ que la philosophie et les sciences humaines considèrent le regard pour lui-même et étudient sa présence et son action dans la vie actuelle et dans l’histoire. Se fondant sur les recherches récentes des historiens des mentalités, l’auteur suit pas à pas la façon dont s’est effectuée cette émergence, de façon à dégager la spécificité de la notion freudienne correspondante.
Il envisage ensuite comment la psychanalyse est parvenue progressivement à situer le regard au sein des objets qui régissent notre vie inconsciente. Tantôt confondu avec le sexe, avec une instance surmoïque, ou tutélaire, ou avec un objet partiel, il est plutôt à définir comme le signal avant-coureur du message énigmatique, condensant le noyau sexuel du message et poussant le sujet à lui donner corps d’une façon ou d’une autre.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7