Tous les articles par Admin

Alessandro Cogerino : la construction de l’avatar sur second life : un jeu de contraintes entre la réalité et la société virtuelle

L’idée de représentation de l’humain par des personnages fictifs constitue l’un des fondements de la culture indo-européenne et trouve une nouvelle expression grâce à Internet et au développement des mondes virtuels. L’avatar, représentation numérique d’un « joueur » réel, défraye la chronique des dernières années principalement grâce au succès de Second Life, le plus célèbre de ces univers.

Le mode de construction de l’avatar exprime le compromis existant entre la liberté d’expression offerte par le virtuel et l’émergence de structures sociales propres aux êtres humains.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 621-629.

Elizabeth Rossé : la figure de l’avatar dans la construction identitaire contemporaine

Les témoignages des joueurs abusifs de jeux vidéo invitent à s’interroger sur la condition humaine : comment se forger une identité et construire un itinéraire dans les « sociétés de l’instant », caractérisées par l’incertitude et l’indétermination ? Le désir de reconnaissance s’accomplit dans de nouvelles structures intersubjectives qui commandent jusqu’au processus d’autonomisation des individus. Point d’orgue de la culture de l’image et de l’interactivité où le corps occupe une position toute particulière – disparu en chair mais aux commandes de l’avatar, corps de pixels – les jeux vidéo, en offrant la possibilité de vivre des expériences avec les autres, apparaissent comme un lieu propice à la fabrique d’identité.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 611-620.

Gilles Deles : figures anthropologiques et culturelles dans l’univers du jeu world of warcraft

L’univers du populaire jeu en réseau World of Warcraft, se caractérise  par l’originalité des références culturelles qu’il emploie et recompose, mais aussi par l’utilisation virtuelle de la pensée animique. Ces composantes anthropologiques de mana, d’animal totem, de démons étaient jadis vecteurs de crainte et de distance sociale comme tenait à le démontrer Freud dans Totem et tabou. Elles sont à présent l’objet d’un usage courant pour l’avatar du joueur, dans l’espace virtuel. De même la science et la technique y occupent un statut particulier qui s’apparente aux usages antiques de la métaphysique présocratique. L’analyse de ces dimensions symboliques et des considérations éthiques en jeu donne des clefs pour mieux comprendre ce qui retient l’intérêt du joueur quant à son avatar, et qui sont autant d’outils pour l’adulte et le thérapeute.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 601-609.

Serge Tisseron : l’ado et ses avatars

L’avatar peut être réduit à une sorte de logo ou enrichi d’un grand nombre de détails personnels. Il fonctionne dans les espaces virtuels pour son possesseur comme une seconde peau, et pour ses interlocuteurs comme un assemblage d’objets partiels. Ni totalement réel, ni totalement imaginaire, l’avatar introduit à un nouvel espace dans lequel l’interlocuteur est à la fois présent et absent d’une façon qui peut engager soit sur le versant de la consolation, soit sur celui de la frustration.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 591-600.

Eric Toubiana : le jeu du saute-camion

« Le jeu du saute-camion » est une des scènes les plus troublantes d’un film de S. Kubrick, Orange mécanique. Le titre de ce film sorti en salle à la fin des années 60 pouvait déjà intriguer. Orange mécanique n’a rien perdu de ce qu’il était en 1969 : un reflet étrangement moderne d’une dystopie de l’humanité. Mieux, Orange mécanique se révèle être plus d’actualité que jamais. Nous y voyons ce malaise psychique non contenu et ne trouvant que les rues de la cité pour pouvoir, non pas dire mais, montrer et agir les impasses dans lesquelles le sujet est enfermé.

Le spectacle de ce film, et plus encore d’une de ses scènes : « Le jeu du saute-camion », permet de percevoir que la notion de risque, celle du Rizikon grec, permet d’élargir plus encore l’analyse métapsychologique du phénomène de l’addiction. Le Risqueur, ou les « risqueurs » seraient ceux qui illustreraient de manière exemplaire la définition freudienne de la pulsion. La retrouvaille de la tension vaut, nous en posons ici l’hypothèse, bien plus que l’assouvissement de la tension, du moins chez les sujets qui se placent dans une position de dépendance aussi mortifère qu’indispensable au maintien d’une homéostasie vitale…

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 487-495.

Christian Mille, Daniel Sibertin-Blanc, Thomas Henniaux : impact et impasses du « politique » dans les institutions soignantes pour adolescents en souffrance

L’incidence croissante parmi les adolescents des troubles du comportement, des conduites à risque, de l’appétence addictive, de la dépression, des gestes suicidaires signe une entrée en force dans la pathologie des liens et de la dépendance. Les politiques ne sont pas aveugles et sourds à cette problématique et à ses enjeux vitaux pour l’avenir de tous. Ils en ont pris conscience depuis plus d’une vingtaine d’années, en faisant de l’adolescence une priorité de santé publique. De nouvelles idées ont ainsi émergé, libérant des espoirs et des initiatives novatrices, mais confrontant aussi à des difficultés et à des échecs. L’expérience d’une Unité de psychiatrie d’adolescent nous montre de façon exemplaire les limites d’une politique « réglementée » en matière de soins psychiques pour adolescents sur un registre « limite ». Les contraintes administratives liées à des réglementations désuètes ou à de nouvelles recommandations censées promouvoir les bonnes pratiques nuisent paradoxalement à leur mise en œuvre. On ne saurait pourtant sous-estimer, la valeur défensive des tâches et du discours administratif, comme le poids de certains courants de pensée dénigrant les fondements psychodynamiques du « soin relationnel ». Le risque pourrait être lié à l’irrésistible montée en puissance du « modèle technocratique » qui se présente comme une nouvelle utopie, ignorante de son inscription dans le courant de pensée « positiviste », et du subtil usage que peuvent en faire les pouvoirs en place. Cependant, à n’en pas douter les « psychistes », par leurs interventions directes et leur « pratique interstitielle » (Roussillon, 1991) devraient garder une place déterminante dans l’institution soignante qui ne saurait se passer de leur vigilance aux « impensés » de la structure, aux passions éphémères qui la traversent comme aux stratagèmes défensifs auxquels elle ne manque pas d’avoir recours.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 469-485.

Bernard Golse : 4 ans après l’expertise collective inserm sur le « trouble des conduites »

Quatre ans après l’expertise collective de l’INSERM sur le « Trouble des conduites » qui avait suscité un vif émoi chez les professionnels, et donné naissance au collectif « Pas de 0 de conduite », la situation actuelle est loin d’être rassurante. La direction générale et les structures de recherche de l’INSERM ont été renouvelées dans un sens peu favorable à la Psychiatrie, et l’expertise collective sur les troubles des apprentissages n’a pas démontré que l’INSERM avait réellement intégré la nécessité de repenser la structure même de ces expertises collectives dans le champ de la santé mentale. On assiste, par ailleurs, aujourd’hui à la relance du dépistage à la crèche des soi-disants futurs délinquants, ainsi qu’à une attaque en règle contre l’école maternelle et les RASED. Tout ce mouvement de biologisation de la pensée menace les plus vulnérables et fait courir de grands risques quant à la place des sciences humaines dans notre culture et dans nos universités.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 461-467.

Béatrice Mabilon-Bonfils : l’adolescent face à la relation d’emprise scolaire : entre adaptations secondaires et arrangements ordinaires

L’article étudie l’hypothèse d’un désir d’emprise au cœur de toute relation pédagogique, et la relation d’emprise, quelle que soit la modalité qu’elle revêt, représente une véritable formation défensive, permettant d’occulter le manque dévoilé par la rencontre de l’autre. De ce scénario, se dégagent des règles communes à toutes les relations d’emprise : l’instrumentalisation de l’autre et l’impossibilité pour celui-ci de rompre le cycle d’échange dans lequel il donne plus qu’il ne prend, la rupture étant construite comme de l’ordre de l’injustifiable et supposant un passage en force, un acte de rébellion ou de violence. Comment les adolescents se maintiennent-ils comme sujets désirants dans l’école ? Comment échappent-ils à la relation d’emprise ? Dans sa relation ambivalente à l’autorité qu’ils construisent, quelles stratégies mettent-ils en œuvre ? Le questionnement articule l’interrogation philosophique et le regard sociologique.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 447-459.

Emmanuel Diet : perspectives critiques sur l’adolescence, l’acculturation scolaire et la politique hypermoderne

Dans le contexte du néo-libéralisme et de l’effondrement des métacadres sociaux, le déni de la différence générationnelle met en crise la transmission culturelle à l’école par l’évitement des conflictualités identificatoires œdipiennes et l’attaque des organisateurs psychiques et culturels. Les souffrances, les violences et transgressions adolescentes sont à comprendre comme les symptômes et les conséquences de l’idéalisation politique de la perversion et de la régression à l’infantile dans le social-historique.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 431-445.

Véronique Le Goaziou, Laurent Mucchielli : contribution à l’analyse de la « violence des mineurs ». les affaires traitées par les juges des enfants

Cet article livre les premiers résultats d’une recherche sur dossiers judiciaires réalisée dans une juridiction de la région parisienne, sur les infractions à caractère violent commises par des mineurs. À l’issue de l’exploitation des dossiers traités par les juges des enfants, les auteurs proposent d’abord une typologie de ces violences juvéniles (violences « embrouilles », violences viriles, violences de voisinage, violences intrafamiliales) dont ils rappellent qu’elles se déroulent dans plus de 80% des cas dans le cadre de l’interconnaissance. Ensuite, les auteurs analysent quelques traits marquants du profil et du parcours des mineurs : leurs sexes et âges, leurs situations familiales, leurs lieux de résidence et leurs parcours scolaires. Dans leur conclusion, les auteurs expliquent que cette recherche révèle des violences de basse intensité, qui surviennent dans le cadre de l’interconnaissance, pour les motifs les plus divers et les plus classiques à l’âge adolescent, au terme de conflits qui ne semblent pas nouveaux mais qui sont de plus en plus judiciarisés dans notre société.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 415-429.