L’avènement d’A. Rimbaud comme auteur se joue très tôt, alors qu’il a à peine dix-sept ans. Il est pris dans une dialectique de reconnaissance dont le protagoniste est G. Izambard, premier lecteur de sa poésie. Il en reconnaît la valeur et fonctionne comme un passeur, sans esquiver la rencontre avec l’adolescent en souffrance. Il sait se montrer présent puis s’effacer et ne tirera jamais aucune gloire d’avoir connu A. Rimbaud. Il est le témoin tranquille à la fois des turbulences d’un adolescent et de la naissance d’un poète. Reprendre la dynamique du nouage et du dénouage de cette relation présente un grand intérêt pour penser la clinique de l’adolescence.
Archives de catégorie : Psychothérapie III – 2006 T. 24 n°2
Anna Cognet : un adolescent d’autrefois
François Mauriac évoque, sur la fin de sa vie, une conviction délirante qui l’a brièvement assailli quand il avait une dizaine d’années : son père, décédé quand lui-même n’avait que vingt mois, serait, en réalité, toujours en vie. En nous appuyant sur des éléments de la vie de l’auteur, et tout particulièrement son rapport intime à la foi chrétienne, nous proposons l’hypothèse que la puberté a été pour le jeune garçon le moment d’une grande effraction psychique, susceptible de provoquer des mouvements régressifs, sans entraîner pour autant l’établissement d’une structure psychotique ; ce passage quasi-pathologique serait peut-être même une tentative de pallier l’absence du père par sa création hallucinée.
Caroline Civalleri : au fil de l’écrit
Le récit de la cure institutionnelle d’un adolescent qui s’est essentiellement jouée autour de son rapport à l’écrit vise à discuter la possibilité de la mise en place d’un travail de culture. Les différents mouvements qui ont teinté la relation entre cet adolescent écrivain et sa lectrice sont ici décrits, montrant le passage d’un lien à l’objet à une utilisation de celui-ci permettant de faire de l’écriture un objet culturel partageable.
Myriam Frégonèse : variation sur la mort et le symbole
Invité par son thérapeute à écrire de la façon la plus libre qui soit, un jeune adolescent de quatorze ans pris en charge en hôpital de jour, va déployer un récit que jalonneront diverses représentations de la mort. À celles-ci Dan tentera de faire correspondre une forme de réponse potentiellement salutaire et la plupart du temps rendue possible par la convocation de différents personnages romanesques. Son récit sera finalement clôturé par une scène où mort et symbole viendront à se lier comme pour enfin prétendre à quelque trouvaille structurante.
Renée-Laetitia Richaud : Sylvie-Christine. réaction
À l’écoute de l’exposé d’un cas de mutisme et de secret de famille en Hôpital de Jour, il m’apparaît qu’une adolescente parvient à faire vivre à ses soignants ce qu’elle ne peut elle-même ni éprouver, ni penser, ni parler. Lors de cet exposé, le travail clinique se poursuit comme une démonstration : des lapsus de l’exposante incitent à une continuation du travail de mise en pensée et le contre-transfert induit à une interrogation sur la nécessité d’audacieuses rêveries, non pas pour les considérer comme des vérités mais pour dégager la pensée des soignants de l’interdit de pensée pesant sur eux comme sur l’adolescente. L’abord de difficultés narcissico-identitaires gagne peut-être à être ainsi librement redéployé par l’analyste à la fois dans sa capacité à se faire suffisamment bon médium malléable et dans ses hypothèses concernant l’héritage transgénérationnel ainsi que l’impact du narcissisme parental, surtout lorsque la douleur crée des évitements de pensée. Une fois encore, une pathologie grave pourrait permettre l’abord de difficultés plus communes.
Hélène Tournaire : sylvie au centre d’une thérapie de famille
La thérapie de famille menée pendant quatre ans autour de Sylvie, une adolescente suivie en Hôpital de Jour, révèle un fonctionnement familial symbiotique et pathogène, difficile à appréhender car il est verrouillé par un discours au conformisme banalisant. Sylvie, en s’appuyant sur le travail institutionnel, a su utiliser le cadre de la thérapie de famille pour se dégager de la problématique familiale en en interrogeant les différentes modalités.
Isée Bernateau : Sylvie, ou comment se séparer des morts ?
Sylvie, une adolescente suivie en Hôpital de Jour, est dans une préoccupation exclusive des morts. Ceci ne serait pas le signe d’un processus de deuil en cours d’élaboration, ni même d’un lien mélancolique avec un objet déjà perdu, mais témoignerait de l’inclusion cryptique d’un deuil traumatique non élaboré à la génération précédente. Cette inclusion génère un lien incestuel dans la famille que Sylvie tente, au travers de ses questionnements obsédants sur les morts, de métaboliser.
Muriel Darmon : variations corporelles. l’anorexie au prisme des sociologies du corps
En adoptant le regard particulier qu’offre la sociologie du corps, cet article replace les attitudes et comportements anorexiques dans l’espace social des représentations et usages du corps. L’étude des « variations corporelles » (selon les époques de l’histoire, les classes sociales, les classes d’âge et le sexe) permet de voir se profiler, derrière le corps anorexique, un modèle corporel situé historiquement et socialement, qui est tout à la fois contemporain, adolescent, féminin, et d’origine sociale moyenne ou supérieure. En outre, le processus de transformation corporelle qui se joue au cours de la carrière anorexique entre en résonance avec des représentations contemporaines de la malléabilité corporelle. Il en manifeste notamment deux figures pourtant opposées, celle d’un corps « mou », perçu comme labile et modifiable à l’envi, et celle d’un corps « dur », qui tend à « persévérer dans son être » et à résister à toute injonction au changement.
Sandra Lopez, Irène Nigolian : les yeux rivés vers le ciel. ali, un cas d’anorexie mentale masculine
L’auteur étudie un cas d’anorexie mentale masculine à travers un éclairage psychosomatique et la spécificité de la mentalisation. Est développée l’importance de la modulation des approches des soins en fonction de l’attention portée aux mouvements psychiques susceptibles de relancer l’activité mentale en lieu et place des conduites autodestructives.
Sophie Vust, Luc Michel : adolescence, troubles du comportement alimentaire et groupe thérapeutique : une expérience.
Les nombreuses demandes de consultation pour troubles du comportement alimentaire atypiques au sein d’une consultation de santé des adolescents ont incité une réflexion sur cette psychopathologie « nouvelle », ainsi qu’une proposition de prise en charge dans un groupe thérapeutique d’inspiration analytique. La question de la dépendance et de l’auto-renforcement de ces difficultés est aussi abordée, ainsi que l’aménagement nécessaire du cadre thérapeutique tant aux adolescents qu’au symptôme.