La théorie du conflit esthétique proposée par Donald Meltzer depuis 1984 renouvelle la compréhension de certains aspects du développement psychique dans la petite enfance, mais aussi à l’adolescence. La source métapsychologique de l’épistémophilie devient plus claire. La violence destructrice s’exerçant contre la beauté elle-même ou contre l’objet esthétique séducteur peut mieux se comprendre. L’auteur propose une interprétation dynamique de cette théorie qui le conduit à décrire ce qu’il appelle des « angoisses de précipitation et des angoisses d’emballement ». Il donne une illustration d’angoisse d’emballement tirée de la psychothérapie d’une préadolescente.
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Amine A. Azar: Le bon usage du matrimoine en psychopathologie
La notion de « matrimoine » paraît essentielle dans l’abord de l’identité féminine. Ce néologisme désigne la transmission entre femmes d’un certain nombre d’organisateurs de rôles (manières de dire et manières de faire) qui servent à la modulation du préconscient. On y signale une fracture intervenue au décours du XVIIe siècle, en deçà de laquelle le matrimoine avait présenté une quasi stabilité millénaire, et au-delà de laquelle une ère de turbulences relatives s’est ouverte. Après quoi on a illustré par deux exemples appartenant au domaine de la psychopathologie (le syndrome du fil à la patte et l’anorexie mentale) les effets délétères de l’instabilité et de la conflictualité du matrimoine au cours du développement de l’adolescente aujourd’hui.
Francois Richard: La littérature « adolescente » entre le beau et le laid
De nombreux sujets d’identité adolescente cherchent à conforter leur sentiment d’identité dans des tentatives de création marquées par le sceau de la négativité et l’idéalisation du laid. Mais la créativité y reste souvent au niveau d’une métaphorisation naïve et des signifiés thématiques.
Sont analysés les textes de Valérie Valère, adolescente, anorexique, écrivain et suicidée, qui rend compte de son passage, quasi initiatique, par l’expérience psychopathologique, dans une écriture typique d’une certaine métaphoricité habitée par l’obsession de la mort. Ceci introduit à des hypothèses sur la logique liaison-déliaison qui organise la littérature écrite par des écrivains d’identité adolescente et ayant pour thème la souffrance psychique spécifique de l’adolescence.
Jean-Michel Porret: Devenir de la sublimation et de l’ idéalisation
Cet article examine successivement: 1) les effets que le processus d’adolescence provoque, lors de la survenue de la puberté, sur les sublimations et les formations d’idéaux de la période de latence; 2) les risques les plus fâcheux auxquels ces effets peuvent conduire; 3) les issues les plus favorables résultant de l’élaboration de ces mêmes effets. Dans ce dernier cas, tant le dépassement de Œdipe génital de l’adolescence que la création de nouvelles sublimations ne pourraient être assurés par l’ensemble constitué par le surmoi, le refoulement et les identifications (masculines et féminines). Ils nécessiteraient encore l’intervention d’un type particulier de désinvestissement dont les modalités d’action sont étudiées.
Daniel Oppenheim: L’ adolescent cancéreux et la beauté
L’adolescent est soumis à la laideur qui vient du cancer et de sa mort possible. Retrouver la beauté du monde et la sienne propre lui est nécessaire pour sortir de l’aliénation à l’expérience du cancer et affirmer que la mort n’a pas imposé sa loi inhumaine, qu’il guérisse ou non. La quête de sa beauté se fait dans le désinvestissement des signes visibles du cancer, la redécouverte de son identité, dans les divers actes de création, dans l’affirmation de sa présence unique au monde. Il/elle ne peut l’accomplir seul(e). Nous devons, authentiquement, par le regard et l’écoute, découvrir sa beauté, et la nôtre.
Anne Tassel: Pour une esthétique de tag
Esthétique de dégagement, le tag interprète la rivalité et le différend; la problématique du beau ou du laid disparaît au profit de l’expression d’un sujet aux prises avec un objet qui lui échappe, au-delà du manque, vers une absence d’objet.
L’espace ouvert par le tag provoque ainsi à une variation du champ esthétique lui-même, piégé entre la précipitation pulsionnelle et l’art de la retenue, dont l’image est interprétation du nom, la lettre, interprétation de l’autoportrait, le style, interprétation du trait issu de la métonymie d’un désir singulier.
Noelle Franck: Image, rien qu’ une image: Fonction d’ une esthétique à deux dimensions dans l’ anorexie mentale de la jeune fille
Les jeunes filles atteintes d’anorexie mentale ont pour particularité de mettre en équivalence identité psychique et identité corporelle. Nous nous interrogeons, en référence aux travaux de D. Meltzer sur le « conflit esthétique », et à ceux de Sami Ali, sur ce que l’esthétique corporelle en particulier dans ses aspects de bidimensionnalité, peut éclairer des conflits intrapsychiques sous-jacents.
Jean-Marc Talpin: Narcisse et Pygmalion ou le décollement esthétique
Narcisse meurt de la contemplation de sa propre image ignorée comme telle, Pygmalion crée une statue afin d’éviter la rencontre adolescente avec son propre sexe et avec le sexe de l’autre mais il s’éprend de son oeuvre qu’il parvient à faire transformer en femme.
L’écart entre ces deux personnages met en jeu le décollement esthétique, les capacités de symbolisation à l’adolescence dans le registre des œuvres de culture et d’art; qu’elles soient créées ou reçues, elles offrent à l’adolescent, par leur matérialité et par leur structure propre, un cadre pour la mise en travail de ses processus psychiques. Cet écart interroge aussi la place des pulsions partielles à l’adolescence en référence à la sublimation et à la génitalité ainsi qu’à la bisexualité psychique.
Gérard Bonnet: Le bel adolescent
Le mythe de Narcisse est un mythe d’origine qui retrace l’origine des désirs visuels et de leurs avatars relatant comment chaque adolescent accède à la découverte de la beauté qui l’habite et à sa prise en compte. La légende de Marina rapportée et commentée par C. Louis-Combet dans son roman Marinus et Marina en est une autre illustration d’un point de vue féminin, en soulignant mieux encore le rôle nécessaire joué par les autres dans ce cheminement et ses deux moments essentiels: celui de l’intériorisation, au moment de la mort de la mère, en référence au père, et celui de l’appropriation proprement dite au moment de la mort du père, en relation avec une autre femme. Il en ressort que l’assomption de la beauté passe par celle du sexe propre et qu’elle suppose un cheminement à rebours vers une expérience esthétique première où la mère tient une place centrale.
Ce cheminement passe toujours par un croisement où surgit une épreuve plus délicate encore, celle de la rencontre avec l’autre sexe: pour supporter cette rencontre et en faire une épreuve féconde, il faut en passer d’une façon ou d’une autre par l’expérience du sublime. C’est pourquoi l’adolescent est tellement à la recherche d’expériences de ce type. C’est pourquoi aussi les dysmorphophobies sont chez lui si fréquentes, de même que certains traits hermaphrodites ou les divers comportements de travestissement. Ils témoignent des difficultés inhérentes à ce parcours ainsi que des détours qu’il entraîne. Surtout lorsque se produisent certains événements particulièrement perturbants: séparations brutales, deuils précoces, révélations intempestives sur les origines, etc. C’est pourtant en s’appuyant sur ces conditions spécifiques à chacun qu’on lui permet le mieux de se situer.
Roland Gori : La vérité à l’ oeuvre
Depuis Freud, la psychanalyse, tout en reconnaissant sa dette envers les poètes et les savants, joue en permanence les prérogatives des uns contre les privilèges des autres, et réciproquement, pour inscrire sa spécificité praxéologique dans les interstices des lieux traditionnels de la connaissance. La psychanalyse contribue ainsi à une interrogation tout à fait actuelle sur l’idéal de vérité et l’idéologie de la méthode dans les cultures modernes et post-modernes.