En adoptant le regard particulier qu’offre la sociologie du corps, cet article replace les attitudes et comportements anorexiques dans l’espace social des représentations et usages du corps. L’étude des « variations corporelles » (selon les époques de l’histoire, les classes sociales, les classes d’âge et le sexe) permet de voir se profiler, derrière le corps anorexique, un modèle corporel situé historiquement et socialement, qui est tout à la fois contemporain, adolescent, féminin, et d’origine sociale moyenne ou supérieure. En outre, le processus de transformation corporelle qui se joue au cours de la carrière anorexique entre en résonance avec des représentations contemporaines de la malléabilité corporelle. Il en manifeste notamment deux figures pourtant opposées, celle d’un corps « mou », perçu comme labile et modifiable à l’envi, et celle d’un corps « dur », qui tend à « persévérer dans son être » et à résister à toute injonction au changement.