Archives de catégorie : Psychosomatique – 2003 T. 21 n°2

Raymond Cahn, Nicole Taieb-Flicstein : l’issue des traitements psychanalytiques à l’adolescence

Sont examinées, à partir de l’expérience personnelle des auteurs, les différentes issues des traitements psychanalytiques à l’adolescence, depuis la rupture jusqu’à la décision et l’élaboration de leur terminaison, avec la spécificité de leurs critères et de leurs modalités à cet âge.
Plutôt que d’authentiques fins de traitement, ce qui est à élaborer c’est la possibilité de donner à l’expérience du traitement la valeur d’un vécu suffisamment bon dans une différence acceptable par l’un et l’autre des deux partenaires. Ainsi se voit maintenue, si incertaine soit-elle, la possibilité d’un retour, en un temps et un lieu que le jeune aura faits siens.

Claire Maurice : handicap intellectuel et adolescence

La clinique d’adolescents présentant de graves déficiences intellectuelles suscite de nombreuses questions sur les possibilités du travail de l’adolescence dans sa double trajectoire d’accès à la sexualité génitale et de nouvelle donne temporelle dans la mesure où l’accès à la symbolisation semble “ barré ” par des insuffisances instrumentales durables entravant l’ensemble du développement. Réduit le plus souvent à l’espace du tout petit, l’espace-temps du jeune déficient reste, effectivement, marqué par des modalités très archaïques du fonctionnement psychique qui tendent à figer tout déroulement temporel et toute altérité. Pour autant, la sexualité pubertaire n’est pas absente, mais son élaboration prend des chemins décentrés par rapport au paradigme habituel du théâtre névrotique. L’apport de théorisations issues de l’autisme infantile et des travaux contemporains sur la psychosomatique propose un champ de recherche sur l’hétérogénéité des modes de symbolisation que l’on rencontre dans certaines formes de pathologies déficitaires et ouvre l’impasse du seul déficit sur la complexité de ces modes d’organisation, singulièrement au moment de l’adolescence où l’investissement du corps dans ses dimensions pulsionnelle et sensorielle est au premier plan au carrefour du temps de l’autre.

 

Dolorès Albarracin-Manzi : la virginité somatisante : névrose actuelle et post-adolescence

Les somatisations à caractère hypocondriaque manifestent une entrave au processus d’adolescence. Quelques observations cliniques de jeunes filles permettent d’éclairer la manière dont la névrose actuelle ajourne la menace de la sexualité génitale, révélant la prégnance d’un fantasme archaïque de fusion bisexuelle avec le corps maternel, fusion à la fois rassurante et persécutrice empêchant l’assomption de l’identité sexuelle attendue à l’adolescence.

Myriam Boubli : le corps protecteur du soma à l’adolescence

S’il n’est pas possible pour un adolescent de se défendre au niveau de son Moi en tolérant la dépression et si les voies du comportement moteur ne s’ouvrent pas, il ne lui reste guère comme solution que la voie de la déliaison somatique signalant des expériences de désubjectivation dues à l’effraction d’excitations pulsionnelles dans un Moi immature. C’est le cas des adolescents trop sages, trop conformistes, chez qui la voie du passage à l’acte est inhibée.

Colette Lhomme-Rigaud : cryptes en boulimie : à la recherche du lien perdu

À travers le cas d’une patiente boulimique, l’auteur se donne pour objectif de repérer la présence de cryptes, tant dans la lignée maternelle que paternelle. Le recours à un objet externe fétichisé était nécessaire afin d’empêcher la dérive narcissique : déjà ébauchée dans les stades infantiles précoces, elle était, en effet, provoquée par la médiocrité de la constitution du lien objectal.

Irène Nigolian : lili, la fille qui ne parlait pas

Il s’agit d’une réflexion clinique autour de la formation d’une personnalité à risque psychosomatique au cours de l’adolescence. La réapparition du soma de l’enfant à la puberté est porteur des distorsions précoces de la relation mère-bébé et de l’échec de la première phase œdipienne, favorisant ainsi la somatisation et la relation d’objet allergique dans le transfert. Le corps génital devient alors corps malade.

La psychothérapie pratiquée dans la période post-pubertaire permet leur articulation avec l’histoire du sujet et le processus adolescent en cours.

Brigitte Wedling : trajectoire d’un adolescent entre psoriasis et troubles du comportement

À travers la trajectoire d’un adolescent, ce travail explore les méandres de son fonctionnement psychique et la diversité de ses expressions – psoriasis, troubles du comportement, toxicomanie – qui sont autant de tentatives désespérées pour juguler l’envahissement pulsionnel et assurer sa survie psychique. Les liens entre psoriasis et pare-excitations d’une part, troubles du comportement et destructivité d’autre part, sont interrogés pour comprendre l’évolution de la psychothérapie et l’élaboration psychique qui la sous-tend.

Irina Adomnicai : un travail suspendu

Le traitement psychanalytique d’un garçon ayant débuté une maladie de Basedow à l’adolescence permet d’ouvrir la discussion au sujet des remaniements psychiques à cette période de la vie et de leur possible implication psychosomatique. Les différences entre procédés autocalmants et masochisme sont envisagées dans cette perspective clinique.

Jean-Claude Elbez : psychosomatique et processus d’adolescence

L’adolescence, avec ses processus pubertaires et de subjectivation, constitue un moment particulièrement sensible de reprise, après coup, de traumatismes primaires. Dans l’occurrence où ces conflits seraient restés en marge de la représentation et auraient généré des défenses psychiques sur la modalité du clivage, les processus pubertaires ouvriraient sur un retour du clivé, et s’il s’était agi de répression, d’un retour du réprimé : dans les deux cas, ce qui risque de faire retour, dedans, serait une destructivité déliée, ouvrant la voix à une désintrication pulsionnelle, voire à une dépulsionnalisation de la pulsion en instinct, avec risques de désorganisation somatique.

 

Stéphane Bourcet, Camille Rossi : la plainte hypocondriaque à l’adolescence

Les plaintes hypocondriaques, fréquentes à l’adolescence, sont une demande faite à l’autre et s’adressent à un objet d’amour et/ou de haine. C’est de l’effraction traumatique induite par la puberté que l’adolescent vient se plaindre et prendre à témoin les autres. Les plaintes hypocondriaques sont porteuses d’un investissement narcissique massif. L’organe, dont l’adolescent se plaint, condense le corps traumatisé dans sa globalité par la génitalisation. Le corps, centré par ses plaintes multiples, est un lieu de projection, cristallisant dans la masse corporelle toute pensée, qui devient alors asignifiante. L’adolescent hypocondriaque, animé qu’il est par un fantasme sous-jacent très actif d’immortalité, semble substituer la dimension temporo-spatiale de la maladie au temps et à l’espace de l’existence humaine, marquée par sa finitude.