Dans cet article je souligne les difficultés auxquelles les adolescents sont confrontés alors qu’ils essayent de parvenir à la séparation d’avec l’objet. Même pour les individus qui vont bien, ce processus est long et conflictuel, entraînant un état interne insoutenable, qui est déclenché par le sentiment de perte d’objet.
Se sentir seul à l’adolescence est la conséquence non pas d’un retrait d’amour de la part de l’objet, mais plutôt d’un processus incontournable à l’intérieur de l’adolescent qui, de façon progressive, retire les investissements libidinaux des objets primaires pour les transférer sur de nouvelles relations adultes. Ainsi, un sentiment profond « d’être » vide, ressenti par beaucoup d’adolescents, est associé à ce processus. Les défenses mobilisées pour combler ce vide sont de caractère maniaque, y compris l’acquisition compulsive des objets de remplacement (e.g., musique téléchargée sur Internet, jeux vidéo, nourriture, vêtements, chaussures, etc.) ainsi que la consommation excessive d’alcool, de drogue et de cigarettes. Toutes ces défenses semblent témoigner d’une tentative régressive, relevant d’un registre oral et des processus primaires (souvent cyclique, rythmée par des mouvements « d’incorporation » et « d’expulsion »), pour tenter de transformer la dépression et le sentiment d’être seul en allégresse, et de trouver répit dans des activités fondées sur le principe de plaisir. J’ajouterai que, bien que les causes de ce sentiment d’être seul soient complexes, il fait partie des nombreux éléments qui sont à l’origine de la promiscuité sexuelle, des troubles d’alimentation et des symptômes de scarification et d’auto-mutilation.
Adolescence, T. 31 n°1, pp. 195-216.