Les adolescents joueurs excessifs de jeux vidéo présentent des fonctionnements divers sous-jacents à leur symptomatologie, adolescents pour lesquels un atelier de jeu en groupe associé à un temps de parole semble une thérapie adaptée. L’utilisation de l’objet même du jeu comme médiation thérapeutique offre des possibilités d’émergence des matériaux affectif et perceptif, qu’il sera possible d’élaborer dans un second temps. Un processus de prise de conscience par les jeunes de leur problématique, ainsi que de distanciation avec l’objet s’ensuit. Les interactions permises par le groupe bienveillant relancent le processus identificatoire, notamment chez ceux victimes de violences scolaires. La connaissance des jeux vidéo par au moins l’un des soignants favorise les échanges, participant à la revalorisation narcissique et la relance du processus identificatoire.
Les polémiques suscitées par l’attrait grandissant de certains sites du Web sont d’autant plus passionnées que cet outil signe une réelle rupture dans la nature des investissements des nouvelles générations face aux anciennes. Le retournement des positions de transmissions identificatoires est un des avatars que génère l’invasion d’avatars au sein de la cellule familiale. Freud écrivit quelques mots sur le téléphone à l’époque de « Malaise dans la culture ». Qu’aurait-il pu dire de Second Life dans notre « Crise dans la culture » ?
Éclairé par la théorie psychanalytique, cet article analyse le phénomène des communautés virtuelles (Seconde Life et Cryopolis) en reconnaissant dans leur fonctionnement la prépondérance de motifs impersonnels et collectifs : complexes ou imagines paternelles, maternelles ou fraternelles organisant les représentations et déterminant les comportements.
Au sein de ces communautés virtuelles, nous montrerons, sur la base d’entretiens auprès de membres et d’administrateurs de ces sites, que la place accordée à l’autorité, à la justice, à la conception de la réalité ou encore à la généalogie indique l’effritement du complexe paternel (ou métaphore paternelle dans la théorie lacanienne) au profit du complexe fraternel. Nous proposons enfin « l’hydre numérique » comme métaphore de ces « communautés de frères branchés ».
Les auteurs tentent de montrer en quoi la création d’une multiplicité d’avatars dans les jeux vidéo, en particulier dans les MMORPG, procède de fonctions psychologiques différentes. Les avatars sont soit des représentants fractionnés du soi où chacun vient recomposer une partie de la personnalité du joueur, soit cette représentance est différée au profit d’une recherche brute de sensations et d’excitations motrices. Ces aspects relationnels distincts d’avec l’avatar seront illustrés à partir de vignettes cliniques d’adolescents.
La jouabiltié peut être définie comme l’adaptation d’un système à un usage ludique. Sur support informatique la jouabilité prend forme à travers de nombreux aspects, l’un de ses facteurs clés étant la relation qui se noue entre le joueur et sa représentation agissante dans l’univers fictionnel, puisque celle-ci lui donne accès aux modalités d’action au sein du monde de jeu. Il s’agira donc ici de comprendre le rôle de l’avatar dans l’implication ludique de l’utilisateur. Nous proposons en premier lieu de revenir sur la notion de jouabilité puis sur le cadre mobilisable pour analyser la façon dont celle-ci s’exprime par les avatars de jeux vidéo. Cela permettra alors de relever à travers l’étude de plusieurs cas la façon dont la représentation du joueur revêt un rôle essentiel dans son implication ludique.
Les mondes virtuels décrivent un imaginaire de la transcendance où les corporéités s’extasient dans l’ubiquité et l’interconnexion généralisées, où les organes artificiels revêtent une fonction heuristique, où l’on est ravis en esprit et téléprésents, transportés de nirvanas électroniques en stimulations simulées, où, enfin, la vie virtuelle résonne dans ses promesses d’immortalité. Nos avatars, principaux opérateurs des transports extatiques dans ces paradis virtuels, imposent une réflexion élargie sur la notion même de corps, laquelle se diffracte dans sa relation à l’imaginaire corporel. Au travers des avatars, nous reformulons à la fois le projet du vivant dans celui d’une hypervie, et celui de la transcendance spirituelle dans la programmation technique d’une hallucination consensuelle qui transcende les frontières du corporel.
L’idée de représentation de l’humain par des personnages fictifs constitue l’un des fondementsde la culture indo-européenne et trouve une nouvelle expression grâce à Internet et au développement des mondes virtuels. L’avatar, représentation numérique d’un « joueur » réel, défraye la chronique des dernières années principalement grâce au succès de Second Life, le plus célèbre de ces univers.
Le mode de construction de l’avatar exprime le compromis existant entre la liberté d’expression offerte par le virtuel et l’émergence de structures sociales propres aux êtres humains.
Les témoignages des joueurs abusifs de jeux vidéo invitent à s’interroger sur la condition humaine : comment se forger une identité et construire un itinéraire dans les « sociétés de l’instant », caractérisées par l’incertitude et l’indétermination ? Le désir de reconnaissance s’accomplit dans de nouvelles structures intersubjectives qui commandent jusqu’au processus d’autonomisation des individus. Point d’orgue de la culture de l’image et de l’interactivité où le corps occupe une position toute particulière – disparu en chair mais aux commandes de l’avatar, corps de pixels – les jeux vidéo, en offrant la possibilité de vivre des expériences avec les autres, apparaissent comme un lieu propice à la fabrique d’identité.
L’univers du populaire jeu en réseau World of Warcraft, se caractérise par l’originalité des références culturelles qu’il emploie et recompose, mais aussi par l’utilisation virtuelle de la pensée animique. Ces composantes anthropologiques de mana, d’animal totem, de démons étaient jadis vecteurs de crainte et de distance sociale comme tenait à le démontrer Freud dans Totem et tabou. Elles sont à présent l’objet d’un usage courant pour l’avatar du joueur, dans l’espace virtuel. De même la science et la technique y occupent un statut particulier qui s’apparente aux usages antiques de la métaphysique présocratique. L’analyse de ces dimensions symboliques et des considérations éthiques en jeu donne des clefs pour mieux comprendre ce qui retient l’intérêt du joueur quant à son avatar, et qui sont autant d’outils pour l’adulte et le thérapeute.
L’avatar peut être réduit à une sorte de logo ou enrichi d’un grand nombre de détails personnels. Il fonctionne dans les espaces virtuels pour son possesseur comme une seconde peau, et pour ses interlocuteurs comme un assemblage d’objets partiels. Ni totalement réel, ni totalement imaginaire, l’avatar introduit à un nouvel espace dans lequel l’interlocuteur est à la fois présent et absent d’une façon qui peut engager soit sur le versant de la consolation, soit sur celui de la frustration.
Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 591-600.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7