Cet article croise les points de vue psychanalytiques et anthropologiques pour analyser les logiques de fractures sociales à l’adolescence lorsqu’elles s’éprouvent et se légitiment en termes de fractures « ethniques » ou « raciales ». Il est fait de ces revendications le symptôme d’une rupture grave dans les montages entre altérité et identité. Le destin de nombreux jeunes, pourtant voués à entrer dans un monde laïque et commun, y est envisagé comme réponse à une logique de ségrégation.
Archives de catégorie : Droit de cité – 2007 T. 25 n°1
Antoine Kattar : espace de tradition au quotidien. à propos des adolescents libanais
Dans cet article, nous proposons une lecture après coup d’entretiens auprès d’adolescents libanais nés à la fin de la guerre dite civile (1975-1990) vivant leurs rapports intersubjectifs et sociaux dans des situations de fragilité et de précarité à Karm Al Zaïtoun (quartier à Beyrouth Est). Trois espaces de circulation influent sur la formation des processus identitaires de ces adolescents libanais : l’espace « de tradition », l’espace « de survie au quotidien » et l’espace de « modèles identificatoires importés ». Il s’agira ici plus spécifiquement de la relation qu’entretient l’adolescent libanais avec l’espace « de tradition » et l’espace « de survie au quotidien ». Ce dernier est marqué par l’identification aux figures héroïques, la domination territoriale et la ritualisation des pratiques quotidiennes. Cet espace quotidien fonctionne comme espace de survie investi profondément par les adolescents. L’espace de tradition, lui, assure à l’adolescent protection et une forme de continuité de soi mais il reste menaçant et aléatoire dans la mesure où il est traversé par une rupture avec le passé en lien à la guerre. L’absence de confrontation de l’espace avec le temps générationnel ne leur facilite pas la référence à un passé commun et légitimé garant d’une continuité de soi.
Maria Fatima Olivia Sudsbrack : le projet phénix : une démarche collective de protection des adolescents par une mobilisation des ressources familiales et institutionnelles
À la demande du juge pour enfants du Tribunal de Brasilia, l’UFR de psychologie sociale de l’Université fédérale a mis en place un projet avec deux cents jeunes sous mesure de justice et leurs familles. Intitulé « Projet Phénix », le travail vise à renforcer les capacités des familles et des adolescents à se protéger des violences et des emprises de la favela. Les échanges au sein du groupe favorisent la reconnaissance des ressources de chacun. Cet article écrit par Maria Fatima Olivia Sudsbrack, professeur et initiatrice de ce projet, analyse le processus même pendant plus d’une année avec ces jeunes et leurs familles. Elle ouvre, par son témoignage et son analyse des pistes de travail pour les professionnels français de l’éducation.
Teresa Cristina Carreteiro : jeunesses Brésiliennes, institutions et changement dans les groupes défavorisés
Les jeunes Brésiliens, vivant dans les quartiers sensibles où sévit le trafic de drogue, font l’expérience de la violence et sont souvent fascinés par elle d’autant plus qu’ils sont en quête de reconnaissance. Or, pour obtenir celle-ci, ils ne peuvent guère compter sur l’appui des institutions sociales qui ont souvent tendance à les stigmatiser alors que le trafic de drogue les acceuille. Pourtant certaines personnes savent éviter ce piège et surmonter leurs conditions difficiles de vie. Ainsi Daniel, qui a élaboré avec l’auteur, son histoire de vie pendant plusieurs années a réussi, grâce au soutien de certains appuis et malgré une vie remplie d’obstacles et de dangers, à construire sa maison, à travailler de manière régulière et légale, à aider sa famille à s’établir et à changer sa vie en instaurant avec d’autres des liens de solidarité et de convivialité.
Dominique Dray : du choc des mondes à l’entrecroisement de cultures
Les foyers qui accueillent des adolescents des cités sont ici envisagés comme des lieux de contact entre deux cultures – de choc entre deux cultures. Il revient aux éducateurs de créer des liaisons structurelles entre le monde des adolescents et celui de l’éducatif, de travailler à transformer le choc en un entrecroisement de cultures. Ce qui implique un remaniement du cadre institutionnel.
Le placement en foyer est ici envisagé comme une situation proche de la migration. Sans que la pertinence de l’interprétation habituelle des comportements transgressifs des adolescents comme autant de symptômes soit niée, une lecture différente, complémentaire, est ici proposée. Ces comportements sont une tentative qu’opèrent les adolescents pour maintenir leur inscription dans le monde dont ils viennent et, plus généralement, pour régler un conflit de normes.
Joëlle Bordet : modes de socialisation des adolescents des cités et leurs rapports à la légalité
Cet article vise à retracer l’évolution depuis les années 80 des rapports des jeunes aux économies de trafic et à analyser leurs influences sur leurs modes de socialisation. En référence à ces analyses, nous identifions les enjeux pour l’éducation, à la fois par rapport aux jeunes eux-mêmes, par rapport à leurs familles et par rapport aux professionnels qui sont en lien quotidiennement avec eux.
Denis Salas : (ré) incarner la loi éducative
Cet article traite des relations des jeunes des quartiers d’habitat social et de leur famille avec la loi. La régulation de leur vie par des normes inédites et infra légales vient s’interposer et reléguer la norme officielle au second plan. Elle devient étrangère, menaçante et inhospitalière. De sorte que la justice des mineurs doit travailler avec cet écart grandissant pour éviter le risque de basculer dans la violence répressive.
Philippe Gutton : originalité et bourgeoisie
L’opposition dialectique est travaillée entre deux dynamiques : la créativité adolescente qui se veut partagée et les institutions socio-politiques. Les secondes peuvent encadrer les premières harmonieusement ou une rupture de développement se déclare.