Créer des masques à partir de l’empreinte du visage avec des adolescents au fonctionnement limite en institution psychiatrique permet de relancer un processus de subjectivation. Cette médiation accueille des projections identifiantes sur des supports concrets, les thérapeutes et le cadre. Confection, création imaginaire et mise en jeu scénique font travailler la dimension corporelle et groupale, la constitution des enveloppes psychiques et leur renfort, en écho aux interactions précoces.
La dépendance psychique pendant l’adolescence est ici traitée sous deux angles : la relation Moi/autre et la polarité intériorité/extériorité. Dans ce passage de l’enfance à l’âge adulte, l’expérience de séparation de l’objet est le versant central de la question de la dépendance, particulièrement dans les addictions. Nous voulons montrer le caractère paradoxal du processus de séparation à l’adolescence, son noyau primaire et œdipien dans l’imbrication desquels se situe le fondement de ses impasses.
Ce travail expose une théorie de la filiation pensée comme forme dynamique, et fait le diagnostic d’une souffrance contemporaine à habiter la temporalité. Le rapport actuel au temps est saisi à travers le prisme des théories transhumanistes, afin d’illustrer l’idée d’un présent qui ne se déploie pas, et d’un futur peu investi par l’élan vital, quand bien même la mémoire serait « parfaite ». Une vignette clinique donne à comprendre l’impasse subjective d’une mémoire « totale ».
L’auteur examine les conditions de la transmission, en explorant à travers une histoire clinique les prérequis de celle-ci : l’écart entre les générations, la capacité de faire face à la perte et à l’altérité, la mise en route d’un processus exogame, l’organisation d’une tiercéité.
L’auteur cherche à mettre en évidence que transmission, identifications, subjectivation, sentiment d’identité, souffrance identitaire et manifestations pathologiques sont autant de registres qui semblent liés par des rapports complexes et parfois paradoxaux. Les diverses formes de la construction identitaire à l’adolescence, ne doivent-elle pas se concevoir avec « l’actuel malaise dans la culture » ?
L’auteur interroge les liens entre crise de la transmission, crise des identifications transgénérationnelles et crise d’identité, et leurs effets sur la construction identitaire des adolescents. Dans notre pratique, ne serions-nous pas confrontés à la conflictualité de ces trois domaines et nous-mêmes les supports transférentiels (et contre-transférentiels) potentiels de trois modes de relation d’objets avec les adolescents et les familles que nous rencontrons.
Il faut des détours philosophiques et littéraires pour aborder un propos aussi consistant que « transmission et identité » : un paradoxe grec sur l’identité dans le temps ; l’Éloge de la folie d’Érasme ; le « membre fantôme » chez J. Michelet ; une remarque d’H. Bergson sur les manières de dire ; un propos de C. Péguy sur l’éducation ; « La lettre au père » de F. Kafka et quelques autres références actuelles ou inactuelles.
L’auteur présente les activités du Collège Aquitain de Psychopathologie de l’Adolescent, puis questionne l’actuel mal-être des adolescents, entre impasses identificatoires et défaut de perspectives historiques. S’ensuivent des réflexions sur les prises en charge cliniques.
Adolescence, 2017, 35, 2, 237-246.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7