Archives par mot-clé : Politique

Des fourmis et des hommes : Militantisme écologiste et sublimation du pubertaire ?

Les auteurs envisagent l’engagement de certains adolescents dans la lutte contre les mutations écosystémiques et leur nécessaire reconnaissance par les adultes comme l’expression d’un travail psychique de démocratisation. La situation de Jonathan, adolescent tourmenté élevant des fourmis, illustre une modalité de rencontre possible avec l’environnement non humain, source de gratification tant pour le narcissisme que pour les idéaux, mais révélant une angoisse d’extinction prononcée.

Adolescence, 2021, 39, 1, 125-138.

Thomas Aichhorn : « freud avant freud », à propos du lycéen sigismund/sigmund freud

En se centrant sur l’époque du collège et du lycée, l’auteur revient sur l’adolescence de Freud en utilisant des textes ou des documents inédits en France. Ces documents, comme les pensées éparses incrites dans le journal scolaire du jeune Freud, inscrivent également Freud dans le contexte politique de son temps. L’hypothèse centrale de cet article fait de Freud un adolescent confronté à des passions intenses, qui s’articulent avec certaines découvertes liées aux fondements de la psychanalyse.

Adolescence, 2014, 32, 3, 621-640.

Antoine Hibon : pour une pédopsychiatrie d’inspiration analytique auprès des adolescents incarcérés

Cet article veut exposer et soutenir une recherche-action conduite depuis deux ans par une équipe pédopsychiatrique d’orientation analytique au « Quartier des mineurs » de la Maison d’arrêt d’Aix-en-Provence (effectif théorique de 33 adolescents). Cette équipe estime avoir réuni des éléments significatifs permettant d’énoncer qu’il est possible de nouer une relation à potentiel thérapeutique avec la quasi-totalité des adolescents incarcérés. Elle pense qu’une telle démarche requiert une méthodologie déontologique-technique déterminée articulée sur l’indépendance du Sanitaire par rapport au Complexe judiciaire-pénitentiaire.

Si l’on se réfère aux histoires le plus souvent fracturées de ces adolescents, à leurs troubles de la subjectivation, aux dangers qu’ils courent et font courir à autrui, à leur réticence à rencontrer des psychistes en dehors du contexte carcéral, on peut également lire cet article dans une dimension de Santé publique.

L’auteur décrit le cadre matériel d’exercice de l’équipe. Les entretiens se font sur les lieux même de la détention, au plus près des adolescents et des autres adultes intervenants (surveillants et enseignants en particulier). Ce cadre contribue à installer un transfert de base groupal des adolescents sur les psychistes, et un contre-transfert de base des psychistes sur les adolescents délinquants. Contradictoirement, cette proximité facilitant les rencontres, les rend également difficiles au plan de leur faisabilité, en excitant les différents niveaux de conflictualité entre l’équipe pédopsychiatrique et l’administration Pénitentiaire qui peuvent être repérés et progressivement traités.

Ce cadre matériel est le support d’une approche extensive (quasi-totalité) des adolescents incarcérés. Cette possibilité d’une approche extensive, et son potentiel thérapeutique, a été vérifiée par l’équipe à une certaine étape de la recherche. Il en est rendu compte par deux vignettes cliniques emblématiques en ce qu’elles concernent des adolescents de contacts et de fonctionnements psychiques particulièrement difficiles d’accès. Deux limites de l’approche extensive sont étudiées. La principale est mise en rapport avec la théorie winnicottienne de « la tendance antisociale » : les hausses de la démographie du « Quartier des mineurs » (au-delà d’un seuil de 20-25 adolescents) conduisent à un certain abandon d’adolescents qui bénéficiaient d’une offre de soins suffisamment continue, et cet abandon peut entraîner un rebond antisocial. Ainsi l’équipe doit-elle s’efforcer à fonctionner en dessous de qu’elle sait être possible et souhaitable, dans l’attente que des moyens supplémentaires lui soient donnés par des autorités de Tutelle qui ne sont pas à l’écoute.

L’étonnante ouverture à l’autre des adolescents incarcérés qui ont la plupart du temps refusé farouchement de rencontrer des psychistes en milieu ouvert, est éclairée par ce que l’auteur appelle « le versant soignant de la prison ». Ce versant soignant est décliné selon un modèle métapsychologique où les items s’enchaînent en un idéaltype : réintroduction de la dimension du Réel par l’arrestation-incarcération ; confrontation à une force étatique inébranlable pare-excitante externe ; diminution de la culpabilité inconsciente par l’expérience vécue de la sanction ; triangulation de fait par la Justice et l’administration Pénitentiaire de la relation mère-fils ; restauration des carences et des maltraitances par la face positive de la surveillance et de l’autorité. Une série de vignettes cliniques vient appuyer chacun des items. Une vignette montre la limite absolue du modèle, celle où la prison n’est pas tolérée, essentiellement du fait d’un sentiment de perte insoutenable. Les limites relatives (pouvant faire l’objet de réformes) du modèle sont évoquées. Le tableau catastrophiste des abolitionnistes (opposants à la prison pour les mineurs) est récusé au nom de l’expérience globale qu’a l’équipe des vécus et des évolutions des adolescents incarcérés.

L’exposé de la méthodologie déontologique-technique de l’équipe est précédé d’une analyse serrée des textes sanitaires, pénitentiaires et de la Protection judiciaire de la jeunesse, concernant ce qui est communément appelé la pluridisciplinarité dans les « Quartiers mineurs ». L’auteur établit que ces textes et les pratiques, en réalité monodisciplinaires, qui en découlent sont anti-déontologiques et anti-subjectifs. Il expose l’intérêt subjectalisant d’une méthode qui offre à l’adolescent un haut niveau de garantie de la confidentialité des entretiens, et son implication véritable dans d’éventuels contacts de l’équipe pédopsychiatrique avec ceux qui interviennent également auprès de lui.

L’idée courante de la nécessité de médiateurs indispensables aux psychistes pour aborder ces adolescents, est relativisée. L’équipe croit beaucoup au couple (ou au moins au binôme) thérapeutique qui assure une meilleure assiette transféro-contre-transférentielle que la relation duelle. L’hypothèse centrale est que ce couple fonctionne comme attracteur-réorganisateur des éléments de la « Scène primitive » trop chaotiques ou violents que le patient a dû cliver, voire forclore. Une vignette clinique montre cette technique à l’œuvre sous la focale grossissante de son utilisation selon des modalités particulièrement actives avec un adolescent difficile pour lequel on dispose d’un recul d’un an sur son évolution après son incarcération.

Des perspectives de la recherche-action sont développées. La position de l’équipe est précisée par rapport à la nouvelle donne que constituera la présence d’éducateurs de la « Protection judiciaire de la jeunesse » en continu au « Quartier des mineurs ». La question cruciale des moyens est à nouveau évoquée, en termes de suivi post-pénal indispensable, de formation d’Internes en Psychiatrie, et d’un travail d’étude comparative des approches pédopsychiatriques dans les « Quartiers des mineurs ».

 

Un appareil de notes important donne les principales références théoriques de la démarche, et permet des développements cliniques et métapsychologiques. L’auteur et son équipe sont conscients que les délinquances juvéniles et leurs traitements, sont l’objet de constructions socio-politiques, avec leurs relais médiatiques, qui pèsent d’un poids considérable sur les pratiques. Cet appareil de notes permet également au lecteur de prendre connaissance du contexte, de la tendance actuelle à un « tout carcéral » parfaitement contraire à une approche mesurée qui doit traiter sur le même plan les carences en moyen insupportables de l’activité du milieu ouvert, et l’amélioration des fonctionnements des « Quartiers des mineurs » existants. L’histoire du traitement des délinquances juvéniles a montré que toute embardée dans un sens était régulièrement suivie de démentis.

Béatrice Mabilon-Bonfils : la république et la « question scolaire » : quelle légitimité pour une école en crise ?

La laïcité, corrélée au projet méritocratique, a été l’instrument d’une construction politique d’un Mit-sein aujourd’hui en crise. Cette laïcité comme principe de gouvernement raisonnable des hommes, n’a exclu ni les solutions violentogènes, ni les représentations naturalistes des trajectoires scolaires Or, l’École est aujourd’hui confrontée au « temps du pluriel », à une demande croissante de pluralité culturelle et cultuelle. Et cette École démocratique massifiée, sous son apparente neutralité sociale et politique que signe l’idéologie laïque, renverse le rapport au sentiment d’injustice sociale : plus l’École est en apparence ouverte au plus grand nombre, plus l’échec scolaire est perçu comme production singulière des individus, d’où ce sentiment récurrent de déshonneur individuel, voire même familial et social. Ce cas d’école est à saisir au travers du prisme du déni du Politique par l’institution scolaire. La question scolaire est aujourd’hui selon nous, nourrie d’inégalités sociales, sexuelles et ethniques face à l’Institution elle-même.

Béatrice Mabilon-Bonfils : jeux du pouvoir et du désir dans l’école. pour une lecture psychanalytique de la relation savoir/pouoir

L’École, à la fois organisation symbolique du corps social, mais aussi mise en ordre/construction du sujet fonctionne sur les jeux du pouvoir et du désir. Mais cette conception de la construction singulière du désir de savoir des individus doit se combiner avec une analyse de l’École et des relations à l’Autre que produit l’institution scolaire. Il sera alors possible d’apprécier, le Malaise dans l’Institution scolaire française ; actrice/promotrice d’une citoyenneté républicaine moniste. Dans le modèle citoyen français, dont l’École est le ferment, l’Autre doit devenir le Même. Cela donne un éclairage des tensions actuelles dans le lieu scolaire.

Adolescence, 2008, T. 26, n°3, pp. 655-672.

Antoine Hibon : retours sur expériences

Cet article revient sur la recherche-action d’inspiration analytique qui a duré 5 ans, d’une équipe psychiatrique auprès des adolescents incarcérés dans un Quartier des Mineurs. Il donne les éléments des difficultés qualifiables de politiques que la méthodologie déontologique-technique de cette démarche a rencontrées avec la collégialité psychiatrique intervenant en prison, l’Administration pénitentiaire puis la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Il situe à l’intérieur de la crise plus générale des relations Santé-Justice, une certaine tendance au minimalisme psychiatrique auprès des adolescents incarcérés. Il expose au plan de la psychologie sociale des acteurs, les difficultés de l’indépendance du Sanitaire dans les prisons, eu égard aux personnalités difficiles de certains prisonniers, et au versant humaniste de l’Administration pénitentiaire et à la réintégration de la Protection Judiciaire de la Jeunesse dans les prisons pour mineurs depuis le début du XXe siècle. Il critique les axes principaux de la rhétorique qualifiée de « rhétorique ad hoc » qui soutient aux plans idéologiques et techniques la création de 7 établissements pour mineurs qui représentent des budgets considérables. Enfin, il montre les limites, du fait des caractères structuraux de l’autoritarisme sécuritaire pénitentiaire et de l’action des parquets, de la tentative d’organiser l’incarcération des mineurs sur le modèle d’une Institution médico-sociale.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 383-397.

François Pommier, Frédéric Forest : subversion du politique : la cure comme processus adolescent

Les auteurs de cet article étudient les implications du fait de penser la cure psychanalytique comme un processus adolescent et questionnent le lien entre ce processus, le politique et le dispositif thérapeutique. Leur réflexion s’appuie sur deux situations cliniques autour desquelles s’entrecroisent l’Id (au sens du ça freudien), l’identification et l’idéal. Le texte cherche d’abord à montrer que l’adolescence est un modèle pertinent pour penser la cure. Il rapproche ensuite l’adolescence et le politique en montrant que l’un comme l’autre partagent un certain rapport à l’utopie, l’adolescence caractérisant la souplesse possible entre l’Id, l’identification et l’idéal. Pour finir, le cas d’Irma met en évidence une interrogation sur la place de l’analyste entre le politique, l’adolescence et la cure qui, entre le refoulement et la demande de satisfaction, met en cause à l’intérieur de l’individu, l’échafaudage de l’idéal.

Adolescence, 2010, T. 28, n°1, pp. 51-66.

Gérard Bonnet : l’entrée du sujet adolescent en politique. le rôle crucial des idéaux

Comment un adolescent parvient-il à entrer en politique au sens propre du terme ? L’amour des idéaux, qui se manifeste parfois bruyamment à cette période de l’existence, en est probablement le ressort le plus déterminant. Encore faut-il préciser les composantes de cet amour, et les différentes catégories d’idéaux concernées, ce que Freud n’a fait qu’esquisser dans la seconde partie de son œuvre. On s’aperçoit alors que l’accès au politique suppose à la fois l’adhésion aux idéaux les plus universels, et le respect des idéaux narcissiques, partiels ou sociaux qu’impose l’existence. C’est donc la source de conflits permanents, et l’adolescent ne peut les gérer au niveau collectif qu’en entrant dans le discours politique au sens le plus large, et donc en appelant les idéaux par leur nom sans se leurrer sur leurs limites. C’est par là qu’il les reprend à son compte et se comporte en sujet, un sujet nécessairement écartelé entre des impératifs souvent contradictoires, mais prenant le risque de se prononcer à partir de ses propres convictions.

Adolescence, 2010, T. 28, n°1, pp. 27-50.