Les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse, les fugues et les scarifications sont des conduites d’agir fréquentes à l’adolescence. Au même titre que d’autres conduites de rupture, nous les envisageons comme des figurabilités corporelles qui s’ancrent, tant dans la forme que dans le fond, bien davantage du côté des productions psychiques que des passages à l’acte réputés court-circuiter la pensée. Ces conduites relèvent pour une part d’une intentionnalité consciente, incarnant l’effacement ou l’évacuation hors de soi des tensions internes, leur « reprise en main » synonyme de maîtrise, la transposition de la souffrance psychique en percepts sensibles et visibles et la recherche d’effets sur l’entourage dans l’attente d’une reconnaissance et de remaniements favorables. Elles sont aussi inconscientes et très condensées, réalisant des tentatives de figuration qui donnent forme et consistance aux représentations psychiques que le sujet en souffrance identitaire tente ainsi d’éviter ou d’escamoter.
Dans la mesure où la plupart des adolescents concernés ne peuvent mettre en mots cette souffrance, et pour les préparer à s’engager dans un travail psychique, nous pensons nécessaire d’allier progressivement l’affect à la représentation et l’acte à la parole par l’intermédiaire d’actes thérapeutiques s’offrant comme autant de supports de figuration pouvant favoriser la reliaison. Nous en fournissons des exemples à partir de l’expérience de notre équipe qui, depuis quinze ans, aménage de brefs séjours hospitaliers pour les jeunes suicidaires au sein d’une unité spécialisée.