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Philippe Bessoles : état post-traumatique et facteurs de résilience

La notion de résilience apparaît heuristique pour l’étude des pathologies post-traumatiques. Dans un emprunt à l’épistémologie des sciences physiques comme qualifiant la résistance des métaux aux chocs, nous proposons de penser les processus résilients en psychopathologie clinique comme des organisateurs psychiques capables de promouvoir la représentabilité du traumatisme. En cela, la capacité résiliente d’une personne victime s’appréhende en logique d’économie placée à la convergence des réinvestissements objectaux, des enveloppements psychiques primaires et de l’inscription psychosensorielle des données de l’expérience traumatogène. La promotion de la pérennité de l’organisation sensorielle semble la forme basale des processus résilients avant la scénarisation fantasmatique. Le trauma psychique peut se penser alors comme un équivalent de scène originaire où la douleur ne fait pas seulement signe d’anéantissement mais d’une réparation – certes douloureuse – des enveloppes formelles du lien objet/sujet. La caducité de l’expérience traumatogène, au travers du scénario fantasmatique, supplante l’excès de réel qui sidère la personne victime. Cette nécessaire traversée du sensible traduit un lestage du trajet psychique préalable à un travail de la pensée du traumatisme.

 

Philippe Bessoles : le crime adolescent. Criminogenèse et processus adolescens

En regard de plusieurs expertises médico-psychologiques d’adolescents criminels, nous proposons une contribution à l’étude de la criminogenèse. Le crime adolescent traduit les impasses du processus adolescens par une actualisation de l’originaire infantile. Les enjeux de violence criminelle révèlent les avatars du diptyque « séparation/individuation ». Le crime est un appel à la représentativité sur fond d’angoisses agonique et anaclitique. Il incarne une « figurabilité aliénée » selon la proposition de M. et E. Laufer mise en acte dans le crime en réponse à une situation vécue par le criminel comme déshumanisante.

 

En référence aux travaux de P. Aulagnier sur le principe d’auto-engendrement, nous proposons d’articuler la criminogenèse aux distorsions d’accordage mère/infans, aux défaillances du pare-excitations et des enveloppements psychiques primaires et aux caducités des réponses maternelles aux signes émis par l’enfant.

Dominique Fessaguet : la mystique du rien

Louise a dix-sept ans, deux fois par semaine, le regard fixé sur un au-delà de ma personne, elle m’égrène les chemins de sa haine : l’ “ abjection ” que sont nourriture, tentation, corps/animalité, féminin. Louise ignore la mort. Elle est entrée dans une quête inlassable du rien, un rien dans la bouche, dans le corps et enfin : le rien. Elle avance fascinée par sa propre emprise dans la découverte de cet “ autre ” espace, l’absolu qu’est le rien et ses moyens d’y accéder. Elle a découvert au décours de la satisfaction hallucinatoire les voies de son rien. Elle mettait en scène la délicatesse et le raffinement de mets en si petites quantités, que là aussi, elle mangeait “ du rien ”. Et c’est ainsi que lui est apparu le rien, et elle a engagé sa montée vers Lui par petites touches, soignant son avancée, dans l’oxymore d’une élation froide.

Le rien, sa “ nuit des sens ” et en même temps son chemin de lumière, n’est pas sans évoquer la quête mystique d’un saint Jean de la Croix et je mettrai en perspective cette “ nuit obscure ” avec le trajet de Louise.

Il s’agira d’examiner les chemins, les impasses, le travail de liaison/déliaison, de désintrication de la pulsion que le choc du “ pubertaire ” a entrainé, l’amenant à une régression profonde. Dans un retournement/détournement de processus psychiques habituellement alliés de la vie, elle s’est abîmée dans le balancement entre satisfaction hallucinatoire et l’anéantissement vers le rien.

Le chemin de Louise nous permet de montrer les profondes ressemblances entre trajet mystique et trajet/travail du “ pubertaire ”.

Adolescence, 2008, T. 26, n°1, pp. 89-99.