La notion de « schizophrénie » revient avec insistance dans les publications psychiatriques actuelles. Que signifie cette résurgence ? Dépister une maladie dès les premières manifestations symptomatiques, voire même avant, est une démarche d’autant plus justifiée qu’on dispose d’un traitement médicamenteux efficace. Mais peut-on réduire ainsi la question de la psychose à l’adolescence : une maladie brouillant le fonctionnement du système neuro-synaptique cérébral sans plus concerner le sujet, son histoire, les avatars de sa transformation pubertaire ? Effectivement, tout adolescent est menacé dans son sentiment de continuité existentielle par un risque d’effondrement ou de rupture réalisant une véritable menace psychotique, ce qu’on pourrait nommer une « psychose pubertaire ». Ce sont là des expressions destinées à décrire un potentiel négatif de désorganisation que l’individu contemporain doit traverser afin de satisfaire aux exigences d’une subjectivation imposée à chacun comme marque de sa singularité. Mais ce travail de subjectivation, jamais totalement acquis ni achevé ne peut s’engager et se poursuivre que si les fondements narcissiques de la petite enfance ont procuré à ce sujet une base de sécurité suffisante. En l’absence de celle-ci, la transformation sexuée du corps et la fantasmatique pubertaire deviennent traumatiques : dans ce contexte de haute incertitude, la désignation nosographique prend souvent l’allure d’une stigmatisation que l’adolescent risque d’autant plus de s’approprier qu’une de ses stratégies de singularisation siège précisément dans les conduites d’auto-sabotage. C’est dire dans ces conditions l’intérêt d’un accompagnement psychothérapique susceptible de tisser avec cet adolescent la continuité d’une histoire relationnelle qui constituera le premier temps d’une prise scénarisée quand manque la possibilité de reprise narcissique.