Archives par mot-clé : Anthropologie

Olivier Douville : identité et non-binarité

Aujourd’hui, les métamorphoses d’Éros amènent à repenser la thèse qui fait du binarisme sexuel la clef de voûte de l’ordre symbolique. Le corpus psychanalytique est secoué et le sont, plus encore, les pratiques. Comment maintenir vivantes l’écoute, l’intervention analytique et son rapport à ce qui remue dans les champs de la culture ? En quoi le dialogue avec l’anthropologie a-t-il ici une pertinence ?

Adolescence, 2023, 41, 2, 339-351.

David Le Breton : la profondeur de la peau

 

La peau, pour le meilleur ou pour le pire, est un instrument de fabrique de l’identité, de manière ludique à travers tatouages ou piercings, ou de manière plus douloureuse à travers les scarifications. Par le sacrifice d’une parcelle de soi dans la douleur, le sang, l’individu s’efforce de sauver l’essentiel. En s’infligeant une douleur contrôlée, il lutte contre une souffrance infiniment plus lourde. Sauver la forêt implique d’en sacrifier une partie. De même pour continuer à vivre il faut parfois se faire mal afin de lutter contre la détresse.

François Richard : la parentalité, une notion à discuter

Cet article cherche à montrer que la notion de parentalité émerge dans le contexte d’une évolution historique où le lien social tend à s’auto-reproduire, au-delà des systèmes traditionnels de parenté. Ceci doit être mis sérieusement à la discussion, dans la mesure où risquerait d’être oubliées la conception psychanalytique du conflit pulsionnel œdipien et la centralité de l’interprétation du transfert dans la cure analytique. Une première partie envisage les modalités actuelles du « malaise dans la culture » ; sont ensuite étudiés certains avatars de la subjectivation cas-limites qui se rationalisent dans un discours sur la parentalité. En conclusion, parentalité et parenté sont dialectisées grâce à une mise en perspective anthropologique.

François Pommier : adolescence sous influence – les sentiers (chemins) du deuil

L’adolescent qui court le risque de se perdre dans son propre reflet ou dans celui d’autres qu’il porte, est donc à la fois en quête d’images et sous l’emprise du passé. Certaines sont directes et très évidentes, d’autres parallèles ou latérales, dans la fratrie par exemple, et parfois plus lointaines dans l’ascendance. Nous proposons, autour de la question d’une anthropologie de l’adolescence, d’aborder les transformations silencieuses inhérentes aux processus adolescents et l’installation insidieuse de figures qui obscurcissent en partie le champ des représentations. Nous chercherons à montrer que si ces figures installent parfois le sujet dans une dynamique de deuil interminable, elles participent finalement à la structuration et qu’elles ont donc une influence positive sur le processus adolescent.

Adolescence, 2014, 32, 1, 57-70.

François Richard : le complexe d’œdipe existe-t-il toujours ? l’identique et la différence. débat avec Françoise Héritier

Cet article discute l’hypothèse selon laquelle, dans la société contemporaine, le complexe d’Œdipe se complexifie mais existe toujours comme organisateur central de la psyché.

Un débat avec les points de vue de l’anthropologie – et en particulier avec Françoise Héritier et sa théorie de « l’inceste du deuxième type » (entre une mère et une fille qui ont le même amant) – introduit à une reproblématisation des notions d’homosexualité primaire, d’intersubjectivité et de tiercéité. La question de la différenciation peut ainsi être mieux pensée dans son rapport à la subjectivation : y a-t-il risque de dé-différenciation psychotisante dans l’inceste ? Qu’en est-il des troubles psychiques à l’adolescence où les phénomènes de régression vers des situations groupales où prévalent les fonctionnements limites ?

L’identique dont parle Françoise Héritier ne correspond pas terme à terme à l’économie libidinale narcissique. Il faut relancer le dialogue historique entre psychanalyse et anthropologie (A. Green et J. Lacan avec C. Lévi-Strauss, plus récemment les échanges avec M. Godelier et B. Juillerat) à partir d’une réflexion sur le devenir de la fonction paternelle aujourd’hui – dans le prolongement de la discussion critique de la théorie de l’inceste du deuxième type, et d’un exemple de société traditionnelle sans pères et des néo-parentalités contemporaines.

Le triangle œdipien apparaît comme susceptible de prendre des formes variées.

Adolescence, 2014, 32, 1, 23-46.

Philippe Gutton : la situation anthropologique fondamentale de l’adolescence

Après une ouverture générale pour le colloque du 5 octobre 2012 au Collège de France, l’auteur propose le concept de situation anthropologique fondamentale de l’adolescence. Deux formants processuels de sa création : le pubertaire et l’infantile. Les processus d’adultité sont la répétition, remémoration et élaboration de la névrose infantile. Au plan anthropologique, ils représentent l’ordre institué. La situation est examinée sous l’angle de la rencontre critique et peut-être constructive et instituante entre le pubertaire en cours de sublimation et l’adultité.

Adolescence, 2014, 32, 1, 11-21.

David Le Breton : la part du feu : anthropologie des entames corporelles

 

À l’adolescence le corps devient une surface de projection dont il faut contrôler l’apparence en le parant, le dissimulant, le maltraitant, etc. L’existence est une histoire de peau, une question de frontière entre le dehors et le dedans. L’entame corporelle porte la souffrance à la surface de soi, là où elle devient visible et contrôlable ; elle est un acte de passage bien davantage qu’un passage à l’acte.

David Le Breton : le goût de la syncope : les jeux d’étranglement

La quête du vertige, pouvant aller jusqu’à la syncope est une constante des activités adolescentes sous des formes ludiques (glisse, saut en élastique, etc.) ou douloureuses (alcoolisation, toxicomanie, etc.) mais on la retrouve aussi sous la forme des jeux d’asphyxie, où la syncope est délibérément recherchée. Cet article en propose une analyse anthropologique.

Adolescence, 2010, T. 28, n°2, pp. 379-391.

Eric Chauvier : l’inconscient de l’enquête, une expérience de savoir

L’observation de la souffrance humaine se fait souvent au moyen d’une distance obtenue par le déni d’états émotionnels qui, pourtant, apparaissent souvent déterminants à l’observateur. Cette contribution cherchera à vérifier cette hypothèse en prenant pour exemple une mission de recherche-action effectuée dans une institution accueillant des adolescents en rupture familiale. Fortement troublé par la voix étrangement désaffectée d’une adolescente, l’observateur se trouve contraint de renoncer au caractère distancié d’un régime habituel d’expertise. Ce n’est pas l’histoire de cette adolescente qui le trouble, mais ce qu’elle lui renvoie de son propre vécu familial, lequel se confond avec une démarche scientifique d’observation. Le retour vers cet « inconscient de l’enquête » constitue la base de ce que nous pourrions nommer une initiation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 145-152.