Les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse, les fugues et les scarifications sont des conduites d’agir fréquentes à l’adolescence. Au même titre que d’autres conduites de rupture, nous les envisageons comme des figurabilités corporelles qui s’ancrent, tant dans la forme que dans le fond, bien davantage du côté des productions psychiques que des passages à l’acte réputés court-circuiter la pensée. Ces conduites relèvent pour une part d’une intentionnalité consciente, incarnant l’effacement ou l’évacuation hors de soi des tensions internes, leur « reprise en main » synonyme de maîtrise, la transposition de la souffrance psychique en percepts sensibles et visibles et la recherche d’effets sur l’entourage dans l’attente d’une reconnaissance et de remaniements favorables. Elles sont aussi inconscientes et très condensées, réalisant des tentatives de figuration qui donnent forme et consistance aux représentations psychiques que le sujet en souffrance identitaire tente ainsi d’éviter ou d’escamoter.
Dans la mesure où la plupart des adolescents concernés ne peuvent mettre en mots cette souffrance, et pour les préparer à s’engager dans un travail psychique, nous pensons nécessaire d’allier progressivement l’affect à la représentation et l’acte à la parole par l’intermédiaire d’actesthérapeutiques s’offrant comme autant de supports de figuration pouvant favoriser la reliaison. Nous en fournissons des exemples à partir de l’expérience de notre équipe qui, depuis quinze ans, aménage de brefs séjours hospitaliers pour les jeunes suicidaires au sein d’une unité spécialisée.
Le récit de trois consultations à propos d’un adolescent arrogant se vivant comme nul me permet de penser le processus psychanalytique de la cure et de ses enjeux. La place est donnée au travail de pensée du psychanalyste à partir des états émotionnels du sujet émergeant dans la cure, mais aussi de ses parents en consultations du début. Il y a violence du fait d’un jugement d’attribution venu des objets parentaux au plus jeune âge et que l’adolescent reprend à son compte sans le savoir. La misère d’objet à l’adolescence trouve ici une définition ainsi qu’une réflexion sur le sentiment de nullité si fréquent à cet âge.
Les espaces virtuels sont particulièrement propices à des usages auto-thérapeutiques, notamment pour les personnalités en souffrance. En même temps, ces espaces favorisent la construction d’une nouvelle culture dans laquelle les jeunes tentent de construire les repères qui leur font défaut dans la vie quotidienne.
L’auteur envisage l’analyse de cette question en abordant, en premier lieu, deux écueils du clinicien : la difficulté à parler de structure psychique chez l’adolescent étant donné la mobilité de son fonctionnement mental ; l’association de certains aspects de la crise d’adolescence avec une relance de la phase perverse polymorphe infantile. En deuxième lieu, il étudie trois situations cliniques spécifiques : les mouvements défensifs de nature perverse ; les perversions sexuelles et morales qui se manifestent à cet âge ; les liens pervers où un adulte pédophile, incestueux, corrupteur ou pervers-narcissique prend comme objet un adolescent, qui devient sa victime-complice.
Les positions « communément désignées comme perverses » (Freud) sont rarement des aménagements transitoires durables définitifs du pubertaire. L’auteur plaide en faveur d’une origine pubertaire des perversions. Elles relèvent d’un déni de l’altérité précisément telle qu’elle se symbolise dans le « personnage tiers » ou sujet parental de transfert présidant ordinairement à l’adolescence. Il en résulte la répétition d’une génitalité brute (ou de ses dérivés : addiction, certains troubles des conduites alimentaires et violences), non élaborée faisant alliance avec la pulsion d’emprise. L’émancipation du Surmoi soumet l’adolescent au Surmoi collectif et aux idéologies qui le confrontent et le jugent.
La notion de perversion transitoire a été utilisée il y a cinquante ans à propos de l’adolescent dans un article de R. Lebovici commenté et discuté par J. Lacan dans son séminaire et ses Écrits. L’auteur montre comment elle s’est perdue dans les méandres des discussions qui sont intervenues par la suite à propos de la perversion adulte. Pourtant, elle s’impose particulièrement aujourd’hui où l’on a tendance à préjuger de l’avenir d’un sujet à partir de ses comportements d’enfant ou bien d’adolescent. On s’aperçoit qu’elle témoigne d’une difficulté à faire prévaloir certains messages sur l’expression sexuelle proprement dite et constitue un préalable à l’identification sexuelle. Le qualificatif de transitoire suffit à signifier que ce n’est pas une perversion au sens où on l’entend chez l’adulte, ce qui n’empêche pas qu’elle ait beaucoup à nous apprendre à son propos.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7