L’auteur propose de considérer l’effet de présence comme ce qui définissant le lien, en révèle les sujets dans l’extériorité et l’inconnaissable, qualités qui s’imposent et “ délogent ” la relation d’objet. L’effet de présence expose le sujet à une extériorité insaisissable de l’autre qui lui échappe mais dont il ne peut se défaire. Deux vignettes cliniques illustrent cette hypothèse de travail analytique du lien.
Archives de catégorie : La rue – 2003 T. 21 n°1
Jean Laplanche : le crime sexuel
La désintégration progressive, dans nos sociétés modernes, des systèmes de parenté, et de la prohibition de l’inceste, nous permet une avancée théorique. Si ce double effacement a fait surgir, en dehors de tout système de parenté, le crime sexuel en tant que tel, c’est-à-dire l’abus sexuel “ entre les adultes et l’enfant ” (Ferenczi), cela pourrait être le signe de ce que l’interdit de l’inceste a de tout temps essayé de contenir, sans y parvenir complétement, la sexualité polymorphe et déliée, présente non seulement dans l’enfant mais dans l’inconscient infantile de l’adulte.
Jean-Marie Firdion : le risque de suicide chez les jeunes à orientation sexuelle non conventionnelle
En faisant la synthèse d’un rapport récent, l’auteur présente l’hypothèse d’un lien entre tentative de suicide ou suicide chez les jeunes et une orientation homosexuelle ou bisexuelle. Les résultats concordants des travaux épidémiologiques nord-américains de ces dernières années montrent que l’homosexualité, en soi, ne constitue pas une cause directe de ces comportements suicidaires, mais qu’une orientation homosexuelle ou bisexuelle accroît, d’une manière significative, la probabilité de réaliser de telles conduites. Le phénomène serait en rapport avec l’homophobie et l’hétérosexisme toujours présents dans nos sociétés. Ces conclusions ne sont pas sans conséquence importante sur les politiques et programmes de prévention du suicide chez les jeunes. Il paraît donc nécessaire de conduire de telles études spécifiques en France.
Marie Choquet, Michel Askevis : qui sont les adolescents fugueurs ?
À partir d’une enquête épidémiologique en population générale scolaire, 450 jeunes de l’enseignement public secondaire qui se décrivent comme fugueurs ont été comparés à 11 734 jeunes qui n’avaient pas fugué.
La fugue est associée à du “ mal-être psychologique ” et à des violences subies et agies ; le fugueur est aussi suicidant, violent, délinquant et il abuse de produits licites comme illicites. Le fugueur cherche de l’aide et consulte, il reste à trouver les prises en charge multifocales face à la diversité des manifestations exprimées : fugue, tentative de suicide, délinquance et abus de produits licites comme illicites.
Ivan Darrault-Harris : vers une typologie sémio-linguistique des appels des adolescents ?
On s’efforce de soumettre un corpus d’une cinquantaine d’appels adolescents vers un numéro vert (“ Fil Santé Jeunes ”) à une analyse typologique sur critères sémio-linguistiques. Ce travail fait apparaître un assez grand nombre de stratégies d’auto-masquage de l’énonciateur adolescent : mutisme, injures, pseudo-questions, fictions. Tout l’art de l’écoutant adulte résiderait alors dans l’accueil de ces énonciations masquées pour permettre à l’appelant adolescent de livrer son véritable questionnement.
Claude Savinaud : l’abus et l’affect
Dans notre rencontre avec un certain nombre d’adolescents auteurs d’abus sexuels, nous constatons l’absence de sentiments associés à ces actes, alors qu’ils ne signent pas la présence de troubles dissociatifs ou carentiels. Par contre, ce défaut de remords peut être considéré comme une faille dans la subjectivation adolescente, consécutive à l’omniprésence d’une figure surmoïque archaïque. L’imago maternelle primordiale qui constitue cette figure n’est ni intégrée, ni intérieurement conflictualisée mais projetée sur l’objet rendu “ indifférent ” pour servir d’exutoire à l’excitation pulsionnelle. Le clivage du Moi ne suffit pas à assurer une distinction minimale entre “ bon et mauvais objet ” et introduit une confusion dont l’acte délictueux est la résultante. L’émergence d’une culpabilité transférentielle pourra être la conséquence de la remise en route du processus associatif dans la cure.
Anne Tassel : rue du tag
En exhibant sa trace locomotrice, le tagueur s’invente une ville où se profilent ses fantasmes identitaires grâce auxquels il espère intégrer sa relation aux autres en se faisant l’objet de sa propre pratique. La rue ne se distribue plus alors en “ territoires ” mais en moments d’histoire, en temps en morceaux, permettant à des singularités à l’essai de dériver vers ce qui fait appel du dehors. Non pas production d’œuvres mais de ce qui œuvre en elle, la rue taguée sécrète les excès et les incertitudes de l’adolescence en insérant dans une actualité les figures d’une pulsion qui d’archaïsante peut se sublimer.
Olivier Ouvry : la rue comme objet contra-phobique
Le propos de cet article est d’explorer la rue comme espace de confrontation possible pour l’adolescent à la nouveauté pubertaire, en terme d’altérité radicale et de rencontre possible. Ceci nous conduira à développer la dialectique entre le monde intra-psychique de l’adolescent, confronté aux effets du réel pubertaire inaugural, et celui du social, en tant que lieu de figuration possible de ce réel par la rencontre de l’autre de l’Autre sexe. Nous reprendrons ainsi les enjeux dialectiques des perspectives théoriques développées par la revue Adolescence (Philippe Gutton) et celles avancées par le Bachelier (Jean-Jacques Rassial), passant d’une référence intrapsychique et intrafamiliale, à celle du social en tant que lieu de constitution du symptôme adolescent.
Serge Lesourd : l’intime extimité de la rue
Distinguant d’abord les différentes formes de l’espace urbain (rues, passages, etc.) en fonction de leurs usages historiques ou présent, et dans un deuxième temps le vécu différencié de l’espace public dans les différents temps de la vie (enfance et âge adulte) l’auteur pose l’hypothèse que notre urbanisme moderne ne permet plus à l’adolescent de faire le passage entre vécu infantile de la rue (marqué par la rêverie interne) et vécu adulte (marqué par différenciation et la nomination). Les adolescents alors tentent de rejouer ce passage entre intime et public, mais ne trouve pas de réponse dans les lieux anonymisés de la modernité, sauf celles de la stigmatisation comme réponses à une quête éperdue de reconnaissance.
Espace psychique, Espace urbain, Intimité, Anonymisation, Identité sociale
Dominique Agostini : de la “ fourche fatidique ” au passage triangulaire
L’auteur explore le rapport à la rue sous l’angle clinique des phobies et contraphobies. Toutes deux font obstacle au passage dedans/dehors et à son équivalent psychique, la liaison intériorité/extériorité : sans intériorité, pas d’extériorité et donc exit du passage dedans/dehors et des différences générationnelles et sexuelles. La thématique du “ gang interne ” est en ce sens approfondie. Seul l’espace triangulaire est, dans la conception développée par l’auteur, coextensif à la capacité de différencier dans leur complémentarité le dedans du dehors, le masculin du féminin et les générations. Un passage donc : celui de l’intégration des turbulences véhiculées par le processus d’adolescence.