Tous les articles par Admin

Gérard Bonnet : l’exhibitionnisme rituel en question

Est-ce que le rite doit obligatoirement s’exhiber, au risque de provoquer ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions et d’entraîner des violences ? Avant de répondre à la question, il faut d’abord rappeler que le rite est une pratique sexuelle au sens où la psychanalyse entend la sexualité. Il est à la sexualité idéale, ce que le coït est à la sexualité génitale, et le plaisir de type oral ou anal à la sexualité prégénitale ou pulsionnelle. C’est pourquoi la pratique symptomatique qui se rapproche le plus du rite collectif et qui est le plus à même de l’éclairer en profondeur, ce n’est pas la pratique obsessionnelle, ou le comportement des masses, c’est la pratique perverse. Les analogies entre elle et le rite sont en effet frappantes, et bien des excès rituels équivalent à des formes de perversion : c’est le cas pour l’exhibitionnisme dont il est  tant question aujourd’hui. La façon la plus sûre d’éviter de tels débordements, c’est de pousser à bout la comparaison entre les deux pratiques, et de rendre le rite à sa signification propre qui est d’être une parole enchâssée dans une pratique codifiée.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 519-528.

Vincent Cornalba : l’adolescent converti

L’objet de cet article est l’étude du travail de conversion dans la dialectique portée par tout phénomène rituel. L’obligation est faite au sujet de changer, mais sans pour autant oblitérer la décision qui lui revient. L’auteur aborde l’effet de conversion comme une part active à l’égard de laquelle tout sujet confronté au rite est tenu de se prononcer. La conversion se manifeste à travers la recherche d’une autre façon de dire, susceptible de traduire à la fois la correspondance et l’écart existant entre la promesse d’un nouveau statut et le postulat de bases subjectales immuables. Car pour que la conversion permette au rite d’opérer, il faudrait conjointement un effet de chute avec, concurremment, le passage au crible d’un certain rapport à soi-même et au monde.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 509-518.

François Pommier : le rite, un état de suspension à l’adolescence

Après avoir rappelé la définition du rite non seulement du point de vue anthropologique mais aussi psychanalytique et à l’articulation entre ces deux aspects, l’auteur de cet article cherche, d’abord d’une manière générale puis en se rapportant plus particulièrement aux processus adolescents, à faire la distinction entre le rituel et le rite. Il rapproche le premier de la conservation et de la déliaison, alors qu’il situe le second du côté de la dépressivité et de la subjectivation avec un appel à la progression dans un entre-deux temporel. Le rite se présente essentiellement du côté de la fonction symbolique, comme une solution d’attente, une plage de réassurance qui du point de vue dynamique comporte une dimension ludique à travers la volonté de rompre avec des mécanismes répétitifs. Le rite, à la jonction entre temps circulaire et temps linéaire apparaît comme un état « métastable » qui ne cherche pas tant à faire sens qu’à éviter une sortie trop brutale du monde de l’enfance.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 495-508.

Alexandra Triandafillidis : stratégies d’immortalité

La création et l’investissement d’une image de soi à venir semblent nécessaires, à l’adolescent et à l’adulte, pour être (considérés comme) « normaux ». Autrement dit, ce qu’il est convenu d’appeler « projet » a un rôle central dans la vie psychique.

Ce travail se propose de montrer que, si le projet est toujours à considérer comme « stratégie d’immortalité », sa fonction se trouve radicalement modifiée par la rencontre de l’adolescent avec le « mortifère » de la mort.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 443-460.

Marie Windels : les blogueuses pro-ana. des idéologues de la maigreur sur internet

Les blogueuses pro-ana, communauté de jeunes femmes, échangent leurs méthodes d’amaigrissement et partagent leur combat contre la nourriture via Internet. Leurs blogs ont déclenché l’émoi de l’opinion publique, provoquant la promulgation d’une loi en avril 2008. Nous verrons que ces blogs, bien qu’incitant à la maigreur, ne sont pas tant créés par des jeunes femmes cachexiques que par des personnes installées dans l’anorexie/boulimie. En produisant un blog pro-ana, elles demandent d’une part, à être soutenues pour repousser leurs accès boulimiques et d’autre part, à être reconnues pour leur appartenance à une communauté.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 433-442.

Béatrice Vandevelde : corentin, ou tuer le père pour survivre

À partir de la présentation du cas de Corentin (quatorze ans) et de son analyse psychanalytique, l’article témoigne de l’intérêt que peut offrir un groupe thérapeutique comme la médiation théâtre.

Malgré un suivi de longue date en CMPP, les thérapeutes sont inquiets pour Corentin et redoutent une cristallisation de sa personnalité sur un versant psychotique. Il se sent persécuté par tous et plus particulièrement par son père, son travail psychique s’essouffle et ses relations sociales avec ses pairs se dégradent.

Pour donner une nouvelle impulsion à sa prise en charge il lui a été proposé de participer à un groupe à médiation théâtre. À travers des jeux d’improvisations, Corentin expérimente l’identification au père et accomplit son meurtre imaginaire. Progressivement, il s’ouvre à la dimension symbolique de ce meurtre grâce au cadre du groupe thérapeutique et au travail d’élaboration engagé. Ce jeune adolescent se relance dans son travail psychique, renoue avec la réalité et crée de nouvelles relations sociales avec ses pairs.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 421-432.

Laurie Laufer : le suicide à l’adolescence : édouard levé, anatomie d’un suicide

Un suicide est un acte énigmatique. C’est un acte hors sens, in-sensé. Qu’est-ce qui fait qu’un sujet ne peut sortir de l’aporie de l’alternative : « la bourse ou la vie » ? Comment dépasser la question de ce choix impossible ? L’être ou le sens ? É. Levé s’est suicidé après avoir écrit un livre qui s’est intitulé Suicide et qui relatait le suicide d’un de ses amis d’adolescence. À travers son livre il tente d’éclairer le mystère même de l’existence et du double qui rejaillit comme un écho imaginaire. Ne serait-ce pas d’ailleurs l’une des questions du suicide ?

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 409-419.

Christine Condamin : figures d’adolescents martyrs et meurtriers chez mishima yukio

L’auteur propose la mise en correspondance des nombreux adolescents martyrs et meurtriers de l’œuvre de l’écrivain Mishima avec sa vie, amenant une réflexion sur le masochisme et le sadisme compris comme l’après-coup d’expériences traumatiques précoces. Tant que Mishima a réussi à sublimer en réalisant une œuvre littéraire, le masochisme a pu être utilisé comme « gardien de vie » dans une tentative de dépassement du trauma et dans l’après-coup, porteur d’un message qui cherchait à s’élaborer, cependant l’écrivain semble avoir été ensuite débordé par le potentiel de destruction des pulsions de mort désintriquées, emporté par un masochisme mortifère jusqu’à faire œuvre de disparition, sans avoir pu panser les blessures narcissiques primordiales, ni la carence d’objet primaire.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 393-407.

David Le Breton : le goût de la syncope : les jeux d’étranglement

La quête du vertige, pouvant aller jusqu’à la syncope est une constante des activités adolescentes sous des formes ludiques (glisse, saut en élastique, etc.) ou douloureuses (alcoolisation, toxicomanie, etc.) mais on la retrouve aussi sous la forme des jeux d’asphyxie, où la syncope est délibérément recherchée. Cet article en propose une analyse anthropologique.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 379-391.

François Sauvagnat, Pierre Bonny : un cas particulier de « pari » à l’adolescence : quelques aspects de la prise de risques vis-à-vis du VIH chez des adolescents et jeunes adultes gays

Des entretiens semi-directifs puis libres proposés à des sujets utilisant des sites de rencontre gays ont permis de repérer un certain nombre de particularités des types de paris inconscients, engageant leur fantasmatique propre ainsi que l’histoire familiale, concomitants de la prise de risques ayant conduit à une infection par le virus HIV. Ces entretiens ont également permis à certains des sujets les ayant acceptés un meilleur repérage de leurs choix vitaux, et une relativisation des conclusions ayant déterminé partiellement leur prise de risques.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 361-377.