Archives par mot-clé : Psychanalyse

Marilia Aisenstein : Contre un certain morcellement de la psychanalyse comme de la vie

Même s’il existe une spécificité des modalités de prise en charge de certains patients (limites, par exemple) et notamment des adolescents, l’auteur insiste sur l’importance pour tout thérapeute analyste de se référer à un seul et mime modèle théorico-clinique et de posséder une connaissance du coeur de la discipline : le modèle de la névrose.
Une formation longue et approfondie en psychanalyse doit précéder toute spécialisation trop hâtive.

Arnoldo Novelletto : analogies et différences entre l’analyse de l’enfant et l’analyse de l’adolescent

L’auteur aborde la question de la spécificité des traitements d’adolescents à travers un cas clinique : un enfant analysé demande à reprendre un traitement à l’adolescence. Cette demande est examinée surtout du point de vue de la dynamique du transfert et du contre-transfert, qui donne aux deux situations un caractère très différent. Le but de cet article est de contribuer au progrès de la psychanalyse de l’adolescent et de mettre en relief les analogies et les différences avec la psychanalyse de l’enfant.

Maja Perret-Catipovic : l’apport de la clinique psychanalytique aux adolescents victimes de guerre

Est-ce que la clinique psychanalytique peut être pertinente pour aider les adolescents victimes de guerre ? Que reste-t-il d’une spécificité de l’adolescence après des traumatismes graves ? L’auteur tente de répondre à ces questions au travers de trois exemples cliniques d’adolescents dont le fonctionnement psychique était gravement compromis suite à des vécus traumatiques lors de la guerre en Bosnie.

Alain Juranville : l’autre, le sexe et le savoir philosophique

“ On discute, au nom de la psychanalyse, la conception de l’altérité chez Emmanuel Lévinas et en souligne ce qu’elle a de définitif. On se place au point de vue non de la psychanalyse, mais de la philosophie quand elle en reprend l’hypothèse fondamentale (l’inconscient). On montre en quoi, pour l’altérité même, l’affirmation du savoir philosophique, mais d’un savoir philosophique énonçant l’inconscient, et sa réalité, le sexe, devient essentielle. Il apparaît alors que ce savoir doit donner toute leur vérité aux trois révélations : chrétienne, juive et islamique ”.

François Pommier : idéalisation, pré-adolescence et transfert

En retraçant le déroulement de la cure d’une de ses patientes, l’auteur cherche à montrer les viscissitudes de la relation transférentielle jusqu’au moment de la déliaison analytique permettant la sortie de l’analyse. Le point de bascule apparaît dès lors que l’analyste s’attache à revisiter contre-transférentiellement les relation consensuelles de la période de latence. La patiente, entravée dans son fonctionnement depuis la puberté, consent alors à problématiser les images  parentales de sa pré-adolescence et trouve une nouvelle dynamique, qui la conduit à découvrir les éléments structurels de sa personnalité. L’auteur insiste sur la manière dont l’analyste est amené à se déplacer dans la cure pour finalement adopter une position de témoin lui permettant de s’extraire du processus d’idéalisation dans lequel tendait à l’enfermer sa patiente et de faire sortir cette dernière de la situation de précarité dans laquelle l’enfermait le travail analytique. L’auteur explique dans quelle mesure, sur le plan contre-transférentiel, ses propres angoisses et l’expression de sa position parfois vertigineuse permet à sa patiente de faire la traversée de sa pré-adolescence.

Dominique J. Arnoux : le sentiment de nullité

Le récit de trois consultations à propos d’un adolescent arrogant se vivant comme nul me permet de penser le processus psychanalytique de la cure et de ses enjeux. La place est donnée au travail de pensée du psychanalyste à partir des états émotionnels du sujet émergeant dans la cure, mais aussi de ses parents en consultations du début. Il y a violence du fait d’un jugement d’attribution venu des objets parentaux au plus jeune âge et que l’adolescent reprend à son compte sans le savoir. La misère d’objet à l’adolescence trouve ici une définition ainsi qu’une réflexion sur le sentiment de nullité si fréquent à cet âge.

Antoine Hibon : pour une pédopsychiatrie d’inspiration analytique auprès des adolescents incarcérés

Cet article veut exposer et soutenir une recherche-action conduite depuis deux ans par une équipe pédopsychiatrique d’orientation analytique au « Quartier des mineurs » de la Maison d’arrêt d’Aix-en-Provence (effectif théorique de 33 adolescents). Cette équipe estime avoir réuni des éléments significatifs permettant d’énoncer qu’il est possible de nouer une relation à potentiel thérapeutique avec la quasi-totalité des adolescents incarcérés. Elle pense qu’une telle démarche requiert une méthodologie déontologique-technique déterminée articulée sur l’indépendance du Sanitaire par rapport au Complexe judiciaire-pénitentiaire.

Si l’on se réfère aux histoires le plus souvent fracturées de ces adolescents, à leurs troubles de la subjectivation, aux dangers qu’ils courent et font courir à autrui, à leur réticence à rencontrer des psychistes en dehors du contexte carcéral, on peut également lire cet article dans une dimension de Santé publique.

L’auteur décrit le cadre matériel d’exercice de l’équipe. Les entretiens se font sur les lieux même de la détention, au plus près des adolescents et des autres adultes intervenants (surveillants et enseignants en particulier). Ce cadre contribue à installer un transfert de base groupal des adolescents sur les psychistes, et un contre-transfert de base des psychistes sur les adolescents délinquants. Contradictoirement, cette proximité facilitant les rencontres, les rend également difficiles au plan de leur faisabilité, en excitant les différents niveaux de conflictualité entre l’équipe pédopsychiatrique et l’administration Pénitentiaire qui peuvent être repérés et progressivement traités.

Ce cadre matériel est le support d’une approche extensive (quasi-totalité) des adolescents incarcérés. Cette possibilité d’une approche extensive, et son potentiel thérapeutique, a été vérifiée par l’équipe à une certaine étape de la recherche. Il en est rendu compte par deux vignettes cliniques emblématiques en ce qu’elles concernent des adolescents de contacts et de fonctionnements psychiques particulièrement difficiles d’accès. Deux limites de l’approche extensive sont étudiées. La principale est mise en rapport avec la théorie winnicottienne de « la tendance antisociale » : les hausses de la démographie du « Quartier des mineurs » (au-delà d’un seuil de 20-25 adolescents) conduisent à un certain abandon d’adolescents qui bénéficiaient d’une offre de soins suffisamment continue, et cet abandon peut entraîner un rebond antisocial. Ainsi l’équipe doit-elle s’efforcer à fonctionner en dessous de qu’elle sait être possible et souhaitable, dans l’attente que des moyens supplémentaires lui soient donnés par des autorités de Tutelle qui ne sont pas à l’écoute.

L’étonnante ouverture à l’autre des adolescents incarcérés qui ont la plupart du temps refusé farouchement de rencontrer des psychistes en milieu ouvert, est éclairée par ce que l’auteur appelle « le versant soignant de la prison ». Ce versant soignant est décliné selon un modèle métapsychologique où les items s’enchaînent en un idéaltype : réintroduction de la dimension du Réel par l’arrestation-incarcération ; confrontation à une force étatique inébranlable pare-excitante externe ; diminution de la culpabilité inconsciente par l’expérience vécue de la sanction ; triangulation de fait par la Justice et l’administration Pénitentiaire de la relation mère-fils ; restauration des carences et des maltraitances par la face positive de la surveillance et de l’autorité. Une série de vignettes cliniques vient appuyer chacun des items. Une vignette montre la limite absolue du modèle, celle où la prison n’est pas tolérée, essentiellement du fait d’un sentiment de perte insoutenable. Les limites relatives (pouvant faire l’objet de réformes) du modèle sont évoquées. Le tableau catastrophiste des abolitionnistes (opposants à la prison pour les mineurs) est récusé au nom de l’expérience globale qu’a l’équipe des vécus et des évolutions des adolescents incarcérés.

L’exposé de la méthodologie déontologique-technique de l’équipe est précédé d’une analyse serrée des textes sanitaires, pénitentiaires et de la Protection judiciaire de la jeunesse, concernant ce qui est communément appelé la pluridisciplinarité dans les « Quartiers mineurs ». L’auteur établit que ces textes et les pratiques, en réalité monodisciplinaires, qui en découlent sont anti-déontologiques et anti-subjectifs. Il expose l’intérêt subjectalisant d’une méthode qui offre à l’adolescent un haut niveau de garantie de la confidentialité des entretiens, et son implication véritable dans d’éventuels contacts de l’équipe pédopsychiatrique avec ceux qui interviennent également auprès de lui.

L’idée courante de la nécessité de médiateurs indispensables aux psychistes pour aborder ces adolescents, est relativisée. L’équipe croit beaucoup au couple (ou au moins au binôme) thérapeutique qui assure une meilleure assiette transféro-contre-transférentielle que la relation duelle. L’hypothèse centrale est que ce couple fonctionne comme attracteur-réorganisateur des éléments de la « Scène primitive » trop chaotiques ou violents que le patient a dû cliver, voire forclore. Une vignette clinique montre cette technique à l’œuvre sous la focale grossissante de son utilisation selon des modalités particulièrement actives avec un adolescent difficile pour lequel on dispose d’un recul d’un an sur son évolution après son incarcération.

Des perspectives de la recherche-action sont développées. La position de l’équipe est précisée par rapport à la nouvelle donne que constituera la présence d’éducateurs de la « Protection judiciaire de la jeunesse » en continu au « Quartier des mineurs ». La question cruciale des moyens est à nouveau évoquée, en termes de suivi post-pénal indispensable, de formation d’Internes en Psychiatrie, et d’un travail d’étude comparative des approches pédopsychiatriques dans les « Quartiers des mineurs ».

 

Un appareil de notes important donne les principales références théoriques de la démarche, et permet des développements cliniques et métapsychologiques. L’auteur et son équipe sont conscients que les délinquances juvéniles et leurs traitements, sont l’objet de constructions socio-politiques, avec leurs relais médiatiques, qui pèsent d’un poids considérable sur les pratiques. Cet appareil de notes permet également au lecteur de prendre connaissance du contexte, de la tendance actuelle à un « tout carcéral » parfaitement contraire à une approche mesurée qui doit traiter sur le même plan les carences en moyen insupportables de l’activité du milieu ouvert, et l’amélioration des fonctionnements des « Quartiers des mineurs » existants. L’histoire du traitement des délinquances juvéniles a montré que toute embardée dans un sens était régulièrement suivie de démentis.

Arnaldo Novelletto : adolescence et psychanalyse. confrontation entre modèles théoriques et stratégies cliniques

L’auteur traite du débat toujours en cours au sujet des applications de la psychanalyse à des patients adolescents ; Il présente et argumente différentes thèses concernant les deux types d’interventions thérapeutiques que sont la psychanalyse et la psychothérapie.

Marie-José del Volgo : La peur du sida de Saïd : À propos d’Ali

À l’occasion d’une consultation pour une exploration respiratoire où je reçois Ali en tant que médecin, ce jeune homme de vingt-cinq ans va me raconter son mal être et sa peur du sida. Du fait de la mise en oeuvre du dispositif de  » l’instant de dire « , de cette position éthique qui consiste à écouter Ali en référence à la méthode analytique, la mise à plat des signifiants m’a amenée à rapprocher sa peur du sida de celle de son frère Saïd, point nodal du réseau associatif de son discours. Au sein d’une médecine techno-scientifique de plus en plus déshumanisante, la psychopathologie clinique et la psychanalyse ont vocation à restaurer la fonction et la valeur éthiques de la maladie et du soin.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 143-146.

Serge Lesourd : le féminin à l’adolescence : constitution d’un lieu

En s’appuyant sur une cure d’adolescente, l’auteur interroge une découverte fondamentale du temps de l’adolescence : celle de la féminité en soi, jusque-là ignorée du sujet, tant pour le garçon que pour la fille. Cette “ féminité en soi ” s’inscrit pour le sujet, hors de ce qui l’a constitué enfant en tant qu’être sexué. La sexualité infantile s’appuie sur le primat du phallus qui borne le rapport aux autres. L’adolescent, sous la poussée pubertaire, en vient à refuser ce primat phallique comme régulateur du rapport au monde, comme limite de la sexualité, comme point d’arrêt de la jouissance. Cet “ au-delà ” de la dimension phallique correspondant à la féminité en soi, qui est un mode de jouissance non entièrement marqué de la limite phallique, un passage obligé par la logique inconsciente pour constituer une relation amoureuse hétérosexuée. La rencontre de LA différence, celle qui résume toutes les différences, n’est pas sans difficulté pour les adolescents. Ce détour par le féminin, errance nécessaire, peut aussi être la cause d’errances sociales et psychiques importantes pour les jeunes.