Espace ludique, onirique, créatif, l’Art constitue un médium malléable dont l’adolescence peut s’emparer pour traiter la crise identitaire et pulsionnelle qu’elle doit affronter. Sans urgence. « De biais. » Dans cette reconnaissance-méconnaissance propre au dynamisme de rencontre et de création de l’objet esthétique.
L’œuvre d’art est le paradigme d’une cure singulière, cure d’écriture, dont le thérapeute-maïeute, lui aussi médium malléable dans sa fonction d’étayage, se fait substitut transitionnel et transitoire de l’objet maternel primaire, dans sa fonction de pare-excitations.
L’effet en est un éprouvé de l’efficacité de ce jeu de liaisons-déliaisons-reliaisons préconscientes qui donnent au psychisme en crise la capacité de se faire progressivement autocontenant de ses représentations. Subjectivation de l’Unheimlich.
L’idole et l’icône sont deux concepts qui ont traversé l’histoire de la rationalité occidentale. Ils définissent deux façons de concevoir une image. Sur le premier repose le discrédit platonicien du simulacre, image trompeuse car détachée de son support. Le second, repris par la théologie chrétienne, confère une légitimité à l’image de culte car celle-ci renvoie à son prototype.
Les deux concepts sont ici appliqués à la question de l’identification à l’adolescence. Dans les premières rencontres avec ses objets, la psyché est rivée à ses idéaux, cherchant une ressemblance idolâtre, copiant les modèles.
La relation d’un cas clinique illustre l’hypothèse que les identifications obéissent à un autre processus: la métabolisation des images s’effectue lorsque la croyance transférée sur l’analyste permet à l’adolescent de se séparer des anciennes idoles en reconnaissant qu’il construit une relation, à l’intérieur de lui-même, à leurs images: l’icône psychique dans l’identification sera ainsi partie prenante de l’ipséité.
L’auteur étudie les manifestations et le rôle dans l’adolescence de l’expérience esthétique, affects et représentations, comme substitut et complément, en cas de défaillance, des « doubles » à valeur de « conteneurs » qui étayent et garantissent l’élaboration pubertaire et post-pubertaire de l’identité. Il considère en ce sens que l’expérience esthétique constitue un réceptacle de recours privilégié pour les angoisses identitaires les moins traitables, donnant, aux limites-mêmes du Moi, entre dehors et dedans, un statut spécifique à l’inquiétante étrangeté au sein d’une part de la réalité investie sur le mode perceptif.
A quelle esthétique nous renvoie le corps anorexique? Si la quête du beau ou la grandiosité du sublime ne semblent guère correspondre à l’esthétique anorexique, des accointances plus sérieuses peuvent être mises en évidence avec l’esthétique de la laideur. La séduction du laid renverrait, selon Murielle Gagnebin (cf. La fascination de la laideur) à la fois à une nostalgie de l’enfance et à la maladie de la temporalité sur l’homme. Des affinités étroites se trament donc entre la mort, le temps et la laideur. Le laid ne peut être simplement considéré comme l’envers du beau puisqu’en donnant à voir ce qui est généralement dissimulé ou sublimé, il nous fait côtoyer les rivages d’une sexualité régressive et perverse. L’esthétique de la laideur répondrait de la sorte au besoin impérieux de se familiariser avec les figures spectrales qui peuplent l’univers du narcissisme de mort. En ce sens, « l’en-deçà psychanalytique du laid » n’est pas sans apporter un éclairage nouveau sur le contenu et la tonalité des fantasmes anorexiques. Sur un mode similaire à l’esthétique de la laideur, l’esthétique onirique des anorexiques révèle les ombres étouffantes et asphyxiantes du narcissisme de mort derrière lesquelles s’agitent et grouillent des fantasmes où l’oralité cannibalique et les angoisses de dévoration se mêlent aux fantasmes de pénétration et de viol. Aussi, ces ogresses d’imagos et d’objets d’amour à jamais perdus ne semblent avoir à leur disposition que leur corps et la fascination à l’Autre qui en émane pour mieux en dénoncer l’emprise qu’exercent sur elles des spectres vampiriques incorporés en des temps immémoriaux.
Le passage à l’acte délictueux de l’adolescent peut être reconnu comme un acte de passage venant ponctuer la nécessaire transformation de l’image du corps propre dont découle le remaniement des images parentales. Le masochisme érogène y joue un rôle prépondérant, qui tend à substituer à des représentations d’objet inaccessibles un objet « déjà là », le corps de l’adolescent porteur de l’introject maternel. Le retournement de la pulsion sur soi-même et en son contraire lui offre un moyen de contenir l’excitation, un « self-control » fragile maintenant la liaison des pulsions agressives et libidinales, et transformant cet auto-érotisme négatif en masochisme moral. L’irréparable de l’acte fonctionne comme point de départ d’une subjectivation, où le Sujet peut s’approprier ses propres cassures, plutôt que de les attribuer projectivement au contexte relationnel.
La musique appelle une « esthétique guidée par le point de vue économique »: elle est art des variations de tensions (dissonances/consonances) dont les figures développent la reviviscence du « rudiment d’affect ». En clinique, « l’écoute opéra » de la voix est écoute de l’économique et aussi du point de vue esthétique auquel ne peuvent échapper ni contre-transfert ni transfert, que ce soit dans le pathos romantique ou l’antipathos minimaliste; au risque de la perversion esthétique déniant affect et objet. L’économie musicale mène à une esthétique particulière: celle du romantisme, de l’énergétique -c’est-à-dire celle de l’adolescence? Le point de vue économique serait-il rejeton de l’adolescence de Freud romantique?
La signature est un acte complexe qui participe de la trace et de son effacement. Entre mimétisme et affirmation de soi, elle permet d’aborder la question du nom chez l’adolescent. Par extension, nous explorons d’autres modes de signature à l’adolescence en interrogeant la pertinence de cette désignation : on est en droit de se demander s’il s’agit encore de signature. Qui signe à l’adolescence ? Dans quelles mesures les divers modes d’expression qui sont souvent des pratiques de l’écart viennent-ils « signer » quelque chose du sujet ? Surtout, ce travail tente d’illustrer la façon dont les fantasmes auto-fondateurs peuvent à la fois favoriser et entraver le travail de subjectivation, et partant, permettre ou non le passage.
Les relations entre le processus adolescent et le rapport au langage se jouent en particulier par un certain « remodelage » du langage au travers des inventions graphiques des adolescents et un nouvel investissement des formes écrites. C’est dans l’invention de sa signature que nous situons un acte essentiel de la ré-écriture de l’adolescent par lui-même, pour le dire autrement, dans l’acquisition d’un style. Il s’agirait d’interroger le statut en mutation du sujet dans son rapport à la signature articulée au nom propre. Cela implique sans doute de préciser la fonction monstrative de la signature et les effets de ses déplacements. Nous pourrions indiquer comme ligne de recherche l’étude de la valeur de signature des marques du sujet au travers de ses formations actuelles : les inscriptions sur le corps propre.
Peut-on parler de prévention en matière d’alcoolisations adolescentes, quand le risque d’alcoolisme est tout simplement réfuté durant cette période ? La dépendance à l’alcool existe pourtant chez les adolescents, et une véritable prévention ne se conçoit qu’en lien avec un questionnement plus vaste de la consommation d’alcool en France.
L’escalade du passage à l’acte autodestructeur survenant à l’adolescence est ici envisagée comme la répétition compulsive d’un trauma ou de micro traumas répétés, survenu(s) durant la petite enfance et qui a (ont) trait à l’absence de l’autre et au sentiment de vide qui en résulte. Les différentes fonctions que peut avoir cette compulsion de répétition sont examinées, notamment en lien avec la quête identitaire à l’adolescence. Finalement, l’auteur aborde la question du travail mental qui est attendu du clinicien dans le travail avec les adolescents chez qui ces enjeux sont présents, particulièrement lorsque la parole ne peut pas être utilisée à des fins de communication intersubjective.
Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 991-1001.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7