L’auteur reconnaît l’action comme donnée fondamentale de la psychologie du joueur. D’une part, parce que le joueur se projette dynamiquement par l’action dans un personnage en mouvement. D’autre part, parce que le joueur va devoir se représenter ces actions comme siennes. En partie seulement, puisque la dimension ludique tiendrait justement à ce que le joueur s’amuse à voir représenter des actions impossibles de son propre corps. Le personnage virtuel est alors décrit comme un autre soi-même, à la fois double de soi et nécessairement différent de soi.
Le texte part de la distinction faite par D. Arsenault et M. Picard entre une immersion sensorielle, systémique et fictionnelle pour en donner un point de vue métapsychologique. Cette immersion peut être provoquée par la saturation des sens, la maîtrise des processus de jeu ou par l’identification au protagoniste. La régression, la négation et l’objet attracteur rendent compte des différents types d’immersion. Comme régression, l’immersion vidéo ludique correspond à un fantasme de régression utérine et à différents stades de construction de la réalité ; comme négation, elle s’appuie sur la suspension du jugement d’existence et un fonctionnement prévalent du moi-plaisir ; comme objet attracteur, elle organise la vie psychique autour d’un objet esthétique. Les différents types d’immersions vidéo ludiques correspondent également à des manières de s’approprier le monde et correspondent à ses symbolisations en corps, en images ou en mots.
Nous proposons trois représentations imaginaires, l’exil, le combat et la mascarade, comme illustrations des forces inconscientes à la source des conduites numériques des adolescents.
Compte tenu de la place importante qu’ils occupent dans les loisirs des adolescents, les jeux vidéo et leurs usages sont devenus des objets d’étude incontournables. Parmi les questions posées par ces recherches, deux s’avèrent tout particulièrement sensibles par leurs implications idéologiques et politiques. La première concerne le surinvestissement dont les jeux vidéo peuvent faire l’objet, appelé parfois « cyberdépendance » ou « passion obsessive ». La seconde, ravivée à chaque fait divers impliquant des mineurs, porte sur la possible exportation « In Real Life » du contenu violent de certains d’entre eux. C’est dans ce contexte que, à la demande de la Ministre wallonne de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des Chances (Belgique), l’Institut Wallon pour la Santé Mentale a réalisé un état des lieux de la connaissance sur ces deux questions. L’article propose un résumé de ce travail.
Elie Rotenberg a dirigé pendant plusieurs années la Guilde Millenium dans le jeu en réseau World of Warcraft. Cette guilde a longtemps été classée parmi les premières des guildes françaises pour ses combats contre les créatures monstrueuses générées par l’ordinateur (les « boss ») et a même fait partie à certains moments des meilleures du monde. Je l’ai rencontré à la Journée d’études du Centre d’Analyse Stratégique (CAS) auprès du Premier ministre, organisée le 23 novembre 2010 sur le thème : « Jeux vidéo : Addiction ? Induction ? Régulation ». Au cours de cette journée, que j’étais chargé d’introduire et de conclure, plusieurs chercheurs européens ont été auditionnés, notamment Mark D. Griffiths et Marc Valleur, dont les contributions sont reproduites dans le présent numéro. Nous avons un peu parlé et l’idée de cette interview m’est venue tout de suite. Parallèlement, je lui ai demandé de faire une conférence dans le cadre de mon séminaire à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) à Paris. Il est intervenu le 21 septembre 2011 et a parlé du monde de World of Warcraft et de ses joueurs. La vidéo de sa présentation est consultable sur Internet[1].
Il montre ici comment la logique du jeu en réseau est inséparable des processus de socialisation qui y sont à l’œuvre. Il y parle aussi d’addiction et du jeu en réseau comme nouvelle forme de relation d’apprentissage sur le modèle du maître et du compagnon.
Je souhaiterais revenir sur un certain nombre de généralités concernant la définition de l’addiction. Contrairement à Mark D. Griffiths, je n’ai pas commencé ma carrière par l’étude de la dépendance au jeu. Je l’ai commencée, il y a trente-cinq ans au Centre Marmottan, en m’occupant d’héroïnomanes puis de cocaïnomanes. Le centre a ensuite reçu des joueurs d’argent à partir de 1997. Puis, la publicité faite autour de la consultation du Centre Marmottan sur le jeu a suscité des demandes de joueurs de jeux vidéo en réseau et surtout de leurs parents affolés.
En préambule, je souhaiterais faire un constat : si l’on réunissait une cinquantaine de psychologues dans un même lieu, chacun donnerait une définition différente de la dépendance. Je vais donc apporter modestement mon point de vue sur la question. Depuis 1987, je travaille sur la thématique de la dépendance. J’ai commencé par me consacrer aux jeux d’argent, puis progressivement je me suis intéressé aux jeux vidéo et aux jeux sur Internet.
L’activité de « jouer » est présente depuis toujours dans l’histoire de l’humanité, et Internet émergea comme un terrain de jeu dont la population de joueurs est en croissance continue. Des recherches suggèrent que les joueurs sur Internet présenteraient des symptômes traditionnellement associés aux addictions avec substances, tels que des modifications de l’humeur, une tolérance et une saillance comportementale. Parce que le savoir scientifique d’aujourd’hui sur les jeux sur Internet est abondant et apparaît relativement complexe, cette revue de la littérature a pour but de réduire cette confusion en procurant un cadre de travail innovant dans lequel seront catégorisées toutes les études menées jusqu’à ce jour. Un total de 58 études empiriques est inclus dans cette revue de la littérature. Il existe des polémiques sur l’addiction aux jeux sur Internet suivant un continuum, depuis l’existence d’antécédents en étiologie et facteurs de risque, jusqu’au développement d’une addiction complète, suivi de ramifications en termes de conséquences négatives et de traitement possible. Les résultats sont évalués ici et des propositions avancées pour de futures recherches.
Les pratiques vidéo ludiques sur Internet intéressent de plus en plus de thérapeutes, et c’est tant mieux ! La revue Adolescence y a déjà consacré deux numéros : le premier sur le Virtuel (2004, T. 22, n°1) et le second sur Les Avatars (2009, T. 27, n°3), ces créatures de pixels qui nous permettent d’entrer dans les espaces numériques et d’y interagir.
« Écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite. » Telle est la proposition éditoriale lancée en 2011 par la collection Les Affranchis à plusieurs écrivains majeurs. « Quand tout a été dit sans qu’il soit possible de tourner la page, écrire à l’autre devient la seule issue », suggère l’éditrice… ou entrer en psychanalyse, pourrait-on ajouter. Il s’agit donc de « s’affranchir d’une vieille histoire ». Annie Ernaux répond la première à cette invitation avec L’autre fille, lettre adressée à la sœur qu’elle n’a pas connue, décédée avant sa naissance, et y met en lumière une des « zones d’ombre » de sa vie qu’une œuvre entièrement autobiographique nous a depuis plus de trente ans rendu familière.
Adolescence, 2012, T. 30, n°2, pp. 463-473.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7