À partir d’une recherche longitudinale portant sur les enfants et adolescents à haut potentiel, je souhaite évoquer le parcours de deux « nourrissons savants » devenus des « adolescents savants », et leur rapport à la traumatophilie et à la mort. Je développerai deux vignettes cliniques : l’une concerne l’enfance et l’adolescence de Blaise Pascal et sa passion mathématique ; l’autre est une étude longitudinale qui rapporte la passion amoureuse vécue par Ariane, une jeune fille surdouée rencontrée à huit ans et quatorze ans. Traumatismes par excès et traumatismes par défaut fabriqueront nourrissons et adolescents savants, ce sera ma première hypothèse. Ma deuxième hypothèse concerne le mouvement traumatophilique qui vient forcer, voire violenter le processus de séparation : chez l’adolescent savant, la passion amoureuse fait l’économie de la séparation.
Les auteurs abordent la problématique de la tentative de suicide d’une adolescente en lien à « une mère » défaillante dans sa qualité d’investissement, avec pour conséquence la constitution d’un trou dans la relation d’objet. La tension conflictuelle entre l’attrait objectal et la préservation narcissique a trouvé à s’exprimer par l’acte et le corps chez cette adolescente en grande souffrance identitaire.
Dans une tentative de colmater les brèches narcissiques provoquées par les défaillances de l’objet précoce, le recours à un objet d’addiction (violon) – entre accordage et accrochage –, a permis à cette adolescente d’éviter de se confronter à la perte, au vide en soi, et de mettre à distance tout autre investissement qui pouvait être menaçant pour son intégrité psychique. Les auteurs montrent comment une psychothérapie à médiation va favoriser l’engagement de cette adolescente dans un travail de troc et de deuil en appui sur la sublimation.
À la différence des vœux incestueux, les vœux de mort envers le parent de même sexe restent dans la sphère fantasmatique et ne sont pas destinés à trouver une voie de réalisation. Comment élaborer le meurtre symbolique d’un père décédé accidentellement, investi d’une intense ambivalence avant sa disparition ?
C’est la problématique rencontrée par Paul, jeune homme de dix-neuf ans ; les extraits de sa psychothérapie montrent notamment comment le maintien de l’idéalisation d’un père devenu une icône contribue à l’impossibilité d’élaborer cette perte.
L’adolescence, transition à la dynamique habituellement constructive depuis le monde de l’enfance à celui de l’âge adulte, est parfois source de fragilités de par les remaniements pubertaires inhérents et la réactualisation d’une émergence pulsionnelle mise auparavant en sommeil. Ce mouvement n’est pas toujours porteur de la vitalité attendue, en confrontant certains sujets à une impossible maturation, ouvrant la perspective du suicide comme issue à cette impasse évolutive. Un éclairage original de ce que Freud a pu développer au sujet des mécanismes sous-jacents de certaines conduites suicidaires est proposé ici à travers l’histoire d’une patiente dont la répétition des gestes suicidaires inscrira l’adolescence dans une tension entre un processus mortifère visant à sa destruction et une tentative de survie dans l’ultime réappropriation d’elle-même.
À travers les remaniements psychiques qu’elle préside, l’adolescence convoque le sujet pubertaire dans la double tâche de s’extraire des passions infantiles ainsi que de faire l’expérience de nouvelles modalités d’accomplissement pulsionnel. Afin de rendre compte de cette implication subjective spécifique au processus adolescentaire, les auteurs proposent le concept de « travail de l’adolescence ».
En se basant sur une vignette clinique, le présent texte développe les principales propriétés de ce travail de l’adolescence. Et ce, dans les circonstances d’une adolescence impossible en raison de l’enkystement d’une problématique archaïque au sein du fonctionnement psychique du sujet. Par le biais des opérations défensives mises en œuvre, telles que l’émergence délirante et la production artistique, le travail de l’adolescence est ainsi investigué dans le cas d’un envahissement maternel traumatique venant perturber la dynamique des enjeux identitaires.
À partir d’une clinique un peu particulière, faite de fragments et de rencontres improbables, avec un adolescent vivant une période marquée par des conduites à risque dans un contexte de violence avant de devenir un professionnel du ski « extrême », je propose d’aborder la question de la mort à l’adolescence, non à partir d’une réflexion sur la perte et le deuil, mais comme une figure essentielle de l’irreprésentable organisant des conduites et des pratiques à risque à l’adolescence. Dans cette approche, la mort réunit les figures de l’inéluctable et de l’aléatoire en confrontant à l’irreprésentable de sa propre mort. D’où une relecture de l’approche classique du risque à travers la notion de conduite ordalique, à valeur d’épreuve narcissique, au profit d’une approche où la prise de risque est considérée comme une tentative de mise en scène d’un rapport intime avec la mort, l’irreprésentable de sa propre mort. Cette dynamique prend corps dans une « clinique de l’instant » où ce qui se vit dans l’acte ne trouve pas son issue dans la réalisation de cet acte. Il s’agit alors d’une tentative confuse d’exprimer, en l’éprouvant, un vécu resté en errance.
L’amour et la mort, au lieu de s’opposer, se rencontrent parfois à l’adolescence. Dans Léonce et Léna, de G. Büchner, les héros adolescents éponymes évoquent la mort et les représentations qui lui sont associées, l’enfant mort ou le suicide, au moment où ils se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre. La mort symbolise et condense la menace de perte que fait surgir la découverte de l’objet génital. Elle est convoquée par l’adolescent pour « refroidir » et contre-investir une pulsionnalité dont il redoute la coloration incestueuse.
L’auteur analyse le mécanisme de la construction suicidaire à l’adolescence. Cette conduite est un avatar du fantasme initiateur du retour l’originaire à l’adolescence : l’auto-engendrement en présence d’au moins un autre et son inverse l’auto-destruction en présence d’au moins un autre. Il montre comment l’adolescent convoque l’intrus dans sa dynamique psychique scénalité/obscénalité en confrontant au moins un autre à l’effroi de la mort. Si l’autre ou les autres effrayé(s) demeure(nt) présent(s) l’adolescent peut penser que malgré l’effroi intrusif qui l’habite il demeure humain. Dans le cas contraire, la conduite suicidaire ou meurtrière peut intervenir. L’entrée dans l’adultité nécessite que l’adolescent se confronte à une mort nécessaire, celle qui l’inscrit comme mortel dans l’humanité, et à une mort suffisante pour qu’au-delà des objets d’amours infantiles éternels, il puisse investir des liens de désir par rapport à des objets d’amour périssables.
L’adolescence est un moment de grande vulnérabilité identitaire en raison des bouleversements internes provoqués par l’irruption du réel pubertaire et des conséquences sur son économie psychique. Cette opération identitaire ne peut se concevoir sans une rencontre incontournable pour tout adolescent avec la question de la mort et son issue.
L’auteur tente d’interroger comment dans une société actuelle mélancoliforme, l’adolescent, en proie au spleen baudelairien, met à l’épreuve ses capacités à survivre à cette expérience de confrontation à la mort dont dépend son devenir psychique de futur adulte.
L’auteur propose une théorie de l’adolescence fondée sur la nécessaire révolution subjective introduite par l’émergence de la potentialité orgasmique liée à la maturation biologique de la puberté. Mais celle-ci est d’abord vécue passivement car « imposée » à l’adolescent par la biologie. C’est dans le travail de réappropriation subjective auquel l’adolescent est alors conduit qu’il faut situer le rapport de l’adolescent à la mort et aux différentes formes que la rencontre avec celle-ci produit. Confronté à la question de la mort, l’adolescent va mobiliser les potentialités de l’agir pour tenter de différencier les registres psychiques menacés de confusion par les aléas de cette rencontre et tenter d’introduire des limites en s’étayant sur celles du corps.
Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 241-252.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7