Archives par mot-clé : Scarification

Marion Haza, Pascal-Henri Keller : thoughts on scarification among suicide adolescents

Scarification raises questions regarding physical and psychological limits, limits between the internal space and the external space of adolescents. They also question the narcissism and the representation of the body. Thanks to interviews with suicidal adolescents, we broached the performance in the real of psychical conflict. Through scarification, adolescents symbolize dividing lines in space, time and in their relationship with others. The thought following the action therefore helps to start a psychical work and restart the thinking system.

Jocelyn Lachance, Sébastien Dupont : temporality in risky behaviors: the example of the film fight club

In 1999, David Fincher directed the feature film Fight Club, which is often regarded as a film against capitalist society. But beyond that, this film is a striking example of risky adolescent behaviour that can be interpreted anthropologically and psychologically. In many ways, the dialogue between characters is similar to the language used among teenagers today. In addition, we can see that the framework and dialogue of the film allude to the different concepts observed in the theory of risky adolescent behaviour. This point of view allows us to take another look at Fincher’s film in order to understand why it became a true cult film for a young generation. Furthermore, we will see that an interpretation of risky adolescent behaviour can be further strengthened by an analysis of temporality…

Jacques Maître : l’automutilation comme retour du religieux ?

L’objet de cette contribution est de repérer dans l’histoire du catholicisme des éléments dont l’écho peut se détecter quand nous analysons les automutilations adolescentes actuelles au sein de la société française. Pour l’Antiquité, on trouve la référence au martyre comme modèle d’ascèse ; pour le Moyen Âge, l’avènement du Christ gothique. Le rapprochement entre les textes anciens et les données actuelles de la clinique prendra tout son relief à la lecture des messages échangés au sujet des automutilations par les jeunes qui s’expriment sur les forums d’Internet.

L’héritage du passé catholique peut se lire dans les pratiques de flagellation, illustrées par les mortifications que s’infligeaient au XVIIe siècle Marie de l’Incarnation et son fils dom Claude Martin. Nous trouvons aussi l’inscription corporelle des stigmates de la Passion et l’anorexie mystique ; celle-ci préfigure, dans le cadre de la virtuosité mystique catholique, l’anorexie mentale qui en fournit une version sécularisée, tenue maintenant pour une des pathologies majeures de l’adolescence. Le lien entre les automutilations adolescentes et l’anorexie est bien connu en épidémiologie.

Dans le champ de la « post-modernité », les pratiques scarificatoires se rattachent d’une certaine façon au catholicisme médiéval à travers des courants tels que le « ghotik », notamment quand le chanteur Marylin Manson utilise comme emblème le tableau de Grünewald représentant la Crucifixion d’une façon quasi expressionniste. Les propos des jeunes qui s’adonnent à ces pratiques montrent une volonté de fuir un monde inhabitable. Il faut cependant bien distinguer les différents cadres institutionnels où vivent ces adolescents : famille, foyers d’accueil. En milieu carcéral, ce sont même des adultes qui s’infligent des scarifications et des brûlures pour « faire avec » leur détresse existentielle.

Enfin, cette réflexion aboutit à une question chère aux médias : assistons-nous à un « retour du religieux » ? Il s’agit au contraire d’une déperdition radicale de l’emprise exercée sur la population française par ce qui fut le « religieux » dominant d’autrefois, l’Église catholique. Le dogme sans cesse réaffirmé par le Magistère se trouve en manque croissant de crédibilité, ce qui permet d’en réemployer des éléments épars sans aucune adhésion au système dogmatique, comme on le voit avec la mode actuelle des relations personnelles avec l’ange gardien. Il en va de même avec le satanisme des jeunes gothiques. D’ailleurs, nous n’aboutissons pas à des cérémonies instituées, mais à des rituels privés qui constituent un cri de souffrance en appelant au paradis d’une écoute chaleureuse.

Catherine Matha, Claude Savinaud : scarifications : de blessures en mortifications scarificielles

 

À partir de deux cas d’adolescentes automutilatrices, les auteurs s’interrogent sur la dimension masochiste des pratiques de scarification. Le masochisme érogène déployé témoigne de l’insuffisance des processus préconscients pour contenir la pression pulsionnelle, par le retournement de la passivité féminine en activité auto-agressive. L’identification à une position féminine liant l’érotisme et le masochisme est réduite à des pratiques d’incorporation de signes indélébiles qui marquent le défaut d’introjection des qualités de l’objet. Ces conduites montrent une hystérisation « impossible » des conflits intrapsychiques, mais indiquent aussi les possibilités de dépassement de cette conflictualité provoquée par l’émergence pubertaire et leur subjectivation.

Véronique Dufour, Serge Lesourd : les scarifications, traces du rien

 

À partir d’un travail avec une adolescente qui se scarifie les auteurs proposent une lecture des passages à l’acte sur le corps comme tentative, différenciée selon les pratiques, de construire un objet du désir. Les scarifications procèdent à cette opération par la coupure, là où les piercings soutiennent celle-ci par l’excitation pulsionnelle, ce qui traduit un rapport différencié du sujet à l’Autre.

Xavier Pommereau : figurabilités corporelles à l’adolescence. des conduites d’agir aux actes de soins en institution

Les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse, les fugues et les scarifications sont des conduites d’agir fréquentes à l’adolescence. Au même titre que d’autres conduites de rupture, nous les envisageons comme des figurabilités corporelles qui s’ancrent, tant dans la forme que dans le fond, bien davantage du côté des productions psychiques que des passages à l’acte réputés court-circuiter la pensée. Ces conduites relèvent pour une part d’une intentionnalité consciente, incarnant l’effacement ou l’évacuation hors de soi des tensions internes, leur « reprise en main » synonyme de maîtrise, la transposition de la souffrance psychique en percepts sensibles et visibles et la recherche d’effets sur l’entourage dans l’attente d’une reconnaissance et de remaniements favorables. Elles sont aussi inconscientes et très condensées, réalisant des tentatives de figuration qui donnent forme et consistance aux représentations psychiques que le sujet en souffrance identitaire tente ainsi d’éviter ou d’escamoter.

Dans la mesure où la plupart des adolescents concernés ne peuvent mettre en mots cette souffrance, et pour les préparer à s’engager dans un travail psychique, nous pensons nécessaire d’allier progressivement l’affect à la représentation et l’acte à la parole par l’intermédiaire d’actes thérapeutiques s’offrant comme autant de supports de figuration pouvant favoriser la reliaison. Nous en fournissons des exemples à partir de l’expérience de notre équipe qui, depuis quinze ans, aménage de brefs séjours hospitaliers pour les jeunes suicidaires au sein d’une unité spécialisée.

Marion Haza, Pascal-Henri Keller : scarifications chez l’adolescent suicidaire : une tentative pour penser ?

 

Les scarifications de l’adolescent posent des questions concernant ses limites physiques et psychiques, limites entre son espace interne et son espace externe. Mais elles interrogent aussi le narcissisme et la représentation du corps. À l’aide d’entretiens réalisés auprès d’adolescents suicidants, le présent travail approche la mise en scène dans le réel de la conflictualisation psychique. Grâce aux scarifications, les adolescents parviennent à symboliser des frontières dans l’espace, dans le temps et dans leur relation aux autres. Seul l’après-coup permet un travail psychique et la remise en route de « l’appareil à penser ».

Fanny Dargent : scarifications rituelles

L’adolescence, catégorie récente propre au monde occidental, tend à se désolidariser de la puberté comme événement physiologique universel. Ce n’est pas tant la disparition des rites qui est en jeu mais le relâchement du lien de solidarité entre le phénomène de la puberté et la désignation – mais aussi le traitement – social(e) de l’adolescence. À partir de l’exemple des pratiques de scarifications à l’adolescence, je voudrais proposer l’hypothèse d’une augmentation d’actes-symptômes qui s’alimentent de cet écart et tendent paradoxalement à la fois à le réduire – c’est-à-dire à réinscrire une reconnaissance identitaire intime et sociale des formes d’altérité engagées par la puberté – mais aussi, conjointement à rejeter ces mêmes formes d’altérité.

Adolescence, 2014, 32, 1, 47-56.

David Le Breton : la part du feu : anthropologie des entames corporelles

 

À l’adolescence le corps devient une surface de projection dont il faut contrôler l’apparence en le parant, le dissimulant, le maltraitant, etc. L’existence est une histoire de peau, une question de frontière entre le dehors et le dedans. L’entame corporelle porte la souffrance à la surface de soi, là où elle devient visible et contrôlable ; elle est un acte de passage bien davantage qu’un passage à l’acte.

Jocelyn Lachance, Sébastien Dupont : La temporalité dans les conduites à risque : l’exemple du film Fight Club

En 1999, David Fincher signait le film Fight Club, souvent analysé comme une critique à l’égard du capitalisme financier. Mais au-delà de ce discours, ce film est une illustration saisissante des conduites à risque des jeunes, telles que l’anthropologie et la psychologie peuvent les interpréter. Nous proposons ici une re-lecture de l’œuvre de David Fincher, devenu un véritable film culte auprès des jeunes générations d’aujourd’hui. Nous verrons plus spécifiquement comment l’axe temporel occupe une place prédominante dans les expériences du risque auxquelles s’adonnent les protagonistes. Ces conduites à risque apparaissant alors comme des rites de passage, créés par des personnages en perte de repères, destinés à les ré-inscrire dans le temps individuel et social, dans l’histoire individuelle (celle de l’enfance) et la grande Histoire.