Parce que le Moi ne peut être qu’une image projetée du sujet à travers ses multiples représentations, ses diverses “ vêtures ”, il ne peut se soutenir imaginairement que par l’Autre, le regard de l’Autre. Le vêtement et sa problématisation à l’adolescence sont une manière de se ressaisir du regard de l’Autre, à la recherche renouvelée (comme un après-coup du stade du miroir) de l’assentiment, de la confirmation de son image du côté de l’Autre. C’est ainsi que le rapport de l’adolescent au vêtement peut être conçu comme un temps nécessaire de recombinaison des regards, afin de construire ce que nous nommons du visage, au cœur de la difficile rencontre des regards. Aussi proposons-nous de penser le vêtement comme le lieu d’un processus de “ visagéification ” qui affecte sujet et objet, processus par lequel se rejoue et se dialectise le croisement des regards.
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Ignacio Melo : notes sur l’hallucinatoire
Le devenir des troubles psychotiques pubertaires dépend de l’utilisation que l’adolescent et l’environnement thérapeutique vont faire de leur hallucinatoire. Lorsque celui-ci est déployé et travaillé dans la relation analytique, la partie narcissique des identifications primaires reste préservée et il ne devient plus indispensable d’opérer un désinvestissement de l’Inconscient comme Freud le postule dans le cas du président Schreber et dans la schizophrénie. L’hallucinatoire devient alors un outil précieux pour la sauvegarde et l’élaboration de désirs, dont la mise en mots permettra d’alléger l’économie du fonctionnement psychique de l’adolescent. Deux exemples cliniques illustrent ce propos.
Philippe Gutton : culture d’amis
Développer le thème de la culture entre amis est mettre l’accent sur les idéaux communs se construisant en cette occasion. Dans un premier chapitre “ cette culture adolescens ou intersubjectale ” est différenciée de “ la psychologie des pères et des mères ” intergénérationnelle. Elle contribue à construire les communautés adolescentes de référentiel a-familial.
Il convient de distinguer groupes de pairs et communautés d’amis. Les premiers sont en dialectique de classe avec les institutions. Les secondes ont des relations intercommunautaires inter et intragénérationnelles. Ces points de vue théoriques se terminent sur l’analyse de l’amitié adolescente de Paul Cézanne et Émile Zola et son devenir.
David Le Breton : entre jackass et le happy slapping un effacement de la honte
La loi paternelle fondée sur l’interdit cède à une présence maternelle axée plutôt sur la confiance et propice à l’hédonisme. L’adolescence contemporaine est un monde marqué par la mère, par l’absence de limites, régressif. Le souci de perdre la face, d’éprouver honte ou responsabilité face à ses comportements n’est plus à l’ordre du jour. Au contraire, les adeptes de Jackass ou du happy slapping sont de parfaites illustrations de l’individualisme contemporain et de l’indifférence à l’autre. Leur moi est sans autrui auquel il pourrait rendre des comptes.
Stéphane Bourcet : psychose aiguë, schizophrénie débutante et adolescence
L’évolution des psychoses délirantes aiguës vers la schizophrénie est loin d’être majeure et représente en fait une minorité de cas. Cependant, il est indispensable de prendre en charge et de traiter tout épisode délirant aigu pendant une durée de un à deux ans après rémission symptomatique, le suivi spécialisé permettant de poursuivre l’observation et l’évaluation du patient, et préciser le diagnostic qui peut être celui d’un trouble de l’humeur.
Maurice Corcos, Emma Sabouret, Denis Bochereau : sublimations à l’adolescence “ de bruit et de fureur ”
Le rap comme art et voie sublimatoire, au même titre ou à l’instar de l’activité intellectuelle ? Cette création sonore et scénique, forme nouvelle d’expression, d’échange ou de communion, apporte à qui veut l’entendre une possibilité supplémentaire de rencontrer la psyché adolescente contemporaine. Économes de perspectives sociologiques, nous approfondirons plutôt les enracinements corporels et soulignerons les potentialités élaboratives du rap. Reste que ses voies, méandres, oscillations, bifurcations et trajectoires diffèrent et s’éloignent, irréductiblement sans doute, de celles des générations précédentes.
Notre univers reste cependant commun ; de plus en plus interconnecté, enchevêtré, interpénétré. Ère formidable, où l’ado est de plus en plus dans l’adulte, davantage qu’ailleurs.
Rémy Potier, Pierre Bialès : de l’amitié en virtuel
Partant d’un intérêt pour les nouvelles technologies et pour ce qu’elles engagent dans les nouvelles pratiques adolescentes à l’œuvre sur Internet, nous interrogeons l’implication des blogs dans les échanges amicaux. Des adolescents de 12 à 17 ans témoignent de leurs usages sur skyblog, et montrent comment ceux-ci participent et prennent place dans des amitiés “ réelles ”. Nous interrogeons dès lors la “ blogosphère ” dans ce qui fonde l’énigme de la constitution des liens amicaux pérennes. Les enjeux du corps et la mise à l’épreuve de l’idéal par le virtuel, témoignent des difficultés réifiées par les nouvelles technologies de l’Internet. Mais loin d’être un refuge pathologique, le blog peut s’avérer un espace transitionnel fécond pour les amis qui s’y réfèrent et partagent de l’intime. Ainsi, selon les sujets, l’adolescent peut se trouver en proie à des solutions narcissiques ou se saisir depuis la modernité qu’est la sienne d’un nouvel outil qui lui permet de s’exprimer et de faire vivre ses liens amicaux.
Férodja Hocini : identification, amitié et transfert
L’auteur propose d’étudier les liens entre amitié et processus d’identification au moment de l’enfance et de l’adolescence. À travers un fragment de la psychothérapie d’une adolescente, est rapportée l’histoire d’amitié peu commune entre deux amies d’enfance, deux âmes sœurs que seule la mort pouvait séparer. L’analyse des mouvements transféro-contre-transférentiels permet d’une part de dégager le thérapeute d’une position idéalisée par la patiente et surtout de transformer la relation thérapeutique qui risquait de se perdre dans une unité confuse.
Christian Bonnet, Stéphanie Pechikoff : à l’ami à l’amour
L’Ami est-il un “ même ”, un “ modèle ”, une “ figure d’investissement homosexué ” ? Ces interrogations sont repensées à partir de deux récits cliniques et plusieurs propositions. Tout d’abord l’Ami prend place dans un espace potentiel, un “ entre-deux ” et ne se confond pas avec le sujet. Ensuite, il apparaît cliniquement (cas de Sabrina) que l’Ami est souvent la condition de la rencontre pour le sujet avec un objet d’amour et d’érotisation. Il y a donc une triangulation complexe impliquant : Sujet, Ami, objet d’amour. Une série d’opérations dialectiques définissent leurs liens sur un mode complexe de semblance/différence.
Le modèle freudien de la triangulation œdipienne est mobilisé, notamment au travers du roman familial, pour analyser le récit clinique de Sophie. Les désirs incestueux autant que fratricides auraient leur place dans les termes du vaudeville amoureux entre Sujet, objet, Ami… Nous concluons en proposant que le temps du juvénile soit pensé comme un roman amical œdipien forgé par des investissements envers l’Ami et l’objet. Le concept de blason complète le processus dialectique attenant au lien Sujet-Ami et devient par là emblématique de ce que nous nommons Amitié.
Vincent Cornalba : vivre avec
L’auteur envisage la figure de l’ami dans son rôle d’attracteur vis-à-vis du registre de la dépression à l’adolescence. À la fois pris dans une perte d’objets et dans la perte d’un état, qu’il lui faut à présent subjectiver, l’adolescent trouverait en la personne de l’ami cet acteur – à la fois agent facilitateur, sujet d’expérience et support projectif et/ou d’identification – susceptible de le soutenir efficacement dans ce travail qui concerne, d’une manière essentielle, le registre de la rencontre.