Certains adolescents ne parviennent pas à prendre leur place dans la filiation. Ils restent dans une position d’enfant presque asexué dans des familles proches de la horde primitive, où règnent la violence, la haine et la passion. Les places de chacun ne sont pas repérées et l’inscription dans l’ordre symbolique ne se fait pas. À travers deux vignettes cliniques, et avec une dialectique principale “ père-fils ”, l’auteur aborde cette question, postulant que la transmission filiale ne peut se faire que si un père a pu prendre sa place de fils au préalable. Sans cela, il ne peut donner à son propre enfant de place de fils, ou de fille, l’enjeu d’être parent étant pour lui insupportable. Les situations cliniques mettent en avant les difficultés rencontrées pour accéder à ces places quand la fonction paternelle n’est pas portée par les parents et que les limites sont débordées. Les problématiques rencontrées se traduisent par une confusion des générations où violences physiques et sexuelles se rejoignent, ou encore par le rejet massif d’un fils imparfait par son père. Le jeu se fait entre une attente d’un idéal et une vie imparfaite déniée parce qu’elle viendrait signifier un manque.
Archives de catégorie : Entre les générations – 2007 T. 25 n°4
Rosenblum Ouriel : la jeune fille et le mort. quand la transmission du féminin est dangereuse
L’infection à VIH est une affaire de sang, de sexe et de mort qui focalise ainsi des craintes réelles et imaginaires, constituant une surface de projection à nos peurs. Le VIH est l’un des agents de la transmission transgénérationnelle, organisatrice des liens familiaux. Toute explication sur le sida confronte l’enfant à des questions fondamentales comme celles sur les origines, la filiation, la sexualité et la mort. Les parents infectés envisagent l’actualité de la sexualité à l’adolescence comme une période propice à la révélation, comme si le risque de contamination à nouveau possible, rouvrait la chaîne du secret. Le travail proposé ici indique la possibilité aux descendants de s’extraire d’un ordre ancestral aliénant et mortifère, afin d’occuper une place au sein du groupe familial en co-construisant une histoire partagée. Ainsi, le parent sera appelé à se situer comme l’agent privilégié de la transmission, alors que celle-ci l’avait astreint à se démettre de sa position de sujet désirant, celui-ci ne pouvant que survivre ou bien errer comme un spectre.
Delage Michel : l’adolescence comme processus intergénérationnel et la thérapie familiale
Ce travail présente à partir d’une observation clinique comment le processus de l’adolescence concerne l’ensemble familial et oblige les différents partenaires à un travail spécifique dont les enjeux sont bien sûr différents si on les considère du côté des parents ou si on les considère du côté de l’adolescent. Deux notions aident à comprendre ces enjeux : le processus de séparation-individuation, d’une part, l’attachement et ses vicissitudes d’autre part. La thérapie centrée autour de ces éléments aide l’adolescent à se subjectiver en faisant la part de ce qui relève d’une transmission entre les générations. Dans ces conditions, la thérapie familiale constitue souvent une première étape préalable à un travail individuel davantage centré sur le monde interne de l’adolescent.
Eiguer Alberto : la transmission de la responsabilité
Dans cet article sont présentés des développements récents de la théorie de la transmission. L’auteur en rappelle les premiers apports ; les traumatismes endurés par les ancêtres peuvent être à la source du trouble, notamment s’ils sont vécus avec honte par les descendants et gardés secrets. Mais la transmission a un caractère structurant pour tout un chacun ; elle est à la base de l’instauration de la loi, de l’agencement de la famille et de l’attachement à des idéaux. Fondatrice d’un axe essentiel de l’éthique, la notion de responsabilité s’inscrit également dans un processus de transmission. L’auteur propose que le don et la disposition des parents envers l’enfant y jouent un rôle, en suscitant un élan de reconnaissance chez l’enfant, dans le double sens du mot : de gratitude et d’identification de l’autre comme différent.
Benghozi Pierre : la trace et l’empreinte : l’adolescent, héritier porte l’empreinte de la transmission généalogique
Le travail d’adolescence est décrit comme un événement généalogique, comme une anamorphose de contenants psychiques engageant le niveau individuel et le niveau groupal familial. C’est dans cette dynamique de co-construction, qu’est distinguée la crise de l’adolescence, l’adolescence en crise et l’adolescence-catastrophe. L’auteur situe l’importance de la transmission dans une lecture psychanalytique des liens. La transmission n’est pas la communication. Son modèle du maillage, démaillage et remaillage des contenants généalogiques, établit une isomorphie, c’est-à-dire une analogie formelle entre les liens, la transmission, la contenance psychique, l’image inconsciente du corps et la construction de l’identité. Il y a deux modalités de transmission psychique : la trace et l’empreinte. La trace concerne la transmission de contenu psychique. La trace est une inscription en positif. L’empreinte est une inscription en creux, en négatif. C’est ce matériel psychique familial présent-absent, non révélé, qui n’a pas été métabolisé, symbolisé et qui cependant est transmis à travers les générations. L’empreinte n’est pas une écriture sur le support. Elle est l’expression d’une modification du support lui-même, comme l’empreinte laissée par des pas dans la neige. L’empreinte n’est pas l’objet. Elle signe le passage d’un objet absent-présent. Elle n’est pas du contenu mais du contenant. Un exemple de thérapie familiale psychanalytique, illustre la prise en charge de ces adolescents porteurs héritiers de l’empreinte généalogique et de la honte inconsciente familiale.