En revisitant des temps de psychothérapie d’une adolescente adoptée bébé, consultant à la suite d’une tentative de suicide, le processus analytique est vu comme analogue à un processus d’adoption réciproque, incluant les parents adoptifs confiant l’adolescente en thérapie. Le travail analytique favorise chez l’adolescente l’adoption de parties d’elle clivées, l’amenant à se réapproprier son histoire. Devenir adulte impliquera la possibilité de choisir ses affiliations : à son tour, elle pourra adopter.
L’adoption silencieuse relève d’un contrat à plusieurs acteurs : l’enfant placé, l’assistante familiale, l’institution et les parents. L’origine de cette adoption se fonde, d’une part, sur un besoin pour l’enfant de mettre à distance le sentiment de culpabilité à l’égard d’un meurtre parental qu’il pense avoir agi et, d’autre part, sur un effet de résonance qui réactualise une blessure mal ou non élaborée chez l’adulte. La dimension narcissique y est prévalente.
Après avoir rappelé les différents axes de la filiation selon J. Guyotat, auxquels peut désormais s’adjoindre l’axe narratif (B. Golse, M. R. Moro), et après avoir resitué la question de la bisexualité psychique au regard des précurseurs de la différence des sexes, ce travail propose quelques réflexions et illustrations cliniques quant à l’agressivité des adolescents en lien avec l’identité et la filiation narrative d’une part, et avec la bisexualité psychique des parents adoptifs d’autre part.
À travers le concept de roman familial, nous avons tenté d’approcher le travail de réécriture de la mémoire et de la conciliation des affects, particuliers à l’adolescent adopté, avec ou sans pathologie, qui permet de cheminer vers une identité cohérente. Ce concept permet d’illustrer comment la situation d’adoption vient donner une coloration particulière, sans en changer la nature, à l’ensemble du processus adolescent.
Adolescence, 2016, 34, 4, 695-703.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7