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Daniel Marcelli : psychose à l’adolescence

La notion de « schizophrénie » revient avec insistance dans les publications psychiatriques actuelles. Que signifie cette résurgence ? Dépister une maladie dès les premières manifestations symptomatiques, voire même avant, est une démarche d’autant plus justifiée qu’on dispose d’un traitement médicamenteux efficace. Mais peut-on réduire ainsi la question de la psychose à l’adolescence : une maladie brouillant le fonctionnement du système neuro-synaptique cérébral sans plus concerner le sujet, son histoire, les avatars de sa transformation pubertaire ? Effectivement, tout adolescent est menacé dans son sentiment de continuité existentielle par un risque d’effondrement ou de rupture réalisant une véritable menace psychotique, ce qu’on pourrait nommer une « psychose pubertaire ». Ce sont là des expressions destinées à décrire un potentiel négatif de désorganisation que l’individu contemporain doit traverser afin de satisfaire aux exigences d’une subjectivation imposée à chacun comme marque de sa singularité. Mais ce travail de subjectivation, jamais totalement acquis ni achevé ne peut s’engager et se poursuivre que si les fondements narcissiques de la petite enfance ont procuré à ce sujet une base de sécurité suffisante. En l’absence de celle-ci, la transformation sexuée du corps et la fantasmatique pubertaire deviennent traumatiques : dans ce contexte de haute incertitude, la désignation nosographique prend souvent l’allure d’une stigmatisation que l’adolescent risque d’autant plus de s’approprier qu’une de ses stratégies de singularisation siège précisément dans les conduites d’auto-sabotage. C’est dire dans ces conditions l’intérêt d’un accompagnement psychothérapique susceptible de tisser avec cet adolescent la continuité d’une histoire relationnelle qui constituera le premier temps d’une prise scénarisée quand manque la possibilité de reprise narcissique.

Danièle Brun : l’amitié à l’adolescence : pour quoi faire ?

Que nous apprennent ces fièvres d’amitié à l’adolescence qui unissent des couples de jeunes gens dont les émois servent de fil conducteur aux romans dont ils sont les héros ? Dans l’analyse, comme dans la vie, l’ami(e) est, à l’adolescence, le partenaire indispensable de la rencontre que fait l’autre avec le sexe et avec la perspective de la mort. Ainsi s’inscrit-il dans une cure comme une figure importante du transfert.

Monique Schneider : entre l’objet et le témoin, l’ami

L’amitié est d’abord envisagée comme située aux origines de la psychanalyse. Le lien s’établissant entre Freud et W. Fliess représente une structure d’étayage, permettant une superposition entre deux dimensions de l’humain – vie et esprit – ou entre deux disciplines s’appliquant à la connaissance d’un niveau du réel : biologie et psychologie. Le partage en deux domaines se rencontre également dans l’“ auto-clivage narcissique ” analysé par S. Ferenczi, ce qui peut faire comprendre le rôle joué par le trauma, soit dans la naissance d’une amitié,  soit dans la rupture.

L’analyse du couple formé par Freud et E. Silberstein mettra en évidence une autre structure : l’ami y devient le confident auquel est confié l’aveu des rapprochements se situant à l’extérieur du champ de l’amitié. Confident à qui ces rapprochements – Freud parle alors de sa rencontre avec Gisela Fluss – sont offerts comme autant de sacrifices.

Philippe Givre : philia et adolescence

L’enjeu central de ce texte est de parvenir à envisager si la thématique de la Philia est susceptible d’avoir une pertinence quelconque au sein de l’approche psychanalytique. Les affinités que la psychanalyse entretient avec Éros ne plaident pas en ce sens, sauf à prendre en compte les conceptualisations de D. W. Winnicott qui articule l’amitié à la notion de “ relation au moi ” et à la “ capacité d’être seul ”. Il en ressort que le don de l’amitié serait engagé dans le devenir de la maturation affective dont la capacité d’être seul en présence de l’autre en représente le phénomène le plus élaboré. L’ami ne peut être tenu pour un simple modèle ou comme l’équivalent d’un autoportrait. Il ne peut pas plus être réduit à un autre soi-même, quand bien même il est détenteur de quelque chose qui m’est dû. Si les adolescents ont une préférence pour l’amitié, c’est que le don d’amitié leur est indispensable pour amorcer et accompagner les mouvements de subjectivation de l’adolescens. En ce sens, il s’avère que toute amitié est contemporaine d’un remaniement subjectif puisqu’elle conditionne la possibilité d’advenir en ce que nous avons de propre.

 

Jean-Yves Le Fourn : l’“ amoitié ”. de Jonathan à JN. A. Rimbaud

L’amitié adolescente n’est-elle pas ce chemin qui mène ce dernier de l’enfance au monde adulte en passant par ce registre de l’amoitié (amour/amitié).

Les exemples cliniques de Jonathan et de JN. A. Rimbaud nous guiderons et interrogerons sur ce “ concept ” de l’amoitié adolescente qui serait une relation libidinale mais dont le but sexuel est sublimé en quelque chose par la société comme la solidarité, la justice, la fidélité.

Catherine Wieder :  » Une parole se cache « , adolescence africaine et psychopathologie

Après avoir dépouillé un dossier en provenance d’Afrique, l’auteur rassemble les caractéristiques des adolescents au Bénin, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Zaïre ainsi qu’au Burkina Faso et chez quelques migrants africains en France. Si ces adolescents semblent dans l’ensemble partager les problèmes psychologiques de leurs contemporains français, la théorie, elle, reste très marquée par le modèle français mais trop souvent ne tient que peu compte des spécificités sociologiques des régions concernées.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 297-306.

Dominique Agostini : Mélanie Klein analyste d’adolescents : III. le cas “ willy ”

Après l’étude du cas “ Félix ” ouvrant aux concepts d’objets internes et de fantasmes inconscients ; puis du cas “ Ilse ”, centré sur les conceptions kleiniennes de l’identité sexuelle féminine, l’auteur explore le matériel émanant de l’analyse de “ Willy ” (quatorze ans). Analyse dans laquelle Klein illustre et conceptualise, comme elle l’a fait pour Félix et Ilse, que revisiter l’Œdipe précoce constitue, à l’adolescence, le préalable indispensable au développement intégratif conjoint de la bisexualité psychique et de la “ puberté psychique ”. Klein articule ce travail aux concepts de phase féminine commune aux deux sexes, de parents combinés, d’homosexualité masculine.

Yolande Govindama : La fonction symbolique de  » l’enfant ancêtre  » dans l’interprétation de la maladie mentale chez les adolescents de la première génération.

À partir de l’étiologie traditionnelle de la maladie mentale en Afrique Noire, l’auteur interroge la notion  » d’enfant ancêtre  » dans l’interprétation des troubles mentaux chez les adolescents africains de la première génération en situation de migration. À partir d’une lecture ethnopsychanalytique de deux cas cliniques, l’auteur met en évidence la réintroduction de la fonction symbolique du père, fondée sur cette étiologie traditionnelle, au sein de deux familles exposées à l’acculturation. L’auteur démontre l’efficacité thérapeutique de cette méthode ethnopsychanalytique qui a permis à ces deux adolescents de se soustraire au déni de filiation attribué par cette logique culturelle pour ne pas être  » sacrifiés  » à leur statut  » d’enfant ancêtre « .

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 275-296.

Malanjaona M. Rakotomalala : Le  » besoin de la chair « , un outil de résistance au christianisme chez les anciens merina

 Au XIXe siècle, la Bible proposa une image nouvelle du corps humain aux Merina, dont la royauté était la plus puissante et la plus évangélisée à Madagascar. Le christianisme était censé les inspirer pour leur intégration dans la  » civilisation « . Certaines institutions ancestrales, jugées contraires aux nouvelles traditions, étaient alors abandonnées. Cependant, le  » besoin de la chair « , néologisme par lequel les missionnaires désignaient la luxure, restait insensible à la christianisation des murs. Les Merina utilisèrent la sexualité comme un champ de résistance, face à la crainte d’une emprise totale de l’Occident sur leur identité. Que ce fût au sein de la famille royale ou chez le commun des gens, les acteurs étaient surtout les adolescents : leur comportement avait été approuvé par leurs parents.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 263-274.