Les manifestations des souffrances psychiques adolescentes à l’école prennent souvent la forme de violences verbales, la plupart banalisées par les jeunes et décriées par les professionnels. À partir d’une recherche menée auprès de chefs d’établissements cet article interroge la fonction défensive de cette banalisation à la fois comme mise à distance de la force du pulsionnel, expression d’une préoccupation narcissique et traitement psychique de l’effraction pubertaire et de la question identitaire. Les dispositifs d’atelier à médiation sont présentés comme occasion de traiter autrement ces questions, sur un mode plus ouvert à soi et aux autres.
L’adolescent cherche à construire une langue qui témoigne de sa révolte. Toutefois, les exigences du code inhérent à tout parler le contraignent à l’organisation de règles sophistiquées dont on aurait tort de croire qu’elles constituent une ruine de la langue classique. Il s’agit d’un travail sur les normes qui interroge les processus de création nés de la révolte et de l’excès.
Travail autour d’une clinique d’agressions sexuelles vécues à l’adolescence, dans l’effroi et la sidération suite à l’effraction. À partir d’un retour sur la question de la reviviscence propre au syndrome de répétition traumatique post-traumatique l’accent est mis sur l’hypothèse d’une période de latence traumatique. Le processus traumatique alors prédominant mettrait hors-jeu le travail de réaménagement, de liaison, de symbolisation du sujet.
De telles agressions et leur devenir psychique figé mais actif, caractérisé par le retour de l’identique, peuvent-ils être articulés avec les registres fantasmatiques propres à l’adolescence et à la transformation du corps pubertaire ? Ou avons-nous à faire à deux corps étrangers internes œuvrant pour leur propre compte et attaquant le sujet alors pris entre le marteau et l’enclume ?
Le contexte psychopathologique de l’anorexie mentale chez l’adolescent met au premier plan la prise en compte du corps à la fois dans sa réalité effective, mais aussi au niveau des représentations dont il vient faire l’objet. Un certain nombre de troubles de l’image du corps peuvent dès lors être décrits et pensés comme des formes de solutions symptomatiques au travers desquelles l’adolescent anorexique vient essayer d’assurer des bases narcissiques mal établies et parfois très fragiles. La thérapeutique doit ainsi prendre en compte cette dimension pour permettre la résolution de ces troubles. Le psychodrame psychanalytique, appliqué à une cohorte de patients souffrant de ces troubles, nous servira ici de support méthodologique pour mettre en exergue les éléments de cette problématique. Seront aussi discutés les effets thérapeutiques de l’utilisation de cette technique au travers d’un certain nombre de leviers (analyse des éléments corporels du contre-transfert, dynamique du toucher, utilisation du double et figurations corporelles).
Cet article constitue pour nous l’occasion de présenter et d’interroger un dispositif de médiation corporelle à destination d’adolescents hospitalisés dans une unité de pédopsychiatrie. Il s’agira de montrer comment la proposition d’utiliser des tissus et le mime, comme espace de mobilisation du corps, peut constituer un support à la subjectivation et à la transformation psychique, tout spécialement à cette période-là de la vie.
Freud aborde le fantasme de fustigation « on bat un enfant » comme faisant partie de la dynamique psychique de tout individu. Il se manifeste à la fin de la période infantile et est issu de remaniements psychiques rythmés par trois phases. Une réécriture de ce fantasme émerge lors de l’adolescence. Frapper le parent est considéré comme la mise en acte de ce que tout adolescent fantasme : « Je bats mon parent ». On comprend que les phases surviennent de façon télescopée, toutes au même moment, portées par la flambée pubertaire. Chacune vient marquer un mouvement différent d’élaboration de la séparation d’avec les figures œdipiennes. La réémergence de ce fantasme à l’adolescence vient déborder le système de pensée, laissant coexister de forts désirs œdipiens tout en punissant un autre de ne pas les avoir arrêtés.
Partant du suivi thérapeutique individuel d’une jeune patiente de treize ans, Clémentine, nous explorerons les retentissements que peut avoir un lien sororal trop fort, et la façon dont il s’avère parfois être un frein au processus de séparation-individuation. Porté à son comble dans le fantasme de gémellité, il en découle un Moi aux contours imprécis, et une poursuite de la relation potentiellement délétère pour un sujet au narcissisme fragile. Indifférenciation des corps et des appareils psychiques, l’anorexie vient faire éclater cette bulle spéculaire, lorsqu’un seul des sujets atteint une puberté physiologique. Dans l’espace de séparation physique et psychique qu’offre le cadre de l’hospitalisation, les entretiens cliniques nous éclaireront sur les modalités de ce passage d’un double vers un soi, et nous aideront à réfléchir sur les enjeux et les limites de la mise en place d’un travail de subjectivation.
Le processus d’« adultisation » est une étape développementale particulièrement périlleuse, en ce qu’elle fait suite à l’envahissement pulsionnel pubertaire qui nécessite une médiatisation opérante dans la confrontation au réel et au social.
À partir de la clinique de l’actualisation somatique, qui témoigne de la précarité des ressources mentales face à un conflit psychique, et s’accompagne dans certains cas de la mise en œuvre d’une défense caractéro-comportementale, constitutive du handicap somatopsychique, mais susceptible de permettre de contre-investir les effets d’un trauma archaïque, nous proposons ici d’interroger les problématiques de l’excitation corporopsychique, et de discuter du concept d’(ab)négation comme mécanisme défensif spécifique, distinct des autres formes classiques de négation défensive.
À partir tant de la biographie que de l’œuvre poétique et des lettres d’Afrique d’A. Rimbaud, l’auteur propose trois hypothèses : premièrement, dans une première partie de sa vie, celle poétique, l’écriture de Rimbaud lui servit de déflexion et réfraction à la psyché afin de créer un espace tiers que le père ne sut/put occuper face à l’omniprésence maternelle. Dans la deuxième partie de sa vie se fut la vie en Afrique, lieu où avait vécu le père et « le droit de s’en aller » (Baudelaire) qui servirent cette « modalité déflexive », forme de « subjectivation-action » qui est le propre de l’adolescence. Deuxièmement, nombre de pièces poétiques d’A. Rimbaud furent, comme P. Aulagnier le montra ailleurs, autant de projections d’une reconstruction du passé sur l’avenir, opérations indispensables au narcissisme adolescent. Troisièmement, le mouvement mélancolique propre à la construction subjective adolescente trouve dans l’écriture poétique (génialement chez A. Rimbaud et habituellement chez les autres pubères, y compris dans les chansons) un objet évanescent et toujours à retrouver, compulsionnellement, dans et par un « travail d’écriture » confrontant celui-ci au « travail de mélancolie » de l’objet primaire perdu.
Ce texte regroupe des travaux antérieurs d’orientation diverses pour mieux définir la sublimation pubertaire. Celle-ci constitue un ensemble de processus engageant l’expérience pubertaire vers la subjectalisation et l’objectalisation adolescentes. Elle s’exprimerait à un niveau archaïque par l’interprétation que l’infantile élargi porte sur les traces pubertaires. À un niveau secondaire, elle préside à la construction des idéaux d’adolescence. Si la subjectalisation est en fait une intersubjectalisation, on peut parler de co-sublimation trouvant ses origines dans l’état d’illusion et de désillusion pubertaires. Le sujet parental de transfert en est le porte-parole. Maître processus de la création adolescente, la sublimation y serait organisée par la pulsion d’emprise du Moi et de ses idéaux tels qu’ils se remanient entre infantile et adolescence.
Adolescence, 2011, T. 29 n°4, pp. 895-912.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7