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Thomas F. Barrett : défenses maniaques contre la solitude à l’adolescence

Dans cet article je souligne les difficultés auxquelles les adolescents sont confrontés alors qu’ils essayent de parvenir à la séparation d’avec l’objet. Même pour les individus qui vont bien, ce processus est long et conflictuel, entraînant un état interne insoutenable, qui est déclenché par le sentiment de perte d’objet.

Se sentir seul à l’adolescence est la conséquence non pas d’un retrait d’amour de la part de l’objet, mais plutôt d’un processus incontournable à l’intérieur de l’adolescent qui, de façon progressive, retire les investissements libidinaux des objets primaires pour les transférer sur de nouvelles relations adultes. Ainsi, un sentiment profond « d’être » vide, ressenti par beaucoup d’adolescents, est associé à ce processus. Les défenses mobilisées pour combler ce vide sont de caractère maniaque, y compris l’acquisition compulsive des objets de remplacement (e.g., musique téléchargée sur Internet, jeux vidéo, nourriture, vêtements, chaussures, etc.) ainsi que la consommation excessive d’alcool, de drogue et de cigarettes. Toutes ces défenses semblent témoigner d’une tentative régressive, relevant d’un registre oral et des processus primaires (souvent cyclique, rythmée par des mouvements « d’incorporation » et « d’expulsion »), pour tenter de transformer la dépression et le sentiment d’être seul en allégresse, et de trouver répit dans des activités fondées sur le principe de plaisir. J’ajouterai que, bien que les causes de ce sentiment d’être seul soient complexes, il fait partie des nombreux éléments qui sont à l’origine de la promiscuité sexuelle, des troubles d’alimentation et des symptômes de scarification et d’auto-mutilation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 195-216.

Nicolas Georgieff : l’adolescence à l’épreuve de la neurobiologie ?

L’éclairage « cérébral » de l’adolescence permet de montrer que se joue à cette période un processus complexe d’interaction entre l’environnement et l’organisation cérébrale capable de remodeler celle-ci en fonction de nouvelles contraintes, tant extrinsèques qu’intrinsèques. Social, psychologique et biologique interagissent, le cerveau prenant en quelque sorte l’empreinte à la fois des changements du monde extérieur et des contraintes psychologiques propres au processus adolescent lui-même. L’adolescence illustrerait ainsi, de manière presque caricaturale, un mécanisme adaptatif continu, qui pourrait nous aider à penser d’autres périodes majeures de changement durant la vie.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 185-190.

Jacques Dayan : pour une nouvelle épistémologie

Les neurosciences peuvent-elles conduire à une nouvelle métapsychologie de l’adolescence ? L’article de N. Georgieff, nous conduit à nous interroger sur les concepts de complémentarité et d’intégration, le premier particulièrement développé par G. Devereux. Il emprunta aux domaines essentiels aujourd’hui, des interrogations sur la nature de la théorie suscitées par le développement de la physique quantique et relativiste.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 181-184.

Gilles Raveneau : contribution des rites à la suppléance familiale

Partant d’une recherche ethnographique dans deux Maisons d’enfants à caractère social (MECS), cet article interroge la manière dont le rite et la ritualisation peuvent contribuer à la suppléance familiale. On examine les conditions favorables à l’apparition et à l’utilisation des rites et l’on observe comment ils peuvent être des outils possibles d’inclusion et de participation sociale, associés à la production d’une culture morale et éducative. On fait l’hypothèse que la psychologisation « sauvage » des problèmes par les professionnels et le recours quasi exclusif aux psychologues cliniciens comme régulateurs des difficultés dans ces institutions tendent à sous-évaluer l’intérêt et l’efficacité des rituels, au profit de la seule « clinique de la parole ».

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 169-179.

Maryline Nogueira-Fasse : du rite de passage à l’inscription de soi

L’article porte sur une recherche menée en Sciences de l’éducation dans une démarche clinique à orientation psychanalytique, dans le cadre de la formation des enseignants(es). Celle-ci est envisagée sous l’angle d’une crise identitaire professionnelle nécessitant un passage vers un « devenir enseignant » qu’une ouverture à l’anthropologie a permis de mettre en perspective avec les rites de passage. Il sera proposé d’envisager des liens entre la marque corporelle du rituel et « l’inscription de soi » dans un travail d’écriture clinique.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 161-167.

Danielle Hans : le cadre institutionnel dans ses rapports à la transgression et à la Loi

L’analyse d’une courte séquence d’un entretien non directif avec un jeune adolescent conduit l’auteure à considérer le cadre institutionnel comme une instance de réflexivité, dont la fonction de limitation du désir n’est pas un contrôle sur le sujet mais plutôt un moyen de l’aider à se sortir des déterminations psychiques qui l’aliènent. 

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 153-160.

Eric Chauvier : l’inconscient de l’enquête, une expérience de savoir

L’observation de la souffrance humaine se fait souvent au moyen d’une distance obtenue par le déni d’états émotionnels qui, pourtant, apparaissent souvent déterminants à l’observateur. Cette contribution cherchera à vérifier cette hypothèse en prenant pour exemple une mission de recherche-action effectuée dans une institution accueillant des adolescents en rupture familiale. Fortement troublé par la voix étrangement désaffectée d’une adolescente, l’observateur se trouve contraint de renoncer au caractère distancié d’un régime habituel d’expertise. Ce n’est pas l’histoire de cette adolescente qui le trouble, mais ce qu’elle lui renvoie de son propre vécu familial, lequel se confond avec une démarche scientifique d’observation. Le retour vers cet « inconscient de l’enquête » constitue la base de ce que nous pourrions nommer une initiation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 145-152.

Françoise Hatchuel : investir et grandir : des rituels pour étayer le « Je »

À partir d’une définition du « faire grandir » comme modalité de soutien de la capacité à investir, l’article montre, à l’articulation de l’anthropologie et de la psychanalyse, en quoi les rituels traditionnels de passage à l’âge adulte peuvent étayer la constitution du « Je » et comment, lorsque le monde extérieur peine à fournir des certitudes symboliques, des espaces d’élaboration deviennent nécessaires pour assurer cette fonction.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 135-144.

Mathilde Girard : désolation de l’adolescence – métamorphose de la communauté

Ce texte propose d’interroger la place des expériences de l’adolescence à partir d’une réflexion historique et politique sur le sens de la communauté. Si la jeunesse fut toujours en première ligne dans les mouvements d’insurrection et d’émancipation de la civilisation, les désastres du XXe siècle ont imprimé leur marque sur les réalisations humaines et ont profondément perturbé le rapport de l’action au projet et la confiance en l’avenir. La violence de l’acte est en nous, jusque dans les formes extrêmes par lesquelles nous nous protégeons. Imaginer comment se rapprocher de l’adolescence et inscrire ses manifestations dans le rythme plus vaste des générations suppose de reconnaître cette atteinte et cette contradiction au cœur de la communauté, et de prendre soin, à tous les moments de la vie humaine, de la longue métamorphose dans laquelle nous sommes engagés.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 119-129.

Frédérique Gardien : alcoolisations et alcoolisme à l’adolescence : l.o.l. ?

La réticence spécifiquement française à interroger les alcoolisations adolescentes d’une part, un possible alcoolisme de l’adolescent d’autre part, obligent à une réflexion sur la réalité du concept d’économie addictive, lequel ne saurait être confondu avec celui de dépendance à un produit. Dans ces conditions, non seulement l’alcoolisme de l’adolescent ne relève pas d’une construction fantasmatique, mais il nous semble intéressant de questionner ces deux expressions de la consommation d’alcool comme une tentative d’échapper à l’emprise d’un mode de relation trop fusionnelle, ne donnant lieu qu’à la conquête d’une pseudo-autonomisation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 107-118.