Je ne partage pas l’idée de changements en profondeur de l’adolescence – qui reste une crise narcissique – et pas davantage de la psychanalyse et de la psychothérapie des adolescents. Par contre, le champ socioculturel s’est modifié et, peut-être, les thérapeutes en font-ils les premiers les frais.
La métamorphose instaure une contradiction paradoxale entre originalité et programme, « hasard et nécessité », désordre et ordre, différence et similitude, sujet et assujettissement, ouvrant une réflexion entre sublimation et emprise. Paradoxal est également son déroulement dans le temps, car l’illusion pubertaire est créatrice dans la mesure de son oscillation avec la désillusion. Reprenant l’adage fondamental de R. Kaës dont on ne saurait négliger la paradoxalité : « Le sujet est d’abord un inter-sujet », la métamorphose pubertaire est de façon exemplaire celle de l’inter-sujet, elle inclut en sa procédure même l’autre. Pas de changement structural solitaire. Le pubertaire n’est pas une (re)trouvaille de l’objet mais une révélation de l’altérité génitale.
Le « contrat métamorphosique » s’élargit singulièrement lorsqu’il désigne la création en mouvement d’un lien entre sujet et société, individu et ensemble, discours singulier et référent culturel.
Dans le contexte contemporain, caractérisé entre autres par la pénurie des chemins tracés vers l’autonomisation, des adolescents rivalisent d’originalité pour avancer en toute harmonie avec leur société de consommation et de l’image. Or, malgré leur absence de résistance, l’impératif d’affirmation de soi leur demande d’investir certaines dimensions de l’existence pour se préserver du sentiment d’hétéronomie. En investissant singulièrement la temporalité, notamment en s’adonnant à des actes de désynchronisation, en créant délibérément des situations d’urgence et en provoquant des expériences symboliques de l’ubiquité, des jeunes redéfinissent leurs rapports aux contraintes temporelles qu’imposent les rythmes de la vie collective. La temporalité apparaît alors comme un matériel de l’autonomie.
L’auteur propose quelques pistes de réflexion sur le mystère et le phénomène de la mort. Il convient en effet de distinguer, comme l’auraient fait les Romains, le mortalis, le moribundus, le moriens et le mortuus. Cette distinction est essentielle pour permettre d’organiser la recherche sur le lien intime entre la conception, l’originaire et « la peur antique ». Se fondant également sur une expérience clinique, l’auteur signale que le concept d’identification primaire est essentiel pour lire analytiquement l’activité psychique spécifique que l’on appelle travail du trépas. Le mourant tend en effet à former avec la personne qui prend soin de lui, dernier dépositaire du transfert, une dernière dyade, dans le sillage de la relation précoce avec sa mère.
À travers le cas de Émétério, jeune schizophrène photographe de talent, l’auteur souhaite montrer l’importance des liens entre les impasses de la subjectivation du processus adolescent et l’émergence d’états psychotiques au sortir de cette période de l’existence. Dans le cadre psychothérapique, le travail artistique et le travail du rêve se rejoignent dans une tentative de représentation réflexive des processus psychiques en échec. L’analyse clinique porte plus spécifiquement sur la dialectique des processus dits « limites », oscillant entre création et effacement des limites différenciatrices en lien avec les hypothèses de G. Lavallée sur la rupture de la boucle réflexive contenante et subjectivante de la vision. L’auteur fait aussi l’hypothèse que les destins de ce travail de construction et de déconstruction suscitent un intérêt particulier des adultes à propos des rapports que tisse l’adolescent avec la création et la mort.
L’adolescence, période propice aux passages à l’acte du fait des remaniements internes et externes du sujet, est une période de paradoxes : besoin d’autonomie et de dépendance, activité et passivité. Il est ainsi difficile pour certains adolescents d’être à l’origine d’une demande de soin qui les place dans une position de dépendance envers l’adulte-thérapeute. Les traitements ordonnés de justice, l’une des mesures protectrices à la disposition des juges pour mineurs, permettent d’obliger l’adolescent à suivre un traitement psychique. L’article discute la place de cette mesure dans les prises en soins à l’aide d’une vignette clinique qui concerne un adolescent de quinze ans, pris dans une relation symbiotique à sa mère, victime de violences physiques de la part de son père dans son enfance et qui, après s’être montré violent à l’égard de sa mère, menace de tuer l’assistante sociale qui a ordonné son placement dans un foyer. Le traitement ordonné de justice à l’adolescence : entre contrainte et étayage ?
Le travail de création est au centre même de l’opération adolescente, marquée par la rencontre avec l’autre sexe, la confrontation aux limites et au malaise narcissique, mais aussi aux désillusions qui résultent des promesses et des espoirs infantiles. Ce profond bouleversement ouvre la voie à l’acte créatif voire à la création. Émergence d’originalité, expression intense, quête d’idéal, découverte de systèmes de pensée, production d’objets culturels nouveaux, souci de mise en scène, sont des traits caractéristiques de la création artistique qui se retrouvent dans le processus de création de soi qu’est l’adolescence. L’acte de création renverrait-il au processus d’adolescence en tant que paradigme de la crise créative ? Est-il spécifique du passage adolescent pour y traduire les inquiétudes et les déchirements de cette période de la vie ? Ou bien, n’est-ce pas l’adolescence que ce vouloir créer pour devenir soi-même, à travers un mélange de volonté destructrice et de désir créateur ?
Le dispositif psychanalytique constitue une des possibilités d’indication thérapeutique, limitée par la prévalence du maniement du transfert, quand la crise d’adolescence est un moment ordinaire de labilité des manifestations pathologiques de révision des états de la structure. C’est pourquoi le principal critère d’indication n’est alors ni la spécificité des troubles manifestés, ni le diagnostic de structure. Les entretiens préliminaires sont alors fondamentaux pour évaluer cette indication qui sera décisive, mais qui reste néanmoins temporellement dépendante de l’engagement transférentiel de l’adolescent.
Cet article envisage la spécificité des actuelles pathologies adolescentes (fonctionnements en processus primaires sans limites, externalisation des conflits intrapsychiques, recours à l’agir, à la violence et à l’excitation auto-calmante) du point de vue de la complexité de la Psyché, susceptible de combiner conflit pulsionnel œdipien et problématique de l’archaïque. Ce sont les modalités du travail analytique qui doivent être interrogées. Des hypothèses sur la rencontre intersubjective en séance, ainsi que sur un nécessaire dépassement de l’opposition narcissisme/relation d’objet, sont proposées en direction d’une pensée de l’altérité.
L’analyste, confronté à des butées transféro-contre-transférentielles, au sein de cures avec des adolescents en grandes difficultés de subjectivation, peut être amené à aménager le cadre de la thérapie en recevant ponctuellement les parents avec leur adolescent. Dans cet espace pluri-dimensionnel, il s’ouvrirait à la possibilité d’être « surpris », transformé dans son fonctionnement psychique en vue d’une relance de sa fonction subjectalisante auprès de l’adolescent.
Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 63-66.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7