Aujourd’hui, les métamorphoses d’Éros amènent à repenser la thèse qui fait du binarisme sexuel la clef de voûte de l’ordre symbolique. Le corpus psychanalytique est secoué et le sont, plus encore, les pratiques. Comment maintenir vivantes l’écoute, l’intervention analytique et son rapport à ce qui remue dans les champs de la culture ? En quoi le dialogue avec l’anthropologie a-t-il ici une pertinence ?
L’actualité des faits trans doit être mise en lien avec les évolutions sociétales de nos modèles occidentaux, ce qui permet de révéler leur dimension politique. Les adolescent·e·s, figures de la modernité, sont particulièrement à même d’incarner les questionnements transidentitaires. En les conflictualisant avec le processus de subjectivation propre à leur âge, elles/ils nous invitent à repenser nos grilles de lecture des identités genrées, ainsi que la logique binaire qui fonde la différence des sexes.
La sexualité reste un terrain peu exploré des études sur la transidentité. Si sexe et genre recouvrent des données hétérogènes, il est difficile de ne pas entendre des questionnements qui s’entremêlent. L’auteur s’appuie sur ce que des jeunes en transition, en fluidité de genre, ou qui souhaitent échapper aux catégories homme/femme, homo/hétero, cis/trans disent de leurs pratiques sexuelles. Comment intervient la puissance d’agir de ces corps en transformation dans l’élaboration de nos théories ?
Dans cet article, il sera question d’examiner certaines questions suscitées par l’exploration de la binarité chez des adolescent·e·s créatif·ve·s dans leur identité de genre, en faisant dialoguer la psychanalyse avec les questionnements transidentitaires, les études queer et les théories féministes. Il s’agira en outre de se méfier d’une tendance actuelle à la normativité psychique et de lâcher son propre savoir afin de mieux écouter ce que disent les adolescent·e·s transgenres et non-binaires.
Les auteurs et coordinateurs du numéro Binaires/Non-Binaires examinent les questions suscitées par l’exploration de l’identité de genre et de la non-binarité à l’adolescence selon trois axes : le prisme des patient·e·s, celui de leurs parents et enfin, celui des soignants amenés à les rencontrer. Pour ce faire, la démarche freudienne les aiguille vers une créativité subversive plutôt que vers un ensemble de dogmes réactionnaires.
Adolescence, 2023, 41, 2, 293-300.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7